ft. Général Zenzen et Maruchou
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Si il y avait bien une chose que nous adorions plus que tout, c’était la cour. Et si il y avait bien une chose que nous adorions encore plus que ça, c’était en sortir.
Enfin, d’habitude.
Nous n’avions jamais été à Kii, la région communiquant assez peu avec l’extérieur. La plupart du temps, nous accompagnions Lorenzo à Aros pour y traiter avec la noblesse locale. Or Aros avait le mérite d’être agréable ; la gente y était agréable et raffinée (mais pas autant que nous, hein), nous traitait comme la princesse que nous… euh, sommes et nous avions utilisé le froid ATROCE des lieux comme excuse pour nous constituer une garde robe hivernale exclusive (avec de la fourrure de Feunard toute douce. Lorenzo avait menacé de nous offrir un manteau fait de la peau de Narcisse). Mais Kii… Kii était différent.
Adieu les plaisanteries agréables et les grandes cérémonies ; nous avions été accueillis (après un voyage terriblement inconfortable, notre voiture n’étant pas adaptée aux montagnes !) par… une cérémonie terriblement solennelle. Les représentants du village arboraient un air austère. Etant donné la manière dont ils nous fixaient, nous ressentions une certaine appréhension face à leurs lames taillées bizarrement. Ils n’avaient donc jamais appris à soigner les invités ? Et puis, sans compter leur côté menaçant et leurs accoutrements ridicules… cette réunion était d’un ennui fou. La salle était étrangement silencieuse, les pourparlers de Lorenzo plus que soporifiques, et personne n’était venu nous consoler lorsque nous nous sommes cogné la tête contre leur leader en exécutant une de leurs courbettes rigides (ces paysans frigides avaient-ils donc peur de baiser notre délicate main ?)
Nous nous tînmes docile le temps que ce mauvais moment passe. Nous étions tout de même correctement éduquée, nous ! Fort heureusement, nous connaissions notre programme (nous avions l'habitude avec les soirées, toujours parfaitement calculées), et notre camp avait prévu de quitter le Général pour le retrouver plus tard. "Rester entre quatre murs ne nous permettrait pas de profiter de la beauté et de la culture de Kii" ou un prétexte du même genre. L'idée n'était pas mauvaise, cela dit. Après tout, nous ne connaissions pas le village, il avait l’air très mignon (plus que le Général) et nous avions envie de savoir si tout ce que nous avions appris dans les livres sur cette région était vrai. Nous acceptâmes donc joyeusement de partir, mais seule. Eh bien oui, si nous n'avions plus envie de voir la sale face sévère du Général, nous en voulions aussi à ceux qui nous avaient accompagnée à cette cérémonie si ennuyeuse. Même les serviteurs qui étaient obligés de venir, oui.
Le village (que nous avions à peine aperçu en venant, puisque Lorenzo nous faisait l’affront de nous parler) était vraiment très agréable. Il avait le charme pittoresque de ceux de Scémède que nous visitions parfois pour jouer à la paysanne (ceux pas trop boueux donc), mais dans un style tout à fait inconnu ; aux toits plats et aux maisons multicolores de Scémède se substituaient des maisons aux portes de papier au pied desquelles des dizaines de sandales de bois s’accumulaient. C’est fort agréable, nous pensâmes.
Enfin, jusqu’à ce qu’un cri éclate.
« HIYA ! »
Nous sursautâmes. Un poing venait de voler sous mes yeux pour heurter une épaule dans un bruit fracassant, nous arrachant un cri. Une jeune femme, de notre âge environ, se battait avec un autre Kiiois, du sang au coin de la lèvre et les vêtements tombants. Derrière elle, un Machoc tout aussi barbare l'encourageait avec enthousiasme. Il ne nous en fallait pas plus.
« Vous auriez pu nous blesser ! nous dîmes d’une voix un peu tremblante, avant d’ajouter avec un peu plus d’assurance : N’avez-vous pas honte de vous afficher ainsi face à une dame ? Si nous voulions voir un cirque, nous serions restée chez nous, les bêtes y sont bien mieux éduquées ! Mais nul doute que les sauvages que vous êtes suivez l’exemple de votre chef ! »
Nous avions toujours très mal à la tête et étions toujours très embarrassée et ils avaient failli nous blesser ! Notre cœur battait encore la chamade tant nous avions eu peur. Ce n’était vraiment pas ce à quoi nous nous attendions en venant ici…
Nous ne nous attendions pas non plus à sa réaction.
La fille s'approcha de nous, le visage terriblement austère. On aurait dit les masques sévères de la salle dans laquelle nous avions été accueillie plus tôt. Nous reculâmes d’un pas. Ils ne pouvaient rien nous faire, hein ? Nous étions une princesse. Ils pourraient se faire exécuter pour ça. Mais… nous étions seule et… dans une terre totalement inconnue… et elle ne reculait pas...
Nous déglutîmes en reculant de nouveau, mais nous tordîmes la cheville sur les roches du sentier. Un nouveau cri nous échappa alors que nous tombâmes. Nous aurions préféré nous briser le postérieur sur le trône de notre frère que sur cette terre foulée par des sandales laides, mais ce doux espoir s’évanouissait de seconde en seconde.
« Vous ne pouvez pas vous en prendre à nous ! Nous sommes… je… »
Mais l’éventualité d’un incident diplomatique ne l’effrayait visiblement pas, et nous ne savions que répondre, terrorisée. Finalement, dans notre panique, nous criâmes :
« A l’aide ! G-Gardes ! Lorenzo ! »