Douce ciguë qui m'enivre [Complete]

Cet homme est le cas typique de celui qui préfère la compagnie des pokémons à celle des humains. Il a tendance à mépriser les membres de sa propre espèce, même s'il n'en fait pas clairement mention. À ses yeux, les pokémons seront toujours plus ouvert et à l'écoute que la majorité de l'espèce humaine. Pourtant, cela ne fait pas de lui un être froid et asocial, gardant ses pensées négatives pour lui autant que possible. Ce qui en fait un être capable d'écoute et de conseils. S'il a du mal à entretenir une conversation, il est un as du monologue. Se perdant rapidement dans ses explications, ceux ayant la patience de l'écouter pouvant tout de même apprécier cette certaine passion contenue en chacun de ses mots. Ses conseils ne sont peut-être pas toujours justes, il a tout de même le mérite d'avoir de bonnes sources, étant un vrai ratatac de bibliothèques.

S'il subit lui-même le monologue interminable, il retiendra les grandes lignes et y coupera court au moindre commentaire qu'il trouvera infondé, d'autant plus si cela concerne les pokémons. C'est un vrai je-sais-tout sur ce sujet, aimant vérifier la véracité de ses lectures par l'observation. C'est d'ailleurs son activité préférée, il pourra passer des heures à étudier le comportement des pokémons sauvages. Du moins, si sa vue lui fait défaut, son ouïe compense. Il peut faire la distinction entre plusieurs cris différents. Mais peut se méprendre sur l'identité de certains, surtout les plus silencieux.

L'une des plus grandes difficultés que peut côtoyer Kawa est son manque de discernement face aux inconnus. S'il cherche à faire preuve de méfiance, une parole bien placée peut sitôt le convaincre. Si l'homme peut compter sur les livres pour démêler des faits, on ne peut en dire de même des véritables intentions de chacun. Ce qui peut en faire la proie facile de n'importe quel escroc au beau discours. C'est pourquoi ses proches ont plutôt tendance à le garder à l'oeil... malheureusement, Ishikawa a la fâcheuse manie de leur fausser compagnie, retrouvant sa solitude ou ses camarades pokémons.

L'automne est arrivé et les feuilles tombent des arbres. En cette belle matinée, notre cher Kawa devait rapporter de l'eau du puits pour abreuver ses nombreuses bêtes. Son dernier voyage fait pour remplir l'abreuvoir de la bergerie, il ne manquait plus qu'à guider les wattouat vers celui-ci. L'homme n'eut qu'à siffler deux coups pour que le caninos se charge du reste, ramenant les pokémons vers la bergerie. Son travail finit, il remercia le canin d'une caresse amicale sur la tête puis se dirigea vers la maison où se trouvait le reste de la petite famille.

- Ma très chère tante, souffla-t-il arrivé à la cuisine où que se trouvait celle-ci, j'ai terminé, ai-je l'autorisation de

Mais il n'eut pas le temps de finir que sa tutrice hocha la tête. Lui arrachant un sourire enthousiasme.

- Bien sûr, si tu arrive à convaincre Flèche, il y a des fraives fraîches sur la table. Soit revenu avant l'aube, sinon tu risque de faire attendre ta surprise.

- C'est promis.

Si l'envie lui avait pris de lui demander ce qu'elle voulait dire, ses pieds en décidèrent tout autrement en le reconduisant vers la porte, lui laissant à peine le temps de récupérer quelques baies. C'est qu'il se sentait particulièrement pressé de rendre visite à sa vieille amie. Il n'avait plus qu'à convaincre le ponyta appartenant à sa tante de le mener jusqu'à Nimus. Avec quelques baies fraives à la clé, l'équidé s'est vite décidé.

Une fois assez près de la forêt, Flèche montra de la réticence, comme à son habitude. Alors, le fermier fut contraint de continuer à pied, ce qui n'était pas pour le déranger. S'engouffrant dans la végétation avec pour seul guide son instinct… et son odorat. Celle pour qui il a fait tout ce trajet ayant une odeur atypique qui se distinct parmi toutes les odeurs que compose cette forêt.

D'ailleurs, cette odeur reconnaissable d'entre tous se faisait de plus en plus forte. Elle devait l'avoir senti aussi. Si certains pourraient avoir peur à l'idée de sentir le sol trembler légèrement sous leurs pieds, Kawa eut un sourire au visage. Il avait été trouvé. Un animal peu farouche à la grosse tête verte vint lui faire ses salutations. L'humain s'en approcha doucement, tendant la main pour la poser entre les deux yeux du pokémon.

- Ravi que vous m'ayez reconnu, dame Florizarre. Vous êtes toujours aussi belle que le premier jour.

Ce parfum prononcé de baie nanana fermenté ne déconcertait pas notre fermier, loin de là. Pas plus que les feuilles flétries et ce visage empreint de ses nombreuses années d'existences. Peut-être que l'on pourrait accuser sa mauvaise vision, mais cela serait une erreur. Ishiwaka verrait toujours cette même batracienne qui lui a sauvée la vie il y a aujourd'hui dix ans. Et il n'avait jamais oublié sa visite annuelle jusque là.

S'assoyant au pied d'un arbre en fermant les yeux pour mieux profiter le bruit du vent, il ne s'était pas volontairement assit auprès du pokémon pour lui laisser le choix de l'approcher de son plein gré. Et celle-ci pressa le pas pour se coucher à sa gauche, faufilant doucement la tête sous son bras comme le ferait un ponchien.

- Dix ans que nous nous côtoyons et que je vous raconte mes journées, que vous écoutiez inlassablement mes confidences... mais aujourd'hui, j'ai toujours envie de raconter ma vie, plus encore, j'aurais envie de vous parler de mon passé.

Kawa tourna la tête vers la batracienne, tout comme pour lui demander son accord. Celle-ci d'un mouvement de tête, semblait lui donner son accord. Du moins, c'est toujours ainsi que l'avait interprété notre blondinet. Sa main parcourant la peau boursoufflée du type plante dans une caresse, l'humain commença son récit ainsi:

" Comme vous le saviez probablement, j'ai vécu une partie de mon enfance à Sinnoh, mon pays natal. Je dois avouer que je n'y aie pas les meilleurs souvenirs. Pour commencer, je n'ai jamais vraiment connu ma mère, elle est allée au ciel alors que je n'avais que quelques jours à peine. Mon père a donc dût m'élever seul, et Cresselia sait à quel point veufs ou veuves sont particulièrement mal vus. Et il n'y a pas que ça, disons que Père était un homme de foi influent. Qu'il prêchait la bonne parole, mais sans appliquer à la lettre les textes sacrés. Dire que ceux-ci prêchaient la méfiance envers tout pokémon du type poison ou du type Ténèbres. Et lui partageait sa demeure avec un Drascore! Je ne vous raconte pas l'hérésie que c'était dans le village. "

"Il était un homme de foi, mais surtout un homme d'amour. Amour dont il ne voulait priver le moindre pokémon et humains, quel que soit son type ou ses origines. Malheureusement, pas tous ne voulaient prendre l'exemple sur lui, ce qui fait que sur mes lieux d'études, je recevais bien souvent des représailles de mes camarades de classe qui trouvait tout à me reprocher. L'absence de frère ou de soeur, de mère, ce jugement constant sur ma personne qui pesait sur moi jour après jour. Mais Père savait trouver les bons mots pour me remonter le moral, je me devais de rester fort. Pour qu'il soit fier de moi. Tous mes bons souvenirs de Sinnoh sont dus à son simple sourire et son optimiste contagieux... ils nous arrivaient même de nourrir les pokémons sauvages à la nuit tombée, il y avait tant de nosferaptis que je ne saurais les compter même aujourd'hui!"

" Tient, s'il y a bien une insulte qui revenait souvent, c'était "enfant du Darkrai" à cause de mon oeil rouge. Ce qui faisait bien rire mon Père, puisque dans les écrits, ils ne font jamais mention que Darkrai ait les yeux rouges. Malgré ça, je ne peux m'empêcher de cacher cet oeil maudit sous une mèche. De me dire que c'est à cause de cet oeil que ma situation a fini par autant s'envenimer. "

" Parlons du pokémon de mon Père, Drascore, ou plutôt Spike avait une chose en commun avec son ami, sa gentillesse sans limite. Il était comme un grand frère pour moi. Lorsqu'il me sentait triste, il ne manquait pas de m'attraper avec l'une de ses pinces pour me serrer contre lui. Il prenait toujours soin de m'attraper par le moindre plie de vêtement, comme par peur de me blesser. Sa tendresse était telle que j'avais beaucoup de facilité à retrouver le sourire. Spike était si rayonnant de sagesse que j'ai encore beaucoup de mal à croire qu'il puisse être du côté des ténèbres. "

" Mais pourtant, que Cresselia me pardonne, j'ai faillit en douter le jour où-. Le jour où qu'il-... le jour que-. "

Kawa réprima un sanglot, mais une larme persista tout de même à perler le coin de son oeil. À peine eut-il le temps de redresser la main qu'il sent une liane s'appliquer contre sa joue pour l'essuyer. La florizarre avant un regard inquiet. Le fermier prit une grande respiration, c'est dans les pires moments que nous devons forcer les plus grands sourires, se dit-il, affichant un rictus. Assurant tant bien que mal la batracien qu'il allait bien. Une pause fut prise pour inspirer un bon coup, sa plus grande amie soufflant de sa fleur un parfum assez apaisant.

"J'ai failli douter. J'ai eu cette pensée... empoisonnée qui a hanté mon esprit le temps de réaliser pleinement ce qui était arrivé... Mon Père a été assassiné et le seul suspect était Spike... Je... je sais que ça n'aurait rien changé, qu'au vu de mon âge, je serais resté impuissant. J'aurais voulu leur en empêcher. J'aurais voulu leur prouver que ça ne pouvait être lui, que ça ne pourrait être qu'un coup monté. Mais, je n'ai rien pu faire contre son exécution. J'entends encore leur exclamation, comme si c'était quelque chose à célébrer. C-cette horreur. Mais... c'est comme ça. Je voudrais juste ravoir la chance d'élever un drascore, d'étudier leur comportement. D'avoir des pistes... Spike ne peut être qu'innocent.
Les morts ne peuvent être ramenés à la vie, mais on peut honorer leur mémoire. C'est pourquoi je veux prouver que Père n'a jamais eu tord d'avoir eu confiance en son meilleur ami, en son drascore.
Et à défaut de ne plus pouvoir le prouver à tous... je voudrais me le prouver. "

"Il se trouvait que j'avais une tante d'Hastérion en visite à Sinnoh. Le hasard fait bien des choses, elle m'a ramenée avec elle. Bien que j'eus de la réticence, ce n'était pas non plus comme si j'avais eu le choix. Et je ne peux pas dire que je le regrette. J'y ai retrouvé de la famille et une nouvelle amie... Oui, je parle bien de vous. Vous êtes l'une de ceux qui avez rendu ma vie meilleure. Plus supportable. "

Kawa eut un léger sursaut, sa main s'étant soudainement dérobée comme le perchoir où qu'elle se trouvait a changé de position. Le fermier ramena la main vers lui et eut un léger sourire crispé. Puis, un sourire un peu plus doux. Il se mit à genou et récita une prière. Puis, reposa une main sur le front de la Florizarre.

- Au revoir, ma vieille amie... merci pour tout.

Articula-t-il, dans un souffle, avant de se redresser. Il entendit Flèche hennir au loin. Puis se guida à l'audition tant bien que mal pour sortir de la forêt. Il savait qu'à partir de ce jour, il pourrait difficilement y revenir sans risque. Cependant, Ishikawa savait tout aussi bien qu'il devait aller de l'avant. Essuyant ses yeux, il prendra le ponyta dans ses bras dès qu'il le retrouvera. Puis, il n'avait plus qu'à revenir chez lui au galop. Sûrement y retrouvera-t-il la fameuse surprise que sa tante lui réservait.