La mort ne fait que partie de la vie {Pv: Renart ~}

Attention !

Une Lakmécygne

La créature essuie ses larmes et avec un œil compatissant, caresse doucement le ventre de Kawa de son bec. A priori, les paroles, même maladroites, ont marchés sur le noble monstre qui, avec un petit cliquètement, semble remercier la gentillesse de l'humain. Après tout, ils ne sont peut être pas de la même race, mais ils ont les même sentiments sur la chose horrible qui s'est déroulé ici.
Se redressant, la majestueuse créature étend ses ailes et après un dernier regard, s'envole dans le ciel, peut être pour retourner chez elle, peut être pour aller chercher sa famille, comme Kawa devrait le faire, ou peut être pour aller se recueillir ailleurs, nul ne le saura.

Mais Kawa n'a pas le temps de se féliciter d'avoir pu aider une si belle créature qu'un autre bruit lui parvient, et cette fois, ce sont les petits mugissement d'une créature qui galope vers lui, ou en tout cas dans sa direction ! Il semble totalement apeuré, peut être poursuivi par quelque chose, mais en tout cas, il détruit tout ce qui se trouve devant lui et qui gêne sa course effrenée !

Un Coupenotte mâle !

Quelle belle journée pour Renart ! Un jour férié ! Jamais personne n'a craché sur l'occasion de se reposer et de se vider la tête après une semaine de dur labeur. Échapper à la sphère du travail était un rare luxe pour ceux qui détestaient le leur, comme c'était le cas pour le bourreau. Certes, quatre fois par mois, venait le jour d'Arceus, lors duquel nul jurant par lui n'avait à trimer, et même les pauvres âmes condamnées avaient le droit de vivre vingt-quatre heures de plus... mais était-ce vraiment assez ? Pas vraiment. Complètement exténué par toute cette charge mentale, l'homme passait généralement le Dimanche entier à ronfler ou se morfondre dans son lit. C'était à peine s'il mangeait.
Cette fois-ci, c'était entièrement différent. Il ne s'agissait pas d'un congé ordinaire, puisque l'heure était à la célébration de la fin d'une guerre, et au recueillement pour l'âme de grands martyres. Pas même le plus sévère des gouvernements ne pouvait empêcher quelqu'un de se rendre au Val de l'Aube durant ces temps.
Pour profiter pleinement de cette brève liberté, l'Arosien avait dû quitter sa ville natale très tôt. Il partit pendant la nuit, après avoir fait son dernier office, à bord d'une calèche à toit ouvert qui emmenait quiconque payait la somme due. Pour une fois, il avait l'occasion de ne pas porter son ridicule costume. Paré de teintes brunes communes et d'un chapeau passe-partout, nul autour de lui ne le reconnut :un cocher sain d'esprit n'aurait jamais accepté de prendre l'exécuteur à bord. Même Justice et ses crocs ciselés n'effrayait personne. Beaucoup étaient venus avec leur propre compagnon.

Il avait fait un froid glacial lors du voyage. Certains passagers avaient grelotté - des étrangers certainement -, mais les gens qui étaient montés à bord à la ville portuaire, habitués, riaient bien de la faiblesse des autres. Le trajet avait été long, et impossible de dormir dans cette position, mais il était passé assez rapidement, car les discussions allaient bon train, il y avait même eu quelques rires.
Ils arrivèrent quelques heures après le lever du Soleil, fatigués, mais émerveillés. Les lumières dans le ciel affichaient encore des teintes rosées. Ce genre de couleurs célestes étaient bien rares à Aros, où il faisait toujours gris, et où la lumière du phare aveuglait quiconque espérait voir les étoiles ou le réveil de l'astre solaire. Tout le monde s'était tu, et les plus impatients descendaient déjà du véhicule. Le cocher donna rendez-vous à tous au crépuscule, ce qui donnerait largement assez de temps aux pèlerins de faire le tour du Val.

Chaque année, il semblait y avoir de plus en plus de monde. Cela fit bien plaisir au bourreau, qui trouvait que la jeunesse se faisait de moins en moins pieuse. Pourtant des personnes et Pokémon de tous les âges se tenaient là, à observer, parler entre eux, prier... ceux qui tentaient de semer la zizanie se faisaient vite arrêter par des pacifistes plus ou moins doux dans leurs manières de persuasions.

Ici, personne ne risquait d'identifier Renart. Une pensée qui le réjouissait. Il pourrait entamer une discussion avec n'importe qui. C'était sûrement la raison principale qui lui avait donné envie de venir ici, même s'il se persuadait que sa foi y était pour beaucoup. Il aurait été égoïste selon lui de venir se faire des amis en un jour de deuil.
La probabilité de croiser ici un habitant d'Aros était peu probable. De plus, un qui le rencontrerait sans son accoutrement. Pourtant, un visage familier attira son œil noir. Et pas celui d'un humain.

Spiky ?

L'objet de son intérêt, un Wattouat, semblait confus. Il aurait reconnu ce spécimen entre mille, avec sa laine courte et ses cicatrices de combattant. Il regardait autour de lui, comme perdu, et sa frustration, si elle continuait à s'accumuler, risquait vite de perturber la trêve. Il appela la bête, comme s'il s'était agi d'un Caninos.

Hep, Spiky, viens-là ma belle !

En entendant son nom, la brebis leva la tête. Il n'était pas certain que l'homme qui l'appelait ait réussi à se faire obéir, mais elle s'avança vers lui. Elle avait après tout complètement ignoré sa main qui voulait lui faire une caresse, pour aller saluer la dragonne qui le suivait. Ignorant cet affront et la vexation qu'il venait de subir, il leva les yeux au ciel. Pas étonnant, la moutonne avait toujours préféré la présence de Justice à la sienne, et si les raisons pouvaient sembler claires pour certains, il les ignorait complètement.

Où est passé ton maître, ma grande ?

Pas de réponse. L'agnelle le fixa dans le blanc des yeux, comme pour dire "Je ne sais pas", ou peut-être "Je suis un Pokémon, je ne peux pas parler, bouffon.", mais le résultat était le même. Il allait devoir chercher la tête blonde lui-même. Ça n'allait pas être évident, dans un endroit aussi grand. De plus, la personne qu'il cherchait n'était pas si grande... il devait se faire un sang d'encre à l'idée d'avoir perdu sa meilleure amie.
En plein milieu des recherches, un affreux bêlement fit sursauter Renart. En se retournant, il vit partir à bride abattue la boule de laine jaune. Que s'était-il passé ? Avait-elle eu peur de quelqu'un, ou quelque chose ? Inquiet, l'homme la poursuivit aussi vite que le permettaient ses grandes échasses qui lui servaient de jambes, tenant d'une main son chapeau avant de finir crâne d’œuf à l'air.
Il ne tarda pas à comprendre quelle mouche avait piqué le mouton. Sur sa trajectoire se tenait, de dos, une silhouette surmontée de cheveux dorés. Et à côté de lui, un Pokémon, sûrement sauvage, inconnu à la Wattouat. Jalouse, ou protectrice, elle avait décidé de charger ce pauvre bougre loin de son dresseur. Le Coupenotte attaqué n'avait visiblement aucune envie de se battre, et courait pour sa vie en pleurant. Un spectacle pour le moins drôle, même si certains regardait de travers l'animal de ferme et sa victime. M. Tuvache préféra les ignorer, pour aller saluer son ami.

Kawa !

Il le força dans une étreinte amicale, avant d'ajouter de la part de Solochi :

Ça faisait longtemps !
Alors, qu'est-ce que tu deviens ? Tu n'es pas venu seul quand même ?

Il n'était pas facile d'ignorer le handicap du jeune homme après avoir passé plus de dix minutes en sa compagnie. Aussi myope qu'un Taupiqueur, même si son deuxième oeil n'avait pas été couvert par une épaisse touffe de cheveux, il n'aurait pas été moins aveugle. Sans guide à ses côtés, il aurait eu bien du mal à partir d'ici.