Se perdre pour se trouver [Rp solo]

Son voyage et ses fuites l'avaient menée à Nimus. L'endroit l'avait toujours fascinée sans qu'elle n'ose réellement y mettre les pieds. L'on disait les terres maudites et sans pitié. Les sentiers changeaient sans cesse et perdaient les malheureux qui avaient l'idée de s'y aventurer. Malgré un esprit aussi malade que le sien, Hécate avait longuement hésité à y pénétrer. Avait-elle peur ? Sûrement. Elle avait beau soutenir le contraire à Thymos sous le regard confus de Lotty, ses tremblements la trahissaient. Ses craintes étaient toujours ancrées en elle et les histoires qu'on lui racontait lorsqu'elle n'était encore que petite filles remontaient insidieusement dans son esprit.
Finirait-elle dévorée par les monstres des bois ? Ou maudite par la sorcière qui y avait élu domicile ? Mais avait-elle réellement le choix ?
Si elle avait stoppé sa fuite pour prendre le temps de réfléchir à son choix, un frisson lui avait parcouru l'échine pour lui rappeler la raison de sa présence ici. Les scémédois en colère avaient certainement cessé de la poursuivre mais elle ne se sentait pas en sécurité. Elle avait plusieurs fois frôlé l'exécution et refusait de se confronter une nouvelle fois aux fers. Alors, peur déraisonnée ou justifiée, elle s'était dirigé vers l'endroit qui terrifiaient le commun des mortels.

Tu en fais encore parti apparemment.

La voix de Thymos résonna devant elle entre les bois alors que Charlotte feulait sur les bois hantés. Hécate n'était pas la seule à sentir un danger. Pourtant, la moquerie avait eu l'effet escompté et si la Chaglam se refusait à pénétrer le lieu maudit, sa maîtresse en avait décidé autrement.
Comment pouvait-elle se prétendre libérée des croyances stupides qui l'avaient enchaînée toute sa vie si elle leur accordait encore du crédit. Le bois de Nimus était maudit ? Ne l'était-elle pas elle aussi ? L'endroit était parfait pour elle, fait pour elle. Elle y serait chez elle, elle ne pouvait le craindre !
Ainsi, serrant les dents et les poings, elle se fit violence pour affronter la crainte qui l'avait maintenue paralysée. Un pas, puis un autre, à force d'avancer, elle avait pris un rythme soutenue pour pénétrer les limites du domaine ésotérique, Charlotte sur ses talons, le poil hérissé.

-Notre foyer, nos pairs nous accueillent, Charlotte. Il n'y a rien à craindre.

Murmura t-elle autant pour sa partenaire que pour elle même. Elle était terrifiée mais elle refusait de l'admettre. A force de la nier, la peur s'envolerait d'elle même et laisserait la place à une routine qu'elle ne connaissait que trop bien : Survivre.

Le pas décidé, elle pénétra ainsi dans les bois, laissant un rideau végétal se refermer derrière elle et couvrir sa fuite, la protégeant d'éventuels chasseurs. Mais... Ne venait-elle pas de troquer un danger humain contre un danger monstrueux ?

Ainsi déambula t-elle plusieurs heures dans les sous-bois, sans véritable objectif que de trouver un endroit qu'elle jugerait suffisamment sécuritaire pour en faire une courte pause. Au lieu de ça, l'air s'était fait plus suffocant, l'ambiance plus lourde et à ses oreilles venaient plusieurs bruits qui ne manquaient pas de la faire sursauter. Lance à la main, elle avait raffermit sa prise sur le manche en bois, prête à se défendre s'il le fallait.

La menace qu'elle percevait ne tarda pas à se manifester. Quelques bruissements d'ailes lui firent relever la tête et s'accroupir par réflexe. Quelles étaient ces créatures ? Elles ne semblaient pas être du même acabit que les Nosferaptis qu'elle pouvait rencontrer parfois lors des nuits noires. Combien y en avait-il ? Trois ? Peut être quatre ? La jeune femme serra les dents alors qu'elle entendait le feulement étouffé de sa partenaire. Sa peur était palpable mais Hécate n'y prêta que peut d'attention : elle n'avait pas le temps de la rassurer et elle avait confiance en leurs capacités. Créatures inconnues ou pas, elles en avaient vu des pires, ce n'était pas ces étranges volatiles qui la feraient reculer.
Cependant, si les bêtes avaient l'air affolées, aucune d'elles n'avaient pour l'instant porté la moindre attaque et malgré son caractère belliqueux, Hécate s'en trouva soulagée. Un combat en terres inconnues contre des bêtes étrangères n'étaient pas une solution des plus sûres, même elle pouvait s'en rendre compte, et même Thymos qui avait gardé le silence pendant tout ce temps.

Alors d'en un fol espoir, elle s'était remise à avancer. Un pas, puis deux, et soudainement, un piaillement grinçant fendit l'air. En un rien de temps, les trois créatures ailées avaient fendus sur elle, l'obligeant à se couvrir le visage pour éviter de se faire crever un œil. Déjà son front s'était retrouvé entaillé et elle pesta. Une des chauve-souris aux grandes oreilles lui mordit alors un bras pour l'obliger à se découvrir tandis qu'une autre battait des ailes frénétiquement afin de provoquer de violentes bourrasques d'air. Pourtant, avant qu'Hécate ne sente le Tranch'air lui labourer les chairs, Charlotte avait sauté sur elle, pris appui sur ses épaules et atteint ladite bête pour la claquer de ses deux pattes. Profitant de l'élan, la Chaglam joua de Bluff et se débrouilla pour retomber sur le monstre ailé et le clouer au sol. C'était au moins ça de pris.
Incapable de discerner la troisième créature, Hécate décida de se focaliser sur celle qui refusait de lâcher son membre. Dans un rugissement furieux, elle agita son bras pour assommer la bête contre un arbre et la sonner pour quelques précieuses minutes. Ainsi, comptant profiter du moment, elle récupéra sa lance tombée au sol lors de l'attaque et s'apprêta à achever le monstre au sol. Il le méritait, n'est ce pas ? S'il avait décidé de l'attaquer, c'est qu'il était prêt à mourir. Pourtant, quelqu'un semblait refuser l'idée et un poids percuta son épaule et la dépassa, la déséquilibrant et la forçant à poser genoux à terre. Elle pesta et siffla entre ses dents en remarquant l'autre silhouette sombre voleter un peu au dessus d'elle.

-Tu ne la sauveras pas comme ça.

Grinça-t-elle d'une voix mauvaise. La furie qui guidait ses pas se réveillait peu à peu en elle et devenait maîtresse des ses mouvements. Cet instinct de survie, cette rage de vaincre se distillait dans son sang et et faisait vibrer ses sens.
Du coin de l'oeil, elle remarqua Charlotte aux prises avec l'autre créature, la troisième, qui semblait maîtriser la situation d'une patte de chef. Malgré l'avantage aérien, le monstre inconnu semblait manquer de cette expérience et de cette colère qui animait le duo infernal. Ces choses n'avaient aucune chance... Un sourire sombre étira les lèvres de la vagabonde alors qu'elle se redressait face au plus hardi du trio lui semblait-il. Ils semblèrent se jauger un instant du regard avec que ce ne soit l'humaine qui porte le premier coup. Un coup d'estoc avec sa lance, elle manqua sa cible mais la chauve-souris ne tarda pas à répliquer. Le Tranch-air qui s'ensuivit l'écorcha, elle et ses vêtements, la forçant à reculer et à buter sur l'une des racines noueuses qui dépassaient du seul. Elle trébucha, titubant et finit par chuter vers l'arrière. La chance fut avec elle lorsqu'elle tomba sur le sol moussu et ne se brisa rien. Un peu moins lorsqu'elle remarqua qu'elle était tombée entre deux autres créatures étrangères.
Les légendes n'étaient donc pas fausses, Nimus abritaient bel et bien des créatures inconnues. Mais... Venaient-elles d'ici même après avoir subi une quelconque malédiction ou venaient-elles d'ailleurs ? Aucune de ces questions n'effleura l'esprit de la guerrière qu'elle était. Elle pensa à se relever et s'éloigner de ces potentielles menaces le plus vite possible : elles avaient tout l'air d'insectes et ses expériences lui avaient appris à ses dépends que la plupart de ces spécimens disposaient de venin à leur disposition. Alors, d'un bond qui encouragea la fuite de l'un des scolopandre, elle s'en éloigna au plus vite et manqua de peu de se refaire percuter par l'un de ces petits monstres volants. Elle gronda telle un fauve et d'un habile mouvement de bras, parvint à freiner l'attaque de la deuxième des bêtes. Quelle déveine, celle qu'elle avait réussi à assommer s'était réveillée et était désormais capable de la ré-attaquer.
Ce fut à ce moment que Charlotte décida de revenir à ses côtés après avoir écorché la troisième des chauve-souris. Celle là non plus n'était pas totalement hors combat et l'affrontement s'annonçait laborieux. Pourtant, elles en avaient vu d'autres et alors que Charlotte faisait le gros dos pour se rendre plus menaçante, Hécate rugit.
C'était un cri qui n'avait rien d'humain, un cri qui remonta de ses côtes jusqu'au bout de sa langue, rauque, guttural et profond. Un rugissement qui fit reculer ses opposants et l'insecte qui l'observait dans son dos, les yeux brillants et admiratifs. Cette dernière, malgré la terreur qui avait put étreindre ses entrailles n'avaient pas fuit, fascinée par autant de rage en un seul être vivant.

En revanche, les chauve-souris, elles, hésitèrent à rester là, tout comme elles hésitèrent à attaquer. Ce moment de battement leur fut fatale car les deux comparses se séparèrent aussi vives que l'éclair pour donner l'assaut. La seconde bête resta un instant bête devant l'attaque, tandis que chacune des autres piailla avec surprise et indignation.
L'une d'elle fut écorchée d'un habile coup de lance et fut forcée de reculer dans un glapissement de douleur. Une autre, celle sur laquelle Charlotte avait déjà sauté, riposta maladroitement d'un Tranch'Air pour se laisser le temps de fuir. Les bourrasques égratignèrent le félin qui du battre en retraite pour ne pas subir plus de dégats mais le résultat fut suffisamment satisfaisant pour qu'elle ne grogne pas de frustration. Quant au dernier monstre, celui là qui avait tenu tête à Hécate avec courage, il commença à paniquer doucement.
La situation lui sembla désespérée, celles qui s'annonçaient être à l'origine des intruses faciles à chasser se révélèrent être un danger plus grand que les bois eux même. Dans un acte irréfléchi et spontané, et parce que la bête s'était donné comme tâche de protéger ses deux acolytes, elle se rua sur le visage de la plus grande des intruses, celle la même qui avait rugit à en faire vibrer les arbres centenaires et à perturber le sommeil du roi englouti.
Lui aussi rugit. Plus chétif, le cri n'eut pas le même effet, mais la détermination mise dans le hurlement eut au moins le mérite de surprendre la sauvageonne. Un coup d'aile lui entailla le front alors qu'elle tenta de l'écarter. Peine perdue. Il s'était accroché à son visage et lui avait alors mordu la joue suffisamment fort pour la faire hurler de douleur.

Pathétique

La voix de Thymos lui sembla lointaine, étouffée et donc indigne de son attention. S'il n'avait pas les tripes de se tenir près du combat, elle ne l'écouterait pas. Elle gronda alors. Mauvaise, furieuse, elle lâcha sa lance désormais inutile dans un combat aussi rapproché et se saisit de la bête une main sur une aile, l'autre dans sa nuque. Elle grogna de douleur en tirant car il ne l'avait pas lâché. Si elle continuait, elle s'arracherait elle même un morceau de peau.
Alors elle resserra sa poigne sur la nuque et le coup du monstre pour le forcer à lâcher prise. L'étoufferait-elle ? Sûrement s'il s'entêtait à la mordre de la sorte. Le feulement de Charlotte lui parvint alors à ses jambes mais la Chaglam savait que sauter à son tour sur le visage de sa maîtresse ne l'aiderait pas. Alors elle tourna son regard fauve vers la rescapée. Celle qui saignait mais qui n'avait pas encore fuit. Prédatrice, elle se ramassa sur elle même pour sauter et attaquer d'une attaque Combo-griffe qui ne porta que deux fois ses fruits avant que le monstre ne s'envole trop haut pour être touché.
Une fois en hauteur, se sentant dans une relative sécurité, la Sonistrelle battit à nouvreau fortement des ailes. Des bourrasque d'air soulevèrent alors la terre et les feuilles mortes qui jonchèrent le sol. A force de s'agiter frénétiquement, la chauve-souris finit par créer une véritable petite tornade qu'elle orienta vers le félin qui gronda de surprise et de colère.
L'attaque, sans réellement lui porter un coup fatal, la balaya. Le vent la souleva et la fit tournoyer dans les airs suffisamment longtemps pour lui faire perdre ses sens et ses repères. Quand elle chuta lourdement au sol, un miaulement plaintif retentit dans sa gorge. Elle n'avait rien de cassé mais la chute avait été lourde et Charlotte avait été sonnée, suffisamment pour peiner à se redresser convenablement. Elle tituba, trébucha et secoua vivement la tête pour reprendre ses esprits, mais quand elle releva ses yeux félins, le monstre qu'elle affrontait avait disparu, laissant derrière lui quelques gouttes de sang.

De l'autre côté du duo, à force de serrer et resserrer sa poigne, Hécate parvint à faire s'échapper un cri étouffé de la gorge de la chauve-souris, prouvant qu'elle avait enfin daigné retirer ses crocs de la chaire de l'humaine. Il n'en fallut pas plus à la vagabonde pour l'écarter vivement de sa peau et de le jeter au sol rageusement.

-Vermine !

Mais la vermine bougeait encore. Malgré le choc reçut, il tentait de se redresser sur ses frêles ailes, crachant, toussotant, mais toujours vaillant.

Il me plaît bien... Il me rappelle quelqu'un.

Thymos était derrière et regardait la scène d'un air mi-amusé mi-attendri. Hécate, elle le foudroya du regard avant de se rendre compte qu'il était seul. Ses deux acolytes avaient pris la fuite, l'abandonnant à son sort alors qu'il avait pris leur défense. Alors, lorsqu'il fit mine de battre des ailes pour s'envoler à nouveau et repartir à la charge, elle feula.

-Assez ! Ne vois-tu donc pas que tu es seul contre nous désormais ?!

Elle savait les monstres doués d'une certaine compréhension du langage et des émotions humaines. Sans être certaine que la chauve-souris comprendrait ce qu'elle lui disait, elle fut néanmoins témoin de son trouble. Le monstre tourna d'abord le regard à gauche, puis à droite et se rendit qu'effectivement, les autres n'étaient plus là.
Il eut alors peur, très peur. Cette odeur de crainte embauma l'endroit et Charlotte retroussa la babines de dédain. Pourtant, là où elles auraient toutes deux cru qu'il s'en irait rejoindre les deux autres de son espèce en piaillant, il resta là, tremblant comme une feuille mais le regard furieux. Etait-ce son orgueil qui l'empêchait de fuir ?

Il me plaît vraiment

Thymos était amusé, elle était touchée. Ce regard, elle se savait avoir le même. Elle récupéra sa lance et la braqua sur le monstre qui gronda mais reste fixe.

-Tu as perdu.

Siffla t-elle durement.

-Mais tu es fort. Je reconnais cette flamme en toi comme étant celle qui brûle en moi. Rejoins nous, bats-toi à nos côtés !

Sa voix s'était élevée avec force.

-Ou alors reste ici et complet toi dans la médiocrité de la défaite.

Elle rangea alors son arme et se détourna du monstre. Le choix était désormais sien. Se renvoler et la suivre, ou repartir de son côté.

Dans les fourrés derrière, une bête avait observé tout la scène. L'oeil brillant et le cœur battant, l'insecte avait vu là une force qui dépassait ce dont elle pouvait rêver. Son choix à elle avait été fait et elle se glissa dans les plantes pour suivre cet étrange duo pour trouver des réponses.

Ainsi débuta pour de bon le nouveau voyage d'Hécate. Accompagnée de créatures dont elle n'aurait jamais cru s'embarrasser, elle s'enfonça sans crainte dans la forêt dite maudite. Elle y était chez elle. Là bas, elle s'endurcirait plus que jamais afin de se préparer dans sa quête de justice et de vengeance ardente.
Guidée par les mots douceureux de Thymos, elle ne pouvait échouer, n'est ce pas ?
Rien n'était moins sûr, mais elle était désormais accompagné de plus d'un fidèle compagnon. Charlotte était et serait toujours là. Désormais, il y avait cette étrange Nosferapti qui voletait derrière elle à la recherche de puissance et de victoire. Et puis, il y avait cette petite bête rampante de laquelle elle avait pris peur plus tôt.
La créature les suivait discrètement mais sa présence avait été repérée bien rapidement. Le comprenant, elle avait finit par s'intégrer définitivement à la troupe. Hécate n'était pas difficile quant aux critères qu'elle recherchait chez ses alliés. Tant qu'on voulait la suivre, elle était preneuse.
Plus tard, à l'instar de Charlotte, elle finit par baptiser ses deux nouveaux compagnons, parce qu'elle avait besoin de mettre un nom sur leurs races inconnus, parce qu'elle avait besoin de se donner l'impression qu'ils étaient plus que des monstres, qu'ils formaient un groupe uni et qu'elle n'était pas seule dans sa quête désespérée.

Cet isolement lui pesait, bien qu'elle aurait préféré s'arracher la langue plutôt que de l'admettre. Après tout, le regard de Thymos brûlait toujours sur ses épaules. Il attendait beaucoup d'elle.