Après tout, on ne pouvait pas non plus identifier à de l'art toute écriture sur un papier, preuve étant que ses livres de compte, dessinés à la plume, n'étaient pas plus artistiques que les bas du boulanger voisin. Pourtant les tableaux étaient sensés être de l'art, les manuscrits, les sculpture. Alors merde, quelle était la foutu différence hein ? Certainement la volonté en fait. Quand Arthur dressait ses inventaires, il envisageait l'aspect pratique. Quand on dressait une étagère, c'était pour son utilité d'entreposage. Quand on taillait une fenêtre, pour voir au travers. Mais quand on taillait un visage, même le plus hideux qui soit, pensons donc à cette statue qu'il voyait fréquemment du temps où il vivait à Scémède, le but n'était pas de s'en servir comme mannequin d'entraînement pour des simulations de révolution n'est-ce pas ?
Eh bien Arthur appréciait avoir dans sa boutique ces quatre caricatures. Tout s'achetait et tout se vendait mais ces pièces là valaient infiniment plus cher que le poisson barbotant dans on bocal plus loin au fond de la boutique. Pas à cause de son coût de fabrication qui était assez minime, l'artiste lui ayant cédé pour une bouchée de pain mais proportionnellement au plaisir que lui apportait la contemplation de ces portraits parfaitement imaginés lui rappelant les souvenirs de son enfance. Il ne fallait pas non plus exagérer le plaisir qu'il en tirait, un sourire de temps en temps n'était déjà pas si mal.
Le premier tableau était une caricature pure du roi, essayant visiblement la robe d'une des dames de sa cour, ses cheveux rouges tombant dans son dos tandis qu'il surveillait que personne n'ouvre la porte. La seconde comportait deux personnages, Le premier, le roi, assis sur son trône puis sa soeur assise dans un trône juste à côté comme dessiné pour un enfant dans lequel elle rentrait à peine, de la hauteur d'une marche. La troisième visualisait un bal, au milieu, le roi dansant avec lui-même. Et la dernière.. on vous laissera deviner.
Il ne pouvait pas se permettre de cracher facilement sur Scémède, c'aurait été un coups à s'attirer plus d'ennuis que de raison. Par contre, ce genre de comportement passif agressif était tout à fait à sa hauteur et aujourd'hui encore, ces caricature pourraient orner les murs de sa boutique. Mais aujourd'hui n'était pas le temps de passer des heures à les admirer. Elles avaient beau être amusantes, le style était médiocre et c'était bien car il les avaient commandées qu'il savait qu'il s'agissait de la famille royale de Scémède. A moins qu'un amateur impressionniste ne vienne en boutique. Lui devait se contenter de l'inventaire aujourd'hui.
Il préférait laisser Iz se balader un petit peu dans la boutique pour pouvoir se dégourdir les pattes mais elle n'était pas sensée aller trop loin. Certainement avait-elle finit par se sentir intriguée par ces galopas stationnés non loin de la boutique, au moins de manquer de se faire écraser. Cela dit, malgré cet écart, elle avait reçu une bonne éducation et son dernier bain datant de ce matin, elle avait tout intérêt à ne pas être touchée par n'importe quel inconnu. De toute façon, son lieu de refuge se trouvait sur son coussin, dans le comptoir servant à l'accueil des clients pour l'achat de pierres précieuses. Une petite boîte discrète dans laquelle elle ne manqua pas de se réfugier.
Arthur n'était jamais bien loin mais il y avait quelques pièces qu'il avait récemment achetées qui devaient partir d'ici peu alors il devait trier les articles mais aussi vérifier que tout était en ordre. Normalement, les "jumelles" pouvaient se charger de l'essentiel. Inculte comme elles l'étaient, elles n'auraient du avoir aucune connaissance s'agissant de la personne qui venait d'entrer. Mais Mira fit rapidement signe à son frère en direction d'un des tableaux, tâchant d'être discrète. Il fallait dire que pour certains, la ressemblance était plus frappante. Elles auraient normalement étés du genre à gérer la situation seules mais le comité d'accueil eut pour effet de les rendre étrangement raisonnables. Pas au point de répondre à la question sur le zorua mais elles pouvaient au moins prévenir le propriétaire, ce que Miko parti faire, laissant sa soeur accueillir silencieusement les clients. "Monsieur !"
Qu'était-ce ? Déjà ? Ils ne devaient pas venir chercher la marchandise avant quelques heures ? Enfin bon, Miko arrivait, l'informant d'une visite inattendue. Forcément, il n'avait jamais pris le temps de lui expliquer qui étaient sur ces caricatures. Mais il n'allait pas faire attendre des clients plus longtemps. Ils n'étaient pas rois mais ils étaient tout de même son gagne pain. Il arrivait donc, chemise blanche et pantalon noir, tenue de travail sobre mais élégante, s'avançant dans la boutique jusqu'à voir les premiers éléments de ce bordel peu habituel. Un.. deux.. trois ? En comptant le poisson doré qui semblait gigoter dans les bras de.. Ah non, quatre finalement, il mis une seconde de plus à remarquer la petite chose rousse au milieu. Il fallait l'excuser, son peu de présence était une raison suffisante mais. Ah. Il manqua de s'arrêter en chemin face à ces invités aux allures d'usurier (étonnant quand il était le principal créancier des environs). Mais finalement tout cela devait ressembler à une mauvaise blague même si ce poisson lui paraissait étrangement familier. Il contournait le comptoir pour directement aller de présenter.
"Bonsoir, je suis le propriétaire. Cherchez-vous quelque chose en particulier ?"
Décidément ces poissons étaient beaucoup trop communs. Cet associé lui avait envoyé ces deux spécimens en prétendant que sa cargaison était rare et précieuse mais après avoir vu ce spectacle, peut-être devrait-il songer à mettre l'autre en solde ? A ce rythme il risquerait bien de ne jamais partir. Le prêteur sur gage se tenait droit, présentable. Non, ça ne pouvait pas être la gamine de Scémède, impossible, il ne fallait pas se foutre de lui non plus. Un gros gag dont il trouverait le responsable assez vite. Et il en pouvait décidément pas quitter ce poisson des yeux et forcément...
"Je ne prend pas les poissons"
Personne n'allait tenter de lui vendre une fois de plus un de ces foutus poissons ! Il en avait assez et son aquarium n'était pas assez grand. Même pour 10or, il aurait refusé. Ils pouvaient toujours tenter le poissonnier mais clairement la chaire de magicarpe n'était pas la plus tendre.