Mini évent: Les yeux sans visage.

Les nuits étaient toujours d'une extrême froideur à Aros. Dolorès se demandait parfois s'il existait des lieux encore plus froid que celui-ci. Mais là n'était pas la question.
Foulant le sol de la fameuse bibliothèque d'Aros, la gitane se promenait entre les rayons de livres poussiéreux, en compagnie d'autres personnes qui lui étaient étrangères. Que faisait-elle ici aussi tard ? La lune était déjà bien haut dans le ciel, et d'habitude, à cet heure ci, plus personne n'avait accès à la bibliothèque.

La gitane rentrait d'un long voyage. En passant par Scémède, Kii et Nimus, elle avait fait d'incroyables découvertes, et s'était fait un nouveau compagnon dont elle ne savait pratiquement rien. Il s'agissait d'un petit chat aux teintes violines et aux yeux agaçants. Haut comme trois pommes, Hannibal -c'était ainsi qu'elle l'avait appelé- était un petit voyou qui ne répondait jamais aux ordres. La journée, il passait son temps à dormir et réclamer à manger. Parfois, il était câlin et venait se blottir contre la gitane, ou encore, contre le poney qui l'accompagnait tout le temps. La nuit... Eh bien, personne ne savait où il était. Dolorès avait beau essayé de le chercher, elle n'arrivait jamais à le retrouver. Le monstre menait une double vie, dans laquelle il était un pantouflard la journée, et un vagabond à la nuit tombée. Cela ne dérangeait pas la gitane. Elle respectait sa liberté quand d'autres auraient enchaîné la bestiole, et c'était certainement pour cela qu'il restait près d'elle. Car au fond, même si Hannibal avait une fierté démesurée et un regard toujours hautain, il était bien avec elle.

Ainsi, voulant se renseigner sur l'animal, Dolorès s'était rendue à la bibliothèque. Il était tard, et elle n'avait pas comprit que le groupe qui pénétrait dans la tour n'était pas là pour se documenter, mais bien pour la visiter. Prise au piège. La gitane n'écoutait qu'à moitié ce que les érudits disaient. Ils prêchaient le savoir et la bonne parole, et dans leurs yeux Dolorès senti du dégoût à son égard. Peut-être pensaient-ils que les gitans n'étaient pas des gens cultivés, et qu'ils n'avaient pas leur place en ce lieu ? La brune soupira de nouveau, observant les gens autour d'elle. Elle n'en reconnaissait aucun, et cela valait peut être mieux pour elle.

Il était fort rare que je quitte mon confort Scémèdois. Il était vrai que lorsque je pouvais me prélasser dans un fauteuil en velours ridiculement cher et confortable, je ne voyais pas de raison me poussant à m'aventurer dans les rues froides et effrayantes d'Aros. Paraissait-il que certains fêtaient la joie de se faire peur en Automne... à quoi bon, lorsqu'on marchait dans les rues d'une ville grouillant de coupe-gorge remplis de criminels. Ce n'était pas au palais ou au manoir que je risquais de croiser le chemin d'un de ces dangereux énergumènes.
Ce n'était donc pas pour jouer les aventurières urbaines que j'étais venue, bien loin de là. Il s'agissait d'un évènement plutôt rare : des visites guidées par les Érudits de la bibliothèque et de la tour. Étant une femme éduquée aussi bien, voire mieux que n'importe quel homme de mon rang, il n'était pas étonnant que je souhaite m'enrichir intellectuellement parlant. De plus, c'était une chance sans pareille, quasiment une opportunité d'élite, de voir l'intérieur de ces murs toujours secrets, même pour les natifs de la métropole. Cette idée ne me rendait que plus fière et satisfaite.

J'avais cependant eu une mauvaise surprise à mon arrivée à Aros. Installée dans l'auberge la moins mal-famée que j'avais trouvée, et déballant mon bagage, j'y avais découvert un petit minois gris qui me salua d'un petit cri aigu. Une fois mon étonnement passé, j'avais fixé avec colère les yeux roses de Lucifer. Lui-même semblait confus. Sûrement s'était-il caché là dans l'idée de me faire sursauter, sans savoir qu'il voyagerait à l'autre bout de la région. Il avait du se sentir bien moins malin.

C'est ainsi que je me retrouvai dans la bibliothèque, écoutant les explications plus ou moins intéressantes d'un guide à la voix plate et soporifique, suivi d'un minuscule chaton qui risquait à tout moment de se faire écraser par une demi-douzaine de souliers.
Ce dernier ne cessait de vouloir attirer mon attention en tapotant ma jambe, en vain. J'étais encore agacée par sa simple présence, et ne risquais sûrement pas de lui donner ce qu'il souhaitait. La prochaine fois qu'il voulait faire son intéressant, il n'aurait qu'à y réfléchir à deux fois.

Dépité que ses efforts pour se faire remarquer de sa maîtresse ne fonctionnent pas, le petit chat finit par abandonner. Sa nature de félin curieux prenant le dessus, il préféra aller explorer les environs, plutôt que de suivre les humains avec leur ton monotone et ennuyeux. Grimper sur les étagères était bien plus amusant, au final ! En tout cas, ça l'était jusqu'au moment fatidique ou il trébucha pour tomber tête la première sur un des visiteurs, ressentant alors un mélange de douleur et de honte.

A l’aise à slalonner entre les étagères, Virgile avait pris une pause sur son travail de copiste. La nuit était tombée et les visiteurs de la bibliothèque étaient arrivés pour profiter de la visite guidée du Phare. C’était un événement, même pour un scribe habitué à l’endroit. Il savait sûrement déjà beaucoup sur l’endroit, mais une partie de lui ne pouvait s’empêcher de lui souffler que quand même, ça serait sympa d’en apprendre plus. Une autre partie, plus rationnelle, lui soufflait que c’était stupide, que les érudits ne gagneraient rien à enseigner à des visiteurs des secrets de la Tour juste comme ça, pour voir mais… Il était curieux, trop pour rester ainsi à griffonner pendant qu’une troupe d’étrangers sillonneraient les couloirs du Phare à la recherche d’une grande découverte.
Alors il avait fait taire sa réserve naturelle en peaufinant une excuse toute bête si on lui demandait la raison de sa présence parmi les visiteurs, et il s’était rassuré en se disant qu’on ne le reconnaîtrait sûrement pas parmi la foule. Après tout, il n’était pas le seul scribe à travailler ici, et il se savait suffisamment discret pour que l’on ne se rappelle pas de lui… Il lui suffisait pour cela de simplement se rappeler le nombre de fois où une même personne lui avait demandé son nom.
Ainsi, ce fut avec un entrain tout relatif qu’il se mêla aux nouveaux venus. Il regretta presque instantanément d’avoir voulu aller trop vite et de se retrouver trop près des autres et ralentit alors doucement l’allure pour traîner à l’arrière. Peu importait que Sire-Lumière sur son épaule la lui tapotait pour lui faire signe d’accélérer. Il détestait jouer de coudes pour se frayer un chemin et décida de se fier à son ouïe pour entendre les explications des érudits en charge de la visite. Et… En soit, il fit bien de rester à l’écart.
La visite n’avait pas forcément commencé depuis longtemps qu’il eut le loisir de constater qu’une boule de poils était tombée des étagères, et s’il étouffa un cri parce qu’il devait accepter que ce n’était pour une fois pas tombé sur lui, il ne put retenir un frisson en imaginant sa propre réaction si ça lui était arrivé… Non… Mieux ne valait pas.
Ainsi ralentit-il encore un peu, manqua par la même occasion de bousculer un visiteur. Il balbutia une excuse qui fut bien rapidement ignorée et il se contenta de simplement rentrer la tête dans la fourrure de son manteau qu’il ne quittait jamais… Son regard venait de se poser sur l’une des dernières personnes à avoir rejoint la visite. Si certains se montraient riches ou distingués parmi les nouveaux venus, celle-ci attira surtout son regard car elle était accompagnée d’un Cornèbre. Oiseau de Malheur ne put-il s’empêcher de penser. Il savait que les superstitions n’étaient pas toutes fondées, qu’il devait relativiser et voir cette créature comme une autre mais… Non.
Un frisson lui parcourut l’échine et il détourna bien vite le regard. Autant se concentrer sur autre chose qu’attirer le mauvais œil sur lui, non ?

Événement

Le piaillement de Lucifer me força à me retourner. Dans quelles embrouilles s'était-il encore fourré. J'eus à peine le temps de réaliser qu'il chutait du haut d'une étagère qu'il avait déjà atterri dans les bras d'une étrange femme, dont le visage m'était familier. N'était-elle pas la sorcière préférée de Son Altesse ? C'était définitivement elle, impossible de la méprendre avec une autre magicienne aux cheveux roses, mais je ne m'étais jamais attardée sur son personnage. Je ne connaissais même pas son nom, et moins je parlais à une créature du Mal, mieux je me portais. C'était sûrement son Seigneur démoniaque qui la liait, Luci et elle, car elle semblait l'apprécier. Elle essaya de retrouver le propriétaire de la boule de poils, qui d'elle-même retourna à mes côtés.
Le Psystigri me fixa avec un air triste, presque désolé, si j'osais comparer ses émotions à celle d'une forme de vie supérieure. Il leva les pattes avant vers moi, suppliant. J'hésitai beaucoup, avant de céder.

Bon, c'est bien pour que tu cesses tes enfantillages.

Je le soulevai et le maintins contre mon épaule. Il ne me plaisait guère de porter cette sale bête, mais s'il n'était pas capable de se comporter correctement, c'était le seul moyen de m'assurer qu'il n'aille pas causer de problèmes avec les autres visiteurs. Dieu merci, l'ensorceleuse ne s'était pas froissée et ne m'avait pas changée en Tarpaud pour cet affront.
Après l'arrivée de derniers visiteurs, le guide décida qu'il était temps de commencer le tour du Phare. Enfin, nous allions cesser de piétiner sur place, des Fermite plein les jambes. Il entama son monologue par la biographie du bâtiment. Une merveille d'architecture, qui tenait bon depuis des centaines d'années déjà.
Très vite, un curieux son vint interrompre le pauvre homme. Il s'arrête un instant, avant de reprendre, mais fut à nouveau coupé. Dérangé et incapable de continuer en étant ainsi distrait, il cherchait l'origine de cet élément perturbateur. Je pensai bien sûr immédiatement au bruit de Rattata à l'étage, ou à un des Pokémon des touristes en train de se faire les griffes. Si Lucifer n'avait pas été blotti contre moi à ce moment, je l'aurais accusé sans hésitation. Malgré cette explication plutôt évidente, le guide ne semblait pas satisfait. Et lorsque les lumières des bougies se mirent à vaciller, certains se mirent à s'inquiéter et à parler de monstres. Or, le seul monstre que je connaissais commençait à s'endormir dans mes bras, sans se soucier de ces évènements soi-disant effrayants. Ah ces analphabètes, incapables de trouver d'autres causes aux phénomènes que le paranormal...

C'est qu'elle faisait la maligne, la Marigold. Cependant, lorsque le Pokémon Psy se réveilla en sursaut, dans un cri de panique, son front commença à suer et son cœur se mit à battre plus fort que prévu.