Tout me fait chier cette journée est moisie |solo|

Ce jour-là, ce fut Georgette qui voulut aller s'entraîner.
J'avais été accueillie à mon réveil aux aurores par une chienne surexcitée, remuant la queue à ma vue, un peu trop enthousiaste pour être honnête. Rien de surprenant en réalité. Sa grande défaite contre un Magirêve datait de la veille, et elle avait très mal pris le fait d'être mise hors d'état de combattre en deux coups seulement. Depuis que j'avais commencé à vraiment l'entraîner à se battre, elle apprenait à aimer ça, et plus elle devenait puissante, plus elle avait hâte d'aller croquer des monstres sauvages. Son zèle était presque attendrissant. C'est pourquoi j'acceptai de la faire sortir du palais après ma routine matinale.

Elle me suivit dans dans les couloirs, alors que je fermai la porte derrière trois Pokémon encore assoupis, et m'accompagna jusque dans le chenil. Des aboiements enjoués m'accueillirent, et j'en oubliai presque ma frustration du jour précédent. Pour l'heure, je me contentai de nourrir les bêtes et de m'assurer de leur bonne santé, le dressage viendrait à mon retour de note promenade. Rien à déclarer : tous mangèrent avec appétit, et aucun ne manquait à l'appel, et même pas un petit rhume pointant le bout de son nez. C'était une journée qui commençait bien, un peu trop bien même, je refusai de baisser ma garde.

Je sentais que quelque chose allait mal tourner. J'allais trébucher dans la boue, ou alors un Pokémon beaucoup trop fort pour Georgette allait nous attaquer... je me préparai déjà au scénario catastrophe. La brave caniche tentait de me dérider avec sa bonne humeur, mais je n'allais pas me laisser avoir aussi facilement.
Le Galopa que j'empruntai aux écuries n'avait aucune blessure sur les jambes, il n'était pas boiteux, avait le poil lustré et semblait serein, il ne paniqua pas au moindre coup d'éperon et ne tenta pas de me brûler avec sa crinière pour me faire descendre. Le minimum exigé d'un cheval bien éduqué en somme... Je partis au trot, pour que le canidé puisse me suivre sans trop d'effort.

Le temps passa vite jusqu'aux larges plaines où j'aimais m'entraîner. L'air était doux pour un mois de Décembre. Je n'avais pas froid malgré un simple gilet de laine, et je ne risquais pas de réinventer le patinage artistique en rencontrant une plaque de verglas. Plus les minutes défilaient sans souci, plus j'anticipai la catastrophe. QU'IL ARRIVE QUELQUE CHOSE, PAR ARCEUS !

Attention !

Pourquoi stresser comme ça chère Marigold ? Tout va bien non ? La journée est belle, le temps est agréable, il n'y a pas eu un seul problème de la matinée, pourquoi il y en aurait maintenant hein ? Soufflez un grand coup, regardez le ciel, et expirez... On se calme, on se détend... Regardez, votre monture y arrive très bien elle, son calme paraît absolu, elle est au trot, tranquillement, elle ne peux certes regardez le ciel, mais elle ferme les yeux pour se plonger dans la paix intérieure, se sentir calme et posée... Rien ne va mal, tout va bien... Faites comme elle, fermez les...

Attendez, c'est un peu dangereux que la monture ne regarde pas où elle marche non ? Surtout que... Mais réouvre les yeux canasson, tu vois bien qu'il y a un !

Et c'est avec un hennissement de surprise, et peut être un cri de colère de la cavalière que tout le monde part en avant, la Licorne ayant eu la bonne idée de fermer les yeux pour se détendre, peut être à t-elle eu une mauvaise nuit, en tout cas, elle n'a pas vu ou elle posait les pieds, et a bien trébucher sur une créature qui se reposait, allongé au sol.
Cette même créature qui se relève avec un mugissement de colère qu'on lui passe dessus comme ça, sans demander son avis... Et surtout qu'on se demande comment la Galopa n'a pas pu la voir car c'est tout de même un....

Un Tauros sauvage !

Dans cette ambiance sérénissime, les seuls sons audibles étant les bruits de sabot du cheval, les griffes de Georgette grattant le sol, et la légère brise qui faisait onduler les herbes séchées et les cheveux gris de Marigold, le soudain hennissement du destrier fut sursauter tout le monde. Sursauter ? Ou peut-être juste tomber. L'animal avait perdu l'équilibre, en se prenant les pieds dans un obstacle qu'il n'avait pas vu, manque d'attention. Son avant-main plongea dangereusement, faisant perdre son assiette à la cavalière. Alors que le duo s'apprêtait à s'écraser, elle ne put garder sa place sur la selle et son corps glisse le long de l'échine de la licorne.
Elle le vit comme un miracle, quand sa monture réussit à se reprendre avant de complètement s'allonger. En jetant ses pattes arrières sous sa masse, elle put se redresser plus ou moins adroitement, et très peu élégamment. In extremis : la jeune femme était crispée autour de l'encolure de la bête, bien heureuse que celle-ci soit assez bien dressée pour ne pas décider de faire des grillades de Whiterun. Dans cette situation, il lui serait impossible de se remettre sur son siège, il serait plus simple de mettre pied à terre, puis de remonter. Ainsi, elle pourrait même inspecter ce qui avait failli les tuer, elle et le Galopa.

En me retournant, j'eus la grande surprise de voir une immense silhouette brune. Un énorme Tauros sauvage, c'était ce sur quoi avait trébuché mon coursier. Comment il ne l'avait pas vu, c'était un mystère, mais de la hauteur du dos de la créature, à moins d'avoir collé mes yeux au sentier, je n'aurais pu le voir. Ne m'avait-on pas dit lors de mes leçons d'équitation que je ne devais regarder que loin devant moi ? Je n'avais donc aucune honte à tirer de cette situation.
Étrangement, le bœuf n'avait pas l'air d'en vouloir au cheval qui lui avait marché dessus. Au contraire, il lui faisait dos. Heureusement pour moi, car cela avait évité à l'équidé de repartir au galop alors que je me tenais à son cou. Face à lui, une Couafarel grognant, répondant à ses naseaux soufflant bruyamment. Je supposai qu'en le défiant, elle avait dévié son attention du Pokémon en faute. Et bien c'était parfait, nous avions notre entraînement sous les yeux !

Attaque, Georgette !

La chienne n'attendait que mon accord pour se mettre en marche et se jeta sur le taureau. Était-ce la peine de me fatiguer à trouver une stratégie pour ce combat ? L'ennemi n'avait pas l'air très malin... D'ailleurs, il ne bougeait pas, alors que le canidé courait vers lui avec les crocs en avant. Quoique, avec le recul, si j'avais pensé à une tactique, il aurait été plus facile de le vaincre...
Il suffit à la vache de baisser la tête et de fixer avec haine la caniche, pour que celle-ci s'arrête à quelques pieds de lui, complètement intimidée. Alors qu'elle déglutissait de peur, elle se prit un violent coup de cornes, qui l'envoya voler plus loin. Cette sale bête avait profité d'un moment de faiblesse pour asséner le coup de grâce. Si j'avais apprécié les monstres de cette envergure, j'aurais pu vouloir de cet esprit compétitif dans mon équipe, mais je n'appréciais pas grandement les bêtes de somme, qui étaient destinées aux gueux. Celle-ci serait matée comme tous les autres sacs de frappes vivants qui avaient croisé ma route.

Retournes-y !

La Couafarel était visiblement sonnée. Il lui fallut quelques instants pour se relever. Quelques instants pendant lesquelles le buffle se mit à nouveau à charger. Il ne perdait pas le nord, lui. Heureusement, cette-fois, la chienne était préparée. Elle put éviter la tête de l'animal à cornes, se faisant juste effleurer par la pointe de l'une d'elles. Elle grimaça, mais sa fourrure épaisse lui évita une plaie. C'était dans ces instants que je ne jalousai absolument pas les autres Pokémon canins de la cour avec leurs belles coiffures. Au moindre coup de griffes, ces derniers se videraient de leur sang.
Entraîné par sa propre force, le ruminant s'était éloigné considérablement de nous. C'était le moment de donner quelques instructions à Georgette.

Ca ne sert à rien de l'attaquer de face, prends-t'en à ses pattes.

J'admets, sur ce point, m'être inspirée de la vie du petit peuple. J'avais un jour pu observer la routine d'un berger, aidé dans son travail par un Dynavolt. Malgré sa petite taille, le chiot n'avait aucun mal à diriger les Ecremeuh et leurs homologues masculins simplement en leur courant après et en aboyant. Ça avait l'air si simple, je pouvais le faire encore mieux.

Tauros avait pu s'arrêter et revint au galop vers la chienne noire. Cette fois-ci, en pleine possession de ses moyens, elle esquiva agilement le bovidé, lui permettant de se placer au niveau de son flanc gauche. Là, ses crocs vinrent rencontrer le jarret de l'adversaire. Un horrible mugissement inonda la plaine. A la fois surpris et endolori, et s'écroula.

Frappe-le au ventre, maintenant !

Maintenant que son ventre était à la merci de son opposante, je n'allais pas laisser cette occasion filer. Cette technique pour le faire tomber ne marcherait sûrement pas plus d'une fois. Georgette prit son élan, avant de percuter de son crâne l'abdomen du taureau. Il hurla, mais non sans se défendre. Il envoya un puissant coup de sabot qui frappa mon Pokémon sous le sternum. Je sursautai à l'idée de me prendre les mêmes dégâts. Sans le talent Toison Épaisse, j'aurais sûrement entendu des craquements d'os en plus du glapissement.
Il en faudrait plus pour mettre la créature sauvage au tapis, je le savais bien. Il se releva immédiatement après son attaque, et reprit son galop. Ignorant la douleur, la Couafarel suivit. Cette fois-ci, elle évitait de s'approcher du côté de l'animal, et resta centrée juste derrière ses queues. Cela lui permit de mordiller un peu ses pattes arrières, mais la différence de vitesse et les ruades ne lui permettaient pas d'asséner de francs coups de croc.

Alors, la caniche sembla prise d'un éclair de lucidité. Sûrement grâce à mon entraînement. Elle changea de cible, et s'agrippa fermement, avec ses mâchoires, à l'une des trois queues de Tauros. Elle arrêta alors de courir, tentant de ralentir la bête. Bien sûr, elle était beaucoup plus légère, mais la douleur fit s'arrêter le bœuf. Elle bondit sur le dos bossu de son ennemi, et planta violemment ses crocs dans son garrot, à deux reprises, avant qu'il ne se mette à bondir et ruer dans tous les sens pour se débarrasser de son fardeau.
Georgette ne tint pas longtemps. Sans mains, difficile de se tenir aux crins de l'animal, et sans jambes, il était impossible de serrer les mollets autour des flancs. Laissez-moi dire que s'il avait s'agit de dompter l'animal et non pas de le vaincre à un combat de Pokémon, je serais déjà rentrée au palais sur une monture peu conventionnelle.
Expulsée de son hôte-malgré-lui, la créature chromatique se prit à nouveau un coup de sabot en biais, avant de finir sa chute. Lorsque son corps toucha le sol, elle gémissait. Voulant m'enquérir de son état, je fis quelques pas seulement, avant qu'un regard de sa part ne m'indique qu'elle pouvait continuer. Elle était affaiblie, mais pas à bout de force.

Le bovin était hors-de-lui. Apparemment, il ne savait faire que ça, car il courut tête baissée vers son ennemie. Plutôt que de l'éviter ou de lui faire face, cette fois-ci, Georgette courut devant lui. Elle était beaucoup plus lente, mais son plan sur le long terme n'était pas simplement de fuir. Elle avait mené le buffle vers nous, vers le chemin de terre et de graviers. Elle dérapa sur le côté alors que le crâne allait presque la frapper, envoyant par cette occasion de nombreux débris et gravillons dans les yeux du monstre brun. Ainsi invalidé, il ne put voir où l'attaquait la créature noire. Il se fit d'abord mordre le jarret, puis percuter l'épaule, les côtes, avant de subir une nouvelle morsure... Le Tauros était rendu extrêmement maladroit dans cette confusion. Il ne put empêcher Georgette de sauter au niveau de sa crinière pour lui croquer la gorge.
La mâchoire d'un chien ne vaut pas celle d'un loup, mais c'était apparemment assez pour blesser assez gravement le Pokémon cornu. Il se débattit une dernière fois, et tenta d'utiliser ses yeux malgré le sable qui les faisait pleurer. Décidée à vaincre, Georgette le suivit, et un simple coup de dents dans la cheville le fit s'écrouler pour de bon. Pas mort, mais de peu. Si je l'avais laissé ici, il aurait sûrement fini dans le royaume d'Arceus, mais son ultime mugissement avait fait s'attrouper des silhouettes à l'orée d'un village non-loin. Etait-il en réalité l'une de leurs bêtes ? Peu m'importait, car ils n'auraient rien pu faire contre moi, et j'étais dans mon bon droit en me défendant contre une immonde bête sanguinaire. N'ayant néanmoins pas envie de parlementer pendant des heures avec la plèbe, j'appelai ma chienne, reprit les rênes du Galopa qui avait préféré s'éloigner un peu de la scène de bataille. Cependant, mon Pokémon était en sale état lui-même. Je n'étais pas certaine qu'elle tienne jusqu'au palais.

Ce fut avec grande difficulté que je la hissai par dessus le garrot du cheval, juste devant la selle. Et encore, j'eus de la chance que cette cavalière impromptue ait été consciente, pour pouvoir se mettre en place elle-même une fois élevée. Je montai moi aussi sur le dos du destrier, avant de le sommer d'avancer. Les villageois s'approchaient de plus en plus, alors la synchronisation était parfaite. En quelques coups de talons, la bride tenue dans ma main droite et Georgette maintenue par la gauche, je partis au galop, loin de problèmes qui ne me concernaient plus. Seule ma victoire comptait.

Modération:

Bravo !

Très vite, Georgette perdit connaissance. A quelques coups près, elle aurait perdu le bataille. Pas que cela m'aurait inquiétée, il m'aurait suffi d'achever le taureau moi-même. J'étais surtout fière de l'efficacité de l'entraînement que j'avais procuré à la chienne. Cela m'aurait aussi agacée de devoir lever le petit doigt pour finir le travail. Je ralentis l'allure du cheval, ne souhaitant pas risquer de lâcher prise de la caniche, non seulement car elle était assez mal en point, mais aussi de devoir la remettre sur le dos de ma monture. La route pour le palais serait plus longue, et plus sûre.

La Couafarel se réveillait à peine lorsque nous arrivâmes au château. Un palefrenier la fit descendre du destrier pour m'épargner ce fardeau, et j'attendis quelques instants qu'elle se remette de son long sommeil, puis me mis en marche vers mes quartiers. Je n'allais pas m'y attarder, mais je devais m'assurer que mon Pokémon arriverait en haut des marches en un seul morceau. Et ce ne fut pas chose facile. Encore maladroite, elle manqua de trébucher trois fois, en laissant échapper un aboiement de surprise. Je ne pus me détendre que lorsque je poussai la porte des appartements, et que je la vis entrer pour se poser dans son panier, ignorant totalement le chaton sur son passage. En à peine quelques instants, elle s'assoupit, sous les regards inquisiteurs de ses trois compagnons. Pour ma part, je fis demi-tour après une légère toilette, pour me débarrasser des taches que je m'étais faite lors de cette sortie, et remettre ma crinière d'argent à sa place.

La journée de Georgette était peut-être terminée, mais j'avais encore des heures de travail devant moi.