Les réveils de coton

Le soleil montait doucement dans le ciel d'Aros. Mais dans les ruelles fines de la ville, les rayons touchaient difficilement le sol. Dans une rue plus large que les autres, la carriole de la gitane avait une halte. A vrai dire, ici, personne ne l'embêtait. C'était un des quartiers calme de la ville, où les honnêtes gens travaillaient beaucoup, et étaient très souvent fatigués. Dolorès appréciait ce calme matinal. Elle qui passait ses nuits dehors, aimait particulièrement qu'on la laisse dormir en paix.

Enfin, c'était sans compter sur Hannibal, qui venait faire sa comédie du matin. Il avait beau être grand, et peser presque trente huit kilos, il se comportait toujours comme un chaton avec elle. La panthère se frotta contre le visage de la gitane, espérant pouvoir la réveiller. Il ronronnait, se tortillait dans les draps, et léchait frénétiquement ses longs cheveux bruns.

Ce fut sans surprise, que la gitane se réveilla contrariée. Elle câlina un peu la panthère, et décida de se lever, puisque de toute façon, se rendormir était impossible. C'est à ce moment là, qu'elle se rendit compte qu'un objet inconnu trônait au milieu de la carriole. Il s'agissait d'un sac de lin, qui contenait deux gros œufs blanchâtres. Dolorès soupira. Hannibal avait encore fait des siennes.

- Que es eso ? Demanda-t-elle.

Le mâle répondit par un ronron.

- Tenemos que devolver eso a la gente, Hannibal, gronda-t-elle. No podemos tomarlas, está mal.

Ainsi, la gitane se leva, et sorti de sa caravane avec le sac en main. Dehors, un Gringo endormi l'attendait. Il n'avait pas l'habitude de la voir levé aussi tôt.

Chasse aux oeufs

Une Coatox Normale ♀

Ce Pokémon fait partie des voleurs et a été lancé à la recherche du sac de Xieren. Deux oeufs, ce n'est pas rien, il ne peut pas se permettre de les perdre ! Si sa route croise celle de Dolorès, la Coatox fera tout son possible pour récupérer le butin.

L'énorme percheron ouvrit un oeil, réveillé par la caresse de la gitane sur son museau. Le géant l'observa un moment, puis bailla à s'en décrocher la mâchoire. Lorsqu'il senti sur son dos un poids, celui d'une couverture il savait qu'il allait partir en ballade avec sa maîtresse. Pourquoi si tôt ? Ça, il n'en savait rien. La gitane monta sur mon dos, et lui indiqua d'avancer. Le percheron s'ébroua, comme s'il se forçait à rester éveillé, et commença à marcher.
Gringo ne dormait que rarement allongé. Comme la plupart des équidés, il préférait dormir debout, pour pouvoir fuir si un danger se présentait. Un monstre de presque une tonne avait du mal à se relever une fois à terre...

La tête violette de la panthère apparut dans l'encadrement de la porte. Voyant le duo partir, Hannibal posa une patte en dehors de la carriole.

- No ! Cria presque la gitane. Ils ne doivent pas te voir. Dios sabe lo que te harían si te vieran...

La panthère baissa les oreilles sur le côté, attristé, avant de rentrer se coucher sur l'un des nombreux coussins qu'avait aménagé la gitane.

A Aros, personne ne dormait. La nuit, le jour, le matin, le soir, les rues étaient sans cesses animés par quelqu'un, ou quelque chose. Ce matin là, c'était les marins et les commerçants qui se préparaient à la journée qui allait suivre. Ils préparaient leurs stocks, leurs étaux, mettaient des prix sur les nouveaux arrivages. Les pas de l'étalon résonnaient dans les ruelles. Même si Gringo n'était pas discret, le silence de certaines rues le rendait encore plus impressionnant.

Dolorès voulait se rendre sur la place publique, pour voir les annonces des habitants. Peut être que l'un d'entre eux, aurait pu signaler une perte d'oeuf. Mais lorsqu'ils arrivèrent sur la place pour regarder les annonces, la belle fut bouche bée: toutes les affichettes parlaient de vol d'oeuf. Partout dans Aros, et même dans Hastérions, des brigands profitaient de la saison de reproduction pour faire du commerce avec les bébés monstres. Comment savoir à qui appartenaient ces œufs ?

Descendant du percheron, la gitane soupira longuement. Elle posa une main tendre contre l'épaule de son partenaire, dépitée.

- No es cierto...

Peut être après tout, était-ce une perte de temps. Elle devrait accepter le cadeau de son monstre, et faire comme si de rien n'était. Mais la gitane n'était pas une voleuse, et coller cette étiquette à son front, et aux gitans de manière globale, l'insupportait. Alors que faire ? Donner ces oeufs à quelqu'un, au pif ? Les vendre à bon prix ? Interroger toutes les personnes ayant perdu des oeufs ? De nouveau la belle soupira. Elle ouvrit le sac en toile, et regarda un instant les deux boules opaques, pensive. Que pouvaient-ils contenir ? Des monstres redoutables ou de simples magicarpes ?

Elle n'eut pas le temps de réfléchir très longtemps: derrière elle, elle entendit une masse s'écrouler lourdement. Lorsque Dolorès se retourna, elle vit Gringo allongé sur le sol, lui même surpris de s'être retrouvé à terre aussi rapidement. L'incompréhension se lisait sur leur visages. Entre eux, se tenait une créature bleuté, aux pustules rougeâtres et au sourire effrayant. Gringo était tellement endormi, qu'il n'avait même pas vu approcher le monstre. Il avait repéré le sac de la gitane, et voulait visiblement s'en emparer. Le percheron l'avait comprit, et hennit de toute ses forces pour avertir sa maîtresse.

Gringo tenta de se relever, mais ce n'était pas une tâche facile. Le monstre bleu, quant à lui, avança lentement vers la gitane, un malicieux sourire aux lèvres. Sentant la peur monter, Dolorès recula doucement, sans le quitter du regard.

- Vete ! Hurla-t-elle.

Le son de sa voix parcourra les rues d'Aros. Mais cela n'intima pas la créature qui se jeta sur elle en un bond. La belle se sentit basculer en arrière, avant de heurter les pavés avec violence. Les mains presque humaine de l'animal se mirent à parcourir son corps, à la recherche d'un éventuel bijou caché, d'une bourse garnie, ou tout autre chose qu'elles pouvaient voler. La gitane se débattait du mieux qu'elle le pouvait, hurlant à nouveau des insultes diverses et variées. Dans la bataille, Dolorès attrapa son poignard, et frappa le monstre avec. Blessé, le coatox fit un bond sur le coté, le temps d'analyser la gravité de son entaille. C'était peu profond, mais assez pour permettre à la gitane de se libérer de son emprise.

La belle se leva, et serra contre elle le baluchon contenant les oeufs, et son poignard désormais ensanglanté. Quelques marins et commerçants affolés par les cris arrivèrent en courant, espérant pouvoir donner leur aide. Le monstre bleuté fixa la gitane avec haine, et s'élança vers elle. Gringo s'interposa entre eux, plus virulent que jamais. Personne ne devait toucher à sa maîtresse. Et certainement pas le monstre pustuleux qu'il était. Le coatox regarda la gitane rejoindre les autres humains avec dépit, et sentit monter en lui une certaine haine. Il avait en face de lui, un adversaire à sa taille.

Gringo chargea le premier. Galopant vers la pustule à toute allure, il espérait pouvoir l'écraser sur son chemin. Mais le coatox était rusé, et bien plus rapide que lui. Il esquiva habilement son attaque, et imagina une stratégie pour clouer le percheron au sol. Gringo ralenti son galop, et jeta un coup d’œil vers sa belle andalouse: elle avait rejoins les humains. Elle était en sécurité maintenant. Qu'aurait-il fait, s'il l'avait perdue ? Que serait-il sans elle ?

Le croassement du monstre ennemi le ramena à lui. Son gosier avait presque doublé de volume, signifiant qu'il préparait une attaque. Mais Gringo tapa du sabot contre le sol, et fonça tête baissée vers lui. Peu importe l'ampleur de son attaque, il était prêt à l'encaisser. Presque arrivé à son niveau, le mâle cabra, voyant déjà ses sabots écraser sa sale tête de crapaud.

A partir de cet instant, tout se déroula très vite.

Le monstre bleuté ouvrit la bouche, et une énorme quantité de boue fut projeté vers l'étalon, qui s'attendait à tout sauf à ça. Aveuglé, mais nullement blessé, Gringo ferma les yeux une seconde de trop. Avant même que ses pattes avant puissent retoucher le sol, il sentit une masse percuter ses pattes arrières avec violence. Déséquilibré, le percheron tomba une deuxième fois au sol, cassant quelques pierres à cause de son poids.

- Non ! Cria la gitane qui s'empressa de rejoindre son compagnon.

Une pression contre son bras la stoppa dans sa course. Un vieux marin, très imposant, la retenait contre lui.

- C'est d'la folie m'dame ! Faut pô s'bat' contre un monstre !
- Laissez moi ! Hurla-t-elle, furieuse.

Alors qu'elle essayait d'échapper à l'emprise du marin, elle assistait, impuissante, au désastre.
Coatox enchaînait les coups dans les pattes de Gringo, qui ne peinait à se relever. A chaque tentative, le coatox violentait le percheron, qui n'avait plus d'autres choix que d'essayer de le mordre. Il entendait sa gitane hurler là bas, avec les humains. Il savait qu'elle avait peur. Il devait s'en sortir. Pour elle.
Mais il était coincé, il fallait se rendre à l'évidence. Gringo était puissant, mais extrêmement lourd. Collé au sol, il ne valait plus rien. Le percheron savait qu'il devait se montrer patient, mais la vantardise du monstre en face de lui le faisait bouillir de rage. Au plus le temps passait, au plus il se vidait inutilement de son énergie, en essayant de le mordre et de se relever.

Désespérée, la gitane sorti son poignard et menaça le marin. Ce dernier fronça les sourcils, irrité.

- Faîtes c'que vous voulez, râla-t-il. Si vous mourez, personne ne vous pleurera.
- Jódete, cracha-t-elle avant de partir.

Cette fois ci, les volets des habitations étaient ouverts, et c'était maintenant une vingtaine de personne qui observait le combat, curieux, malsains. Ils voyaient le percheron au sol, se faire ridiculiser par le coatox, beaucoup trop sur de lui. Et maintenant, une jeune femme aux cheveux noirs entrait sur la scène. Le dénouement final n'était pas loin.

La gitane se jeta aux côtés de son percheron, poignard tendu vers l'avant. Elle savait parfaitement comment le manier, et n'aurait aucune pitié à planter le pustuleux.

- Ven aquí hijo de puta. Ven, déjame hacerte piel.

Le coatox, surpris mais nullement intimidé, fit quelques saut sur lui même comme pour s'échauffer. Et alors qu'il allait charger, une masse noire lui tomba dessus le faisant tomber en arrière. Dolorès fronça les sourcils, le cœur brisé.

Hannibal lui avait désobéi. Il était sorti de sa cachette, pour la sauver. Pour les sauver tous les deux.

Derrière eux, les habitants commencèrent à paniquer: le monstre du port, celui qui avait dévorer le marill sous les yeux des marins ! C'était lui ! Maintenant tout devenait clair: il appartenait à la gitane, cette fille des rues sans foi ni loi, comment aurait-il pu en être autrement ? Une créature si sanguinaire, si diabolique, ne pouvait que lui appartenir.

Gringo eut le temps de se relever, et le coatox, étonnamment plus tellement sur de lui, se mit en position de garde. Si le percheron était amoché, la panthère quant à elle, ne ferait pas de cadeau. Alors qu'il s'apprêtait à attaquer, poing en avant, Hannibal esquiva, et lui sauta dessus toutes griffes sorties. Le monstre pustuleux se débattait du mieux qu'il le pouvait, mais hélas, Hannibal était solidement accroché à son adversaire. Pour consolider sa prise, le félin mordit le plus fort possible dans sa peau, ce qui lui arracha un hurlement de douleur. Le sang coulait sur les pavés d'Aros, laissant les habitants dans la panique et l’effroi. Le pustuleux leva le poing en l'air, et planta son dard dans le pelage de la panthère. Blessé, Hannibal lâcha prise. Dans sa bouche, un liquide violâtre aux senteurs de la mort et au gout amère se rependait lentement. La peau de l'animal était recouvert de poison. Croquer dedans à pleine dents n'était peut être pas la meilleure idée du siècle, mais au moins, cela avait suffit pour intimider assez l'ennemi.

Hannibal grogner, prêt à attaquer de nouveau. Le poil hérissé et les oreilles plaquées contre son crâne, il entendit les pas de Gringo à ses côtés. Ils étaient deux contre lui. Il n'avait plus aucune chance, et il le savait. Le monstre pustuleux s'accrocha aux parois des habitations grâce à ses ventouses sous les pattes, et quitta les lieux en laissant derrière lui, une traînée de sang noirâtre.

Modération:

Bravo !

La gitane regardait le pustuleux s'éloigner, amer. Sa main caressait le pelage de son percheron, douce et rassurante. Elle savait que désormais, plus rien ne serait comme avant. En face d'elle, Hannibal la regardait. Ses grand yeux émeraudes étaient pleins de fierté. Fier d'avoir terrassé cette créature hideuse. Mais ce moment de flottement, de paix, ne dura que quelques instants.

- Sorcière !!!

Les habitants derrière elle se mirent à hurler, furieux, paniqués. Lorsqu'elle se retourna, elle senti une pression douloureuse contre sa joue. On l'avait giflé. Hannibal bondit en face d'elle, tout crocs sortis. S'il fallait encore se battre, il était prêt. Mais l'agressivité du félin, ne faisait qu'empirer les choses.

- Vous avez amené ce démon avec vous ! Vous serez pendue ! Brûlée ! Lapidée !

Les cris venaient de tous les côtés. Certains marins, étaient partis en courant pour aller chercher les soldats. Il ne lui restait que peu de temps.
Si Hannibal était prêt à en découdre avec ces humains violent, la gitane savait que cela ne servait à rien. Elle posa ses mains sur le dos meurtri de son percheron, et grimpa dessus aussi délicatement qu'elle le pouvait. Elle s'excuserait plus tard: la situation était critique. Indiquant à Hannibal de grimper lui aussi, elle demanda à Gringo d'avancer, et ce, malgré la foule qui faisait barrage.

Bombant le torse, le grand mâle se mit en route. Il bousculait les passants qui lui tenaient tête, donnait de grands coups de queue pour fouetter ses flancs, et hennissait lorsque c'était nécessaire. A ceux qui voulaient taper la gitane, Hannibal donnait de violent coup de patte dans le vide, rugissant le plus fort possible pour les intimider. Et lorsque la route devint moins encombrée, le trio parti au galop.

Enfin arrivée à la carriole, et en ayant pris le soin d'être sûre que personne ne les suivaient, Dolorès descendit de sa monture, et s'empressa de lui donner de l'eau fraîche.

- Nos vamos.

Gringo s'ébroua, presque détendu. A l'intérieur de la carriole, la belle s'activait: elle regroupait tout son argent, et vérifiait ses livres de comptes. Avant de quitter la ville, elle voulait récupérer l'or qu'on lui devait. Elle irait cacher Gringo et Hannibal dans la province, pour éviter les soupçons. Le félin, quant à lui, était assis dans l'un des coussins. Il tremblait parfois, et commençait à baver sans s'en rendre compte. Les effets du venin. Et même s'il y voyait flou par moment, il pouvait distinctement voir le visage de la gitane.

Il était couvert de larmes.

Merci pour la modé