Rex - Molosse aux crocs féroces

S'il fallait résumer Rex, il faudrait dire de lui qu'il n'est qu'un chien savant à qui on aurait donné de belles tenues. D'aucun diraient qu'il n'a pas sa place parmi la noblesse, qu'il ne s'agit que d'un chien fou, un molosse sauvage et imprévisible. Ils n'auraient pas tout à fait tort mais il y a certainement depuis bien longtemps que la cour Scémédoise n'a plus le luxe de se prétendre immaculée et exempt de tout déchet.
Rex ne correspond effectivement pas à l'image d'un noble précieux plus intéressé par la politique et les nobles trahisons que par les armes et le combat. Bien au contraire. Belliqueux, naturel, le bougre apprécie de jouer de violences et d'intimidations bien plus qu'il n'en est nécessaire. C'est un homme terrifiant quand il le veut et bien malheureux sont ceux qui font l'erreur d'oublier qu'il y a bien plus dangereux derrière l'image de chien tenu en laisse par le roi. Rex peut se montrer cruel en de biens nombreuses occasions. Homme de pouvoir, s'il ne jure pas uniquement par les humiliations qu'il peut infliger, il les apprécie tout de même énormément. Ecraser ses opposants, ceux qui ont osé lui tenir tête, ceux qui ont osé défier l'illustre autorité des Caneglis ? Il dit oui, à toute heure et sans grande hésitation. Son orgueil le pousse à vouloir se montrer meilleur, plus fort, plus puissant. Son arrogance à croire qu'il l'est.
Rex n'est pourtant pas un homme froid ou calculateur. Passionné au sang chaud il ne fait jamais les choses à moitié et n'hésite que rarement. D'aucun le qualifieraient de téméraire, ils n'auraient pas tort. Rex est généralement brute dans ses gestes et manque cruellement de subtilité pour un noble. Ceci dit, pour avoir évolué et survécu dans les sphères politiques de Scémède, il est important de noter qu'il sait effectivement jouer des attentes des gens. On le pense stupide et trop simple pour comprendre les nombreux sous-entendus de nobles conversations et si ce n'est pas totalement faux, le bougre n'est pas non plus incapable de raisonner. Plus malin et réfléchi qu'il n'y paraît, ses talents de chasseur ou sa capacité à surprendre son adversaire en duel prouvent qu'il n'est pas aussi prévisible qu'il semble l'être. Et c'est sûrement bien là le pire chez Rex : il n'est pas qu'une brute. Majoritairement il l'est, mais pas uniquement.
Déterminé, dévoué, ce sont là sûrement les qualités qui font qu'il reste apprécié à la cour malgré une attitude plus rustre qu'elle ne devrait : le bougre ne rechigne jamais à se salir les mains. Tout est bon pour se montrer fidèle envers ses maîtres car si Rex est prétentieux envers ses congénères, il a érigé la famille royale sur un piédestal qu'il a désigné comme inaccessible... Après tout, ne sont-il pas les élus du Dragon, et donc par extension, de leur Père Eternel lui même ? Et quoi de plus noble que de se mettre au service d'élus divins ? Aveugle ? Peut être un peu. Sûrement même. Pourtant, c'est avec sincérité qu'il se dévoue à en mourir pour les Caneglis. La raison ? Sûrement un savant mélange entre une certaine admiration et un manque de remise en question. Il a été élevé dans cette optique de les servir sans rechigner, pourquoi douterait-il de ce qu'il a toujours connu ? Après tout, l'une des plus grandes qualités de Rex, c'est son obéissance.
En effet, sous des airs de matamore bravache et intimidant, Rex n'est et ne sera jamais un meneur dans l'âme. C'est un suiveur et quelque part, il manque cruellement d'initiatives ou de créativité, son potentiel ne sera atteint que si quelqu'un le guide et ce, que cette personne soit bienveillante... Ou pas. C'est donc autant par habitude, par instinct et par nécessité qu'il n'a jamais remis en question sa servitude et qu'il s'y complet avec satisfaction. Après tout, les Caneglis ne sont pas des maîtres ingrats et les de Gardefier ont toujours été chaleureusement remerciés de leurs bons et loyaux services !

Ceci dit, s'il est à noter que la loyauté et la fidélité sont des traits inhérents à Rex, l'altruisme et l'empathie lui font cruellement défaut. Oh, n'allez pas croire que le bougre n'agit que par cruauté ou n'est motivé que par une servitude aveugle ou par la simple arrogance mais... C'est un homme égoïste. Centré généralement sur lui même et les choses qui sont à sa portée, il n'est pas capable de voir la douleur d'autrui lorsque celle-ci lui est trop éloignée. Les paysans souffrent de la faim ? Ils n'ont qu'à s'acheter à manger. Franchement, si lui vit bien, la situation n'est pas aussi désespérée qu'ils le prétendent... N'est ce pas ?
Ainsi, si ça ne le touche pas, ça ne l'affecte pas et il n'est pas en mesure de comprendre ou de saisir l'importance qu'ont certaines choses pour les autres. Et s'il tend à faire des efforts pour ses proches, cela ne veut pas dire pour autant qu'il est couronné de succès. Rex a beau être une personne relativement affable et joyeuse, son arrogance, son égocentrisme et son manque d'empathie le rendent bien généralement insupportable. Il ne le fait pas forcément par malice mais il ne peut comprendre ou s'intéresser que si les choses se rattachent à lui. Vous lui parlez d'un mal qui vous ronge ? Il tournera la conversation sur ce qu'il a vécu et qui lui semble proche de votre vécu. Pourquoi ? Parce que.
Si vous arrivez cependant à passer outre ces manières, le bougre se révèle être un assez joyeux compagnon. Agréable et l'esprit léger, d'aucun seraient surpris mais il peut avoir le rire et le regard d'un enfant. Puéril ? Par moment. Joueur ? Assez souvent. Rex aime les défis, qu'ils soient sérieux ou pas. Et il est à noter que si le bougre ne jure que par la victoire, il aime plus l'atteindre qu'en profiter. Contrairement à ce à quoi l'on pourrait s'attendre, il ne s'agit pas d'un mauvais gagnant. Relever avec succès un pari est un plaisir pour lui mais il préférera vous défier à nouveau qu'étaler son éclatante victoire. … C'est en revanche un très mauvais perdant. Boudeur et grognon lorsqu'il n'a pas ce qu'il veut, il peut rapidement devenir insupportable pour ceux qui partagent la même pièce que lui. Pour autant est-il capricieux ? Pas vraiment.
Certes les défaites ont cet effet là sur lui mais même lui se rend compte que la vie n'est pas qu'un jeu. Il n'est donc pas rare de le voir réagir à certains événements avec plus de maturité qu'on aurait bien voulu lui accorder. Ainsi, si cette recherche de succès peut sembler frénétique de prime abord, il est intéressant de remarquer qu'il n'est ni du genre à s'acharner, ni du genre à accepter une victoire facile ou insultante. Aussi paradoxal cela soit-il, le laisser gagner serait l'humilier et ce même si la défaite le fait pester des jours durant sur comment il aurait pu s'en sortir.
Pour autant, Rex n'est étrangement pas homme à avoir la rancune tenace. Ni même à s'offusquer des insultes qu'on pourrait lui infliger. D'une part, certaines sont probablement trop subtiles pour qu'il les comprenne et d'autre part, lorsqu'il les comprend, il les balaye avec nonchalance. Il se sait bon... Peut être pas parfait, mais il est difficile de le faire se sentir mal lorsque lui même tend à présenter ses défauts comme positifs. Est-il borné ? Clairement, mais il préfère dire qu'il est confiant et sûr de lui. Ce ne serait pas faux. Ceci dit, s'il n'est pas aisé de réellement le faire enrager et que ses colères sont rares... Elles sont monstrueuses et regroupent ses pires démons. Violent et aveuglé, mieux vaut ne pas se trouver sur son chemin lorsqu'il se retrouve dans cet état. Mobilier, personnes, bêtes... Rien n'est épargné. Et s'il n'est pas rancunier, il n'est pas prompt à s'excuser de son comportement non plus.

Enfin, et sur une note plus légère, si Rex est considéré par ses pairs comme un chien, ce n'est pas sans raison. Et pas uniquement motivé par ses actes. Certes il peut se montrer rustre, brusque et brute quand il ne fait pas attention, mais il est surtout négligé et un peu trop zélé. Il n'a pas peur de se salir les main, cela vaut également pour ses tenues. Il n'est pas rare de le voir rentrer de chasse couvert de poussière avec quelques écorchures et le sourire rayonnant. Lui ne s'en soucie pas, il a toujours méprisé ce côté précieux des autres nobles et il y a fort à parier que son côté chien fou amuse le roi. Il a par ailleurs pris l'habitude de mordre ses opposants (monstres ou humains) lorsque ses mains sont prises.
A noter également que si Rex se dit lui même beau parleur, il n'est finalement pas si bavard que ça. Malgré le fait qu'il soit de bonne naissance, les mots lui manquent vite lorsqu'il parle de trop et certaines disputes ou argumentations se finissent par des grognements de frustration parce qu'il est incapable de formuler ses pensées adéquatement. Ceci dit, que ce soit en bien ou en mal, on n'insiste généralement pas beaucoup plus longtemps quand son teint se colore de rouge sous l'effet de la frustration.
Il grogne et aboie également en d'autres occasions mais c'est bien souvent lié au fait que sous la pression, il ne trouve plus ses mots. Parfois ceci dit, ça l'amuse juste de voir la réaction des gens qui finissent par l'éviter. C'est ceci dit un réflexe qui le rend particulièrement maladroit lorsqu'il essaie effectivement de discuter sérieusement avec quelqu'un (ça explique également pourquoi il est particulièrement silencieux auprès de gens qu'il respecte).

« Rex ! »
L'appel est sec et sonne telle une injonction. L'ignorer ne serait que folie, désobéir un outrage. Pourtant l'enfant glousse et se faufile dans les longs couloirs. Loin de se montrer discret pour autant, il laisse derrière lui une traînée poussiéreuse qui signe son passage à ceux qui le pourchassent. Il ne s'en inquiète pas et trottine joyeusement parmi les portraits de ses ancêtres. Illustres ancêtres comme le corrigerait son père.
Loin d'être impressionné, l'enfant au regard d'argent les observe avec curiosité. Est-il censé retrouver chez eux quelque chose de familier ? Il n'oserait l'admettre devant les siens mais les regards vides des tableaux lui font peur. Ils ont tous l'air si sévères là, accrochés aux murs... Peut être le serait-il lui même s'il devait passer ses journées sans bouger comme eux.
Il hésite un peu, puis, avec l'insolence de l'enfance, il tire la langue à un vieil homme à la barbe austère avant de reprendre sa course. Un rire cristallin le précède partout où il va et son petit cœur bat à tout rompre à chaque détour de couloirs. Et puis alors, soudainement, il tombe sur son portrait. Un jeune homme, dans la fleur de l'âge. Imposant, conquérant, impressionnant si la toile n'avait pas été souillée. Au pied du tableau un nom, son nom, le nom interdit.
On le lui avait présenté comme un traître à leur sang, à leur pays, à leur peuple et à l'Humanité même. Un monstre qui avait osé prendre chair au sein de leur famille. Quel affront ! Rex n'avait alors jamais comprit les implications que tout ceci avait mais la peur instillée en lui demeura quasi éternelle.
C'est pourtant animé d'une fascination presque morbide qu'il s'avance vers le portrait tenu à l'écart des autres, banni, excommunié. Ses mains d'enfants se tendent avec hésitation et une profonde crainte les fait trembler... Mais il veut toucher, il doit le faire pour se prouver à lui même qu'il est suffisamment grand et fort pour protéger le Seigneur et pour rendre fière sa famille. Fébrile, sa peau effleure la peinture et ses doigts encore crasseux de la terre dans laquelle il a joué tâchent l'oeuvre. - Personne ne s'en offusqua jamais -

« Ha ! Je le savais ! »

L'exclamation est victorieuse et satisfaite. Pendant un instant, l'enfant oublie la raison première de sa présence en ses lieux et profite de cette victoire pour jubiler : le monstre ne peut plus rien contre les de Gardefier !
Et puis un grondement le fait alors soudainement sursauter et c'est la terreur dans la gorge qu'il se retourne pour affronter le regard sévère qui se pose sur lui. Il hoquète avant de se détendre.

« Léane ! »

Un nouveau rire ponctue sa course mais au lieu de s'enfuir, il se jette sur l'imposant monstre canin. Loin de craindre ce corps titanesque et musculeux, il fonce dedans et la chienne se laisse faire avec bienveillance, lui laissant même l'illusion de croire qu'il arrive à la renverser. Bonne joueuse, elle lui donne de faux coups de dents et lui pince gentiment la peau alors qu'il tente de grimper sur son flanc. Il laisse échapper de feintes plaintes avant qu'un véritable cri de surprise ne lui échappe lorsque la chienne se relève.
Gentiment, elle lui donne un coup de langue sur le front qu'il essuie, boudeur. Il essaie de s'enfuir à nouveau mais une puissante mâchoire se referme sur le col de son vêtement et sans appel, il se fait soulever du sol. Il replie ses membres contre lui par réflexe et se laisse transporter, résigné.
Une fois à nouveau à l'air libre, ils retrouvent d'abord la portée que Léane a eu il y a quelques mois. Les chiots sont encore jeunes et pleins d'énergie, au moins autant que Rex. La chienne le relâche et sans un regard pour son père qui s'approche, l'enfant se jette dans la mêlée de poils.
Il glousse, il rit et se chamaille avec les bêtes. Père de Gardefier soupire, le bain ne sera pas pour tout de suite.

-

« Rex ! »

L'injonction fait se raidir ses épaules par réflexe. Le regard d'acier de son père brûle sur le haut de son crâne et il raffermit sa prise sur le manche de son épée en bois. Il y a longtemps qu'il ne la considère plus comme un jouet.
Il n'est plus un enfant maintenant, pourtant, il n'est pas encore rentré pleinement dans sa puberté. Docile, il se plie aux ordres durs de son géniteur. S'il veut un jour honorer le nom des de Gardefier et servir et protéger leur Seigneur, il doit apprendre à se battre comme il sied à un homme de son rang...
Mais les entraînements sont difficiles et laborieux et il lui semble ne pas progresser. La fin de la séance est morose. Les coups qu'il a reçus marqueront sa peau par dessus ceux de la veille. Le soupir qu'il lâche n'échappe pas à son père qui s'approche et lui dépose une main avenante sur l'épaule. La même qui, quelques minutes plus tôt, s'acharnait à lui enseigner ce qu'était la douleur.

« Fils, je suis fier de toi. Tu es assidu et tu progresses vite. »

L'encouragement est sobre mais il ne manque pas de faire mouche. Rex se redresse vivement, serrant les poings malgré les ampoules qui marquent ses paumes.

« Oui père ! Il est évident que je ne vous décevrai pas ! »

L'arrogance de sa voix ne fait qu'arracher un sourire attendri à sieur de Gardefier. Il n'en a jamais douté, il sait ses enfants talentueux et Rex ne fait pas exception à la règle. D'une voix tranquille mais ferme, il lui intime d'aller se débarbouiller et de se tenir prêt pour le dîner.
Pourtant, c'est vers les chiens que Rex s'est déjà dirigé. La course vive et légère, il saute sur Léane qui grogne sous l'impact. L'enfant haut comme trois pommes a bien grandi et sa manie de lui foncer dessus devient de plus en plus problématique. Pourtant, clémente, elle ne fait que le repousser et lui japper dessus. La réponse est sans appel et lui même l'imite et aboie à son tour. Il n'en faut pas plus pour attirer les autres bêtes du domaine et 5 d'entre elles se jettent sur lui pour l'accueillir.
Sa tenue déjà bien amochée par l'entraînement finit en lambeaux mais il s'en moque. L'insouciance est si douce. Il oublie l'heure du dîner.
Lorsqu'il le retrouve, sieur de Gardefier constate que son fils n'a pas changé : il dort encore parmi les bêtes.

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Les tournois et les duels lui semblent magiques. Les bals un peu moins. Il a officiellement été présenté à la cours. L'honneur est immense, au moins autant que ses joues ont rougi sous les regards des illustres Caneglis. Il a accompagné son père et son aîné pour une visite dont le message lui a échappé tant l'excitation était grande. En pleine puberté, il se sent pourtant déjà un adulte. La vie de la Cour l'a pendant un instant grisé et s'il n'a pu approcher ses Seigneurs, leur présence a suffi à lui faire comprendre pourquoi sa famille leur était dévouée.
Il ne sait simplement pas encore quels mots mettre sur cet engouement mais la prochaine fois qu'il prononcera son serment, il le sait, il sera sincère, pour la première fois.

Pendant leur court séjour au Palais, il a pu découvrir les joies de la vie mondaine... Les défauts aussi. Quand il se présente négligé lors d'une réunion, pour la première fois, il sent la désapprobation dans le regard de son père. Il ne comprend pas, il a toujours été comme ça et a même fait l'effort de se laver les mains pour pouvoir serrer celles des autres.
Seulement voilà. Personne ne serre la sienne.

Sûrement sont-ils tous trop intimidés pour cela.
Personne ne comprend alors le sourire gonflé d'orgueil qui éclaire son visage.

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Il est le Démolosse tapi dans les bois qui menace de ses crocs sanglants la jeune pucelle. Courant à travers un labyrinthe savamment taillé, il fait exprès de se faire plus lent qu'il ne l'est réellement afin d'entendre plus longtemps les gloussements et les halètements épuisés de celle qu'il poursuit. Pourtant, la course touche bientôt à sa fin. Malgré ses efforts, au détour d'un tournant, il aperçoit les jupons carmins de Dorothé qui tente de se dérober à son regard d'acier.
Quelques secondes plus tard, il n'a plus qu'à tendre la main pour attraper son poignet et la stopper net dans sa fuite. Elle se retourne l'air faussement apeurée. Sa poitrine se lève et s'abaisse sous les impulsions d'une respiration fébrile mais il ne lui faut pas longtemps pour qu'un sourire éclose sur ses lèvres.

« Tu m'as attrapée~ »

Qu'elle lui souffle, taquine. Il lui offre un sourire insolent en retour. Bien sûre qu'il l'a attrapée, et il n'a même pas vraiment fait exprès. Elle laisse échapper un rire et dans son regard s'allume une lueur amusée.

« Pitié, Gand Méchant Démolosse.. » sa voix prend des allures enfantines « Ne me faites pas de mal, je ferais tout ce que vous voudrez~ »

Provocante, sa voix feint la peur mais son regard lui envoie une invitation.
C'est un bisou collé sur la joue qui lui répond et son regard s'écarquille.

« Hélas ma chère, je doute que vous soyez encore en mesure de courir. Rentrons. »

Il laisse échapper un rire sous l'air déconfit de sa partenaire de jeu. N'est-il pas intéressé ? Probablement pas. Rex avait toujours préféré atteindre son objectif plutôt que savourer sa récompense. Il se détourne d'elle bien trop vite, songeant qu'Alice semblait sûrement plus rapide que Dorothé. Cette dernière ne sortit pas du labyrinthe végétal avec lui et ne lui adressa plus la parole.

Il ne comprit jamais pourquoi. Sans doute perdre face à lui l'avait insultée.

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Le reflet du miroir qui s'offre à lui ne semble pas être le sien. Il n'a jamais porté de noir. Le noir n'était pas une couleur qui lui seyait, il en était convaincu. Maintenant, il en a la preuve. Pourtant, pour cette fois, il l'accepte : il n'a pas l'envie de porter une autre teinte.

Les malheurs se sont enchaînés sur Scémède et sur sa famille. Retrouver Félix mort, piétiné par une horde de Cerfrousse en a été le premier.
Il revoit encore le corps sans vie de son aîné. Et il se revoit encore le secouer, convaincu qu'il était encore en vie.
Pour la première fois de sa vie il se sent stupide.

A la douleur des de Gardefier vient s'ajouter celle des Caneglis. La mort des deux princes aînés puis du Roi lui même laisse derrière elle une cicatrice béante. Un accident, une maladie et le désespoir... Est-ce une malédiction ? Rex se pose sincèrement la question.
Il assiste aux côtés d'autres nobles aux funérailles de chaque défunt mais son regard n'est pas dirigé vers les cercueils mais vers les héritiers restants. Ils sont si jeunes et pourtant si dignes... L'espace d'un instant, il se demande s'il aurait eu la même prestance s'il avait dû affronter la même épreuve à leur âge. Il n'a pas la réponse, il ne se la pose pas vraiment.

Plus tard, il pose la question.

« Pourquoi n'étions-nous pas capables d'empêcher ces malheurs ? »

Le regard de son père est encore à vif de la mort de son fils aîné mais ce n'est pas de la douleur qu'il décèle en premier. Les yeux qui lui répondent connaissent la réponse à cette question et refusent de la lui donner. Il n'insiste pas. Il n'en est pas certain mais il croit connaître la réponse. Son regard se durcit.

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C'est un regard sombre et acéré qui détaille le tableau de cet ancêtre maudit. Encore aujourd'hui il est incapable de prononcer son nom. Cependant, désormais, c'est le dédain qui remplace la peur. Un instant, ses yeux se posent sur cette marque de boue qu'il a laissée des années plus tôt. Il ne s'en souvient même plus mais c'est ce qu'on lui a raconté. Il semble défier cet ancêtre interdit, l'air de dire que malgré sa trahison, les de Gardefier n'ont pas été souillés et qu'ils servent toujours fidèlement leurs maîtres.

Lorsqu'il quitte la pièce pour rejoindre les siens, le regard de son père est approbateur. Pour une fois, il a fait attention à sa tenue. Comment aurait-il pu en être autrement ? Le jeune prince se fait enfin couronner et ils doivent réitérer leur serment. C'est avec ferveur et une étrange sincérité qu'il récite le sien.
Humblement, son regard glisse du Roi à sa jeune sœur, et de la princesse Euridice à son aîné. Ils sont toujours si jeunes...
Ses lèvres se serrent. Il se le jure. La tragédie qui les a frappé ne posera plus jamais ses serres impures sur ses Seigneurs. Il ne le permettra pas.