Tout mariage sans amour est la prostitution consacrée | Rex

L'idée de se fiancer ne l'avait pas ébranlé, celle de se marier encore moins. Qu'on lui impose une union avec une femme venue de rives lointaines n'avait qu'à peine bousculé son quotidien. Tout cela était si vague, si lointain... Beaucoup trop pour qu'il lui accorde le crédit que la situation aurait pourtant mérité.
Ce fut sûrement pour cette raison que lorsqu'il parcourut la distance qui séparait Scémède d'Aros, le voyage lui sembla irréel. Rex n'était pas du genre à s'embarrasser de pensées futiles. C'était un homme d'action qui agissait par instinct. Sûrement avait-il pris l'information comme une vaste blague... Pourtant se fut plus pâle qu'à l'accoutumé qu'il aborda les frontières d'Aros. Nerveux ? Il balaya l'idée d'un revers de la main qui fit dresser les oreilles de Pluton qui avançait à ses côtés. Il n'était jamais nerveux, il n'avait jamais peur. Il était brave et ne reculait devant rien ni personne... Ce ne serait pas une étrangère qui lui ferait baisser la tête ! Quand bien même celle-ci était appelée à devenir sa femme.
L'idée le perturba alors. Il n'était évidemment pas du genre à se damner pour une histoire romantique couronnée d'amour et de mièvreries mais mariage rimait avec foyer, enfants et partage d'une vie... Il pinça les lèvres.

Arrivé à Aros après plusieurs jours d'un voyage déjà trop long à son goût, il avait – il fallait l'avouer – considéré l'idée de rebrousser chemin. Oh, il l'avait bien vite balayée, certes, mais tout de même. Au lieu de ça, encore couvert de sueur du voyage et pestant sur l'air frais du nord, il s'était directement dirigé vers le port, maudissant la ville blanche et ses dédales. Il s'enquit près des marins si un navire de Sinnoh avait accosté récemment mais la réponse fut négative.
Partagé entre le soulagement de ne pas être arrivé en retard et la déception de savoir que sa future fiancée était celle qui le ferait attendre, il avait alors trouvé où loger... Et où reporter sa frustration. L'hôtel qu'il avait pu trouver était miteux et affreusement cher. Loin d'être du genre à se formaliser de dormir par terre, il appréciait tout de même moins l'idée que ce choix là soit payant.
Il avait grogné, traité les propriétaires d'escrocs – plusieurs fois – et avait finit par payer, comme tout le monde voulant un toit sur la tête dans cette région glaciale.
Pendant 5 jours, ce petit manège dura. Il se réveillait, passait quelques heures au port pour guetter l'arrivée d'un quelconque navire et rentrait bredouille, frustré et d'autant plus agacé qu'il devait payer chaque journée de plus.
Oh bien sûr, tout n'était pas totalement mauvais. Il lui arrivait d'écarquiller les yeux de sincère admiration lorsque que d'imposants vaisseaux accostaient les rives du port. Il se perdait alors en contemplation, le sourire d'un enfant collé aux lèvres. Un marin qui travaillait là, le même à qui il posait sans cesse la même question, prenait alors le temps de lui parler des bateaux, de leur origine, de la finesse de leur coque... Il s'ennuyait rapidement et n'hésitait pas à lui faire remarquer mais tout de même. Il avait bien du avouer que passer du temps au port avait au moins eu le mérite de le distraire.

A l'aube du cinquième jour, le marin à qui il parlait avait disparu – sans doute avait-il finit par embarquer comme il le lui avait dit la veille – et Rex se retrouva seul à attendre un navire qu'il n'espérait plus. Pestant, il s'était retourné vers Pluton qui s'était docilement assis à ses pieds pour lui faire part de tout ce qui pouvait le déranger à Aros. Le fait que la nuit soit trop bruyante pour le laisser dormir, que les jours apportaient avec eux un silence de mort. Qu'il y faisait froid et que les navires de Sinnoh n'arrivaient pas ! Ce fut ce moment que le facétieux destin décida de lui donner tord et l'imposant Malosse laissa résonner un aboiement grave pour attirer l'attention de son maître.

« Ne me parle pas sur ce to- »

Mais il se coupa en suivant le regard de la bête sombre. Le bâtiment au loin portait assurément les couleurs qu'il attendait et un sourire satisfait recourba le coin de ses lèvres. Pas qu'il attendait particulièrement sa promise mais cette arrivée signait assurément son départ de cette ville glaciale !
Il fallut pourtant une heure ou plus au vaisseau pour accoster convenablement et ce fut avec beaucoup d'effort qu'il réprima sa moue d'impatience lorsqu'il constata qu'il s'agissait bel et bien du bon bateau. Enfin. En l'espace d'un instant, le port relativement vide se couvrit d'activité entre les marins qui débarquaient les marchandises étrangères et ceux qui s'approchaient pour les aider.

Ce fut couronnée d'une chevelure rousse domptée dans une fine coiffure et vêtue d'un blanc qui fait écho à la ville d'Aros que sa promise s'avança. La démarche fière et déterminée, il ne la vit ni vaciller ni douter lorsqu'elle s'avança vers lui... -Mais quelle était cette Chose qui flottait à ses côtés ?-
Et lorsqu'elle s'inclina, il fit de même, soudainement soucieux des étiquettes. Si la révérence était prestement réalisée, elle était plus mécanique, moins naturelle que celle de la Dame Blancherive.

« Dame- » La pause fut courte, presque imperceptible pour quiconque ne prêtait pas attention aux détails. Mais l'espace d'un instant, un bref instant, il paniqua. Quel était son nom ? Il l'a oublié. D'une 'habile' pirouette, il crispa un sourire qui se voulait poli et repris « Ma Dame, le plaisir est partagé. »

Il était sincère. Après tout, Rex était du genre à assumer beaucoup de chose sur sa personne. Il se savait assurément un bon parti – quoique puisse en dire certains – cependant, il n'ignorait pas que le bonheur dont elle parlait était sûrement des plus factices. Ils ne se connaissaient pas, prétendre approuver leur union future était obligatoire mais loin de la vérité.
Et puis, leurs regard se croisèrent. La demoiselle avait les yeux d'un bleu lagon profond, assurément en était-elle fière mais Rex ne se perdit pas en observation. Ce qu'il remarqua en revanche c'est que passée quelques secondes, elle ne détourna pas le regard et, si son sourire demeura poli – quoique légèrement crispé – sur son visage, ses sourcils se froncèrent de contrariété par réflexe. Que prétendait-elle réaliser ? Etait-elle en train de … Oui, c'était ça. Elle le défiait ouvertement, cherchait à établir sa domination sur lui comme le ferait un chef de meute.
Ses lèvres reprirent une position neutre mais il releva le défi. Elle voulait le jauger, soit, c'était, tout compte fait, une excellent idée et une excellente manière de se présenter. Ainsi, il refusa également de détacher son regard du sien, un regard d'acier qui se durcissait à mesure que les secondes s'égrenaient. Pas même le grognement de Pluton le fit vaciller alors qu'il se rappelait des formules d'usage.

« J'espère que vous avez fait bon voyage. »

Souffla-t-il plus pour la forme que par réel intérêt.

Elle se rapprocha et il ne cilla pas. Il en faudrait bien plus pour impressionner un hériter de Gardefier, bien plus qu'un joli minois et un regard inquisiteur. Pour un peu, un sourire narquois aurait pu éclore sur ses lèvres mais il n'en eu pas le temps. Elle craqua la première, déconcentrée par le grondement d'un Pluton qui considérait la proximité comme une menace directe.
Rex n'en fut alors pas certain, mais il lui sembla discerner... De la crainte dans le regard abyssale de la rouquine. Il pinça les lèvres, contrarié, espérant qu'il ne s'agissait pas là d'une donzelle effarouchée au contact des chiens. Elle lui répondit cependant de manière presque absente, absorbée par l'observation d'un Malosse au poil qui menaçait de se hérisser à tout instant. Un claquement de langue sec l'en dissuada alors que la jeune femme s'abaissait à sa hauteur.
Le geste sembla plus rassurer l'homme que la bête qui avait courbé l'échine sous le regard inquisiteur de son maître. Il savait Pluton imprévisible, encore trop craintif... Et il savait les dégâts irréversibles que pouvait causer une morsure donnée par cette espèce de bêtes, autant ne pas prendre le risque.
A nouveau, une voix claire lui parvint, d'un ton plus doux que les précédent qui, s'il n'eut pas le mérite de détendre la tension dans les muscles du chien, put au moins dérider Rex. Au moins un peu. Il se sentit dans son bon droit de faire remarquer qu'il l'avait effectivement attendu plus qu'il n'aurait du.

« Une semaine à guetter votre arrivée dans ce misérable port. Je ne parlerai pas du taudis dans lequel j'ai du loger. Je ne vous cacherai pas qu'il me tarde de retrouver les terres Scémédoises, autrement plus accueillantes ! »

Le ton  était agacé mais dissimulait une pointe de nostalgie et une appréciation certaine pour ses terres natales. Il aurait pu continuer à parler et à lui décrire efficacement le pays qui l'attendait mais à peine ouvrit-il la bouche qu'une mélodie murmurée le coupa. Il se renfrogna, vexé et la tension s'empara un peu plus les muscles de Pluton qui resta pourtant sagement assis. Et puis une voix brisa le charme qui semblait s'être emparé de la demoiselle. Si elle avait sourit, c'était désormais terminé et elle s'était redressée avec plus de grâce qu'elle n'en avait besoin. Docile, comme une bête dressée.
Ce fut un regard curieux que Rex glissa de sa promise à la source de l'injonction. Des suivants, aucune figure d'autorité impressionnante ou imposante. Ce fut perplexe qu'il reposa ses yeux d'argent sur sa future épouse. Le sourire qu'elle lui tendit n'appela qu'un homologue aussi crispé que celui de la rouquine était faux. Elle priait pour qu'ils s'entendent...
S'il n'y croyait pas, il inspira toute de même une bouffée d'embruns et la main qui avait caressé la tête de Pluton pour le féliciter se releva pour s'apposer là où se trouvait son cœur, mimant les prémices d'un serment.

« Ma Dame, il n'y a pas de raison. Je suis de charmante compagnie et j'ai bon espoir que vous aussi. »

Maladroit, il esquissa tout de même le sourire le plus convaincant qu'il put. Y croyait-il ? Probablement un peu... Pas trop non plus. Cette étrangère ne lui avait pas adressé un regard correct depuis son arrivée. Il avait l'air stupide mais il n'était pas dupe. Et ce froncement de nez ne lui échappa pas. Il se racla la gorge.

« Mais ne nous attardons pas ici. » commença-t-il. « Je suis certain que vous apprécierez plus les vertes contrées de Scémède que... Hm.. » il chercha un instant ses mots, les sourcils froncés de contrariété lorsque ceux-ci lui échappèrent. « Que celles-ci. » acheva-t-il en se détendant à moitié.

Si l'invitation pouvait sonner comme une question, elle n'en était pas vraiment une. Son bras désignait le centre de la cité, là où ils pourraient récupérer son attelage et rentrer. Sa voix ne laissait pas vraiment le doute sur son intention de partir au plus vite. L'odeur du port ne le dérangeait pas trop mais Aros la Blanche n'avait pas su le charmer. Une ville remplie d'escrocs... Et de voleurs.

Il avait esquissé un pas de côté, déjà prêt à partir, Pluton s'était relevé, le regard méfiant mais la queue battante en sentant l'impatience de son maître, mais ils furent stoppés. Ce fut une main aussi légère qu'une caresse qui entrava son départ et si un regard perplexe suivit le geste de la dame de Blancherive, il ne récupéra pas son bras.
Rex avait toujours été mauvais pour décrypter les émotions des autres, le regard de sa promise ne fit pas exception alors qu'un épais sourcil s'était arqué au dessus de l'un de ses yeux. Craignait-il le contact ? Absolument pas. Cependant, il s'était attendu à une femme un peu plus farouche après le regard qu'elle avait osé lui adresser. Après tout, n'étaient-ils pas de parfaits étrangers l'un pour l'autre ? La réponse était aussi évidente qu'il finit par balayer ses questions d'un battement de paupières. Il y avait autre chose sur quoi se concentrer et la Dame lui avait adressé la parole en détournant son regard vers l'horizon.
Un sourire s'esquissa sur ses lèvres, il savait que cette douce gestuelle cachait quelque chose.... Cependant, la satisfaction d'avoir vu juste ne pu empêcher une moue plus contrariée à peine dissimulée de s'afficher sur son visage. Peu habitué à dissimuler ses émotions comme ses pairs à la cour, il fit cependant preuve d'un bel effort en rappelant un semblant d'amabilité sur son visage. Pressant gentiment cette main qui avait effleuré la sienne, il présenta l'ébauche d'une petite révérence.

« Soit. » admit-il « Après tout, je m'en voudrais de presser ma promise sur les routes à peine après avoir posé le pied à terre. »

Indulgent, il fit tout de même signe au bas peuple présent de récupérer les malles de la Dame de Frimapic afin de préparer au plus tôt leur départ et à l'un de ses hommes chargé de l'escorte de suivre sa future épouse. Aros restait une ville dangereuse et la Dame venue d'ailleurs une étrangère, mieux valait ne prendre aucun risque.

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Après avoir fait préparer leur attelage pour le retour à Scémède et avoir du louer une seconde calèche pour pouvoir y caser toutes les affaires de la demoiselle de Sinnoh – chose peu facile, rares étaient les négociants encore debout à cette heure là à Aros –, il avait effectué les cent pas nerveusement devant le convoi. Impatient, il adressait fréquemment des regards vers le ciel pour observer la course du soleil et calculer le temps qui passait, mais lorsque sa promise apparut, il s'immobilisa et tira sur son costume pour se rendre plus présentable et l'accueillir avec un sourire plus correct que la moue contrariée qu'il arborait plus tôt.
Galant, il l'aida à se hisser dans la voiture qui les accueilleraient pour les prochains jours avant de la rejoindre et de faire signe à Pluton de monter à sa suite. Il ne s'installa pourtant pas en face d'elle afin d'avoir le loisir d'étirer ses longues jambes à volonté. Le convois s'ébranla alors et il ne put retenir un soupir plus ou moins discret de soulagement lorsque le paysage commença à défiler.

« Il me tarde de rentrer... »

Avait-il soufflé sans chercher à ouvrir plus le dialogue en constatant que sa douce promise avait reporté son attention sur une broderie. Agacé, il avait roulé des yeux et s'était simplement accoudé sur la fenêtre à ses côtés en croisant une jambe par dessus l'autre.
Les mètres et les heures défilant avaient alors vu naître un mouvement aussi nerveux que frénétique commencer à agiter son pied au dessus de la tête d'un Malosse qui avait décidé d'ignorer ce mouvement. Son expression s'était pourtant détendue de la mine renfrognée qu'il arborait à l'aube de leur voyage et il tenta une nouvelle approche.

« Je suis certain que nos terres vous raviront ! » initia-t-il. « Elles sont autrement plus accueillantes que les paysages désolés d'Aros. »

Critique ? A peine.

Ce fut d'un regard relativement perplexe mais dépourvu d'hostilité que Rex accueillit le déplacement de sa promise à ses côtés. Il l'aurait pensé plus réticente à s'installer ainsi mais garda le silence, suivant d'un air distrait ce qu'elle était en train d'observer. Le paysage qui défilait, la noble monture de l'escorte qui passait devant eux. Cette vision ne lui arracha qu'une expression neutre témoignant d'un ennui à peine dissimulé. La compagnie des monstres lui était familière et s'il appréciait chevaucher des Galopas, il ne pouvait imaginer que l'éclat dans le regard de la Dame Blancherive puisse naître de l'exact contraire.

« Je n'en doute pas. »

Lui avait-il alors répondu d'une voix qui se calqua inconsciemment sur le ton de la jeune femme. Il ne pouvait de toute manière pas concevoir que l'on puisse ne pas apprécier les riches terres de Scémède. Ainsi, se fut plus tranquille qu'il accueillit la suite du discours de sa Promise et ce fut sans gêne qu'il laissa éclore sur ses lèvres un sourire ravi de voir ainsi son orgueil se faire brosser dans le sens du poil. Lui même ne s'était pas réellement renseigné sur la noble famille de sa future épouse et s'il ne s'en trouva pas particulièrement embarrassé, il chercha tout de même à répondre d'une certaine politesse. Aussi un vague compliment sur ses braves ancêtres lui échappa plus creux qu'il ne l'aurait désiré.
Il ne chercha cependant pas à se rattraper et laissa flotter un cours silence entre eux soudainement interrompu par un grondement sourd. Pluton s'était éveillé et dardait un regard méfiant sur l'étrangère qui s'était bien trop rapproché à son gout. Un claquement de langue sec lui rabattit les oreilles sur le crâne et lui intima le silence. « Tout doux, gentil. » lui avait-il soufflé et ce fut docile que le Malosse s'apaisa. Ses yeux sombres et farouches n'avaient pour autant pas quitté les mouvements de la rouquine. La constatation tomba alors, lourde et teintée d'une certaine déception qui n'échappa cette-fois ci pas aux oreilles de Rex.

« Ne soyez pas ridicule.. » lui avait-il alors soufflé passablement ennuyé « Il ne vous connaît pas encore, il lui faut du temps, voilà tout. »

Il n'y avait pas de quoi en faire toute une histoire, aucun des êtres présents dans cet attelage pouvait prétendre apprécier de but en blanc les autres sans les avoir un minimum connu et Rex prit son propre commentaire pour son compte et celui de la jeune femme à ses côtés. S'était-elle éloignée ? Il retint un roulement d'yeux et pinça les lèvres lorsqu'elle entama son histoire.
D'aucun dirait qu'il était important de nouer des liens dès le début, apprendre à se connaître, à s'apprivoiser et l'héritier de Gardefier était absolument d'accord avec la théorie... La pratique était une autre paire de manches. Ce n'était pas que la confession de la Dame Blancherive l'ennuyait mais... Tout ce qu'il entendait c'est que sa promise était une bonne femme effrayée par les monstres qu'il côtoyait tous les jours. Un soupir oscillant entre l'agacement et la contrariété lui échappa et il n'eut pas la grâce de le camoufler en autre chose. Il ne pouvait que se concentrer sur les désagréments que tout cela pourrait engendrer, les installations à mettre en place que la nouvelle arrivante ait au moins de quoi vivre dans une relative tranquillité... Si Pluton l'effrayait déjà, il ne pouvait espérer une meilleure réaction vis à vis des autres bêtes du domaine.
Distraitement, la main sur laquelle il avait appuyé la joue s'était glissée sur ses lèvres lui donnant l'air pensif. Son regard se perdit sur les quelques flammèches qui perlaient des Galopas plus en avant et il n'entendit qu'à peine la question de la rouquine.

« Mh ? » laissa-t-il échapper involontairement avant de plisser les yeux à la recherche du souvenir de la question. « Oh ! Hé bien, si vous me le demandez, Pluton est actuellement la seule bête dont je m'occupe personnellement pour le moment. »

Parler de son monstre l'avait presque instantanément fait sourire et les mouvements de sa jambe s'étaient calmés. Il ne tarda pas à poursuivre.

« Mais le domaine de Gardefier est évidemment peuplé de biens d'autres créatures. Etant une famille au service des Seigneurs Caneglis, les chiens sont évidemment légions mais il y a également des écuries pour accueillir des Galopas, quelques monstres plus exotiques, sans oublier ceux qui aident les serviteurs dans leurs tâches quotidiennes. »

Il avait distraitement commencé à énumérer les bêtes trouvables au Domaine, cherchant parfois ses mots d'un air contrarié et les accompagnant de gestes pour les illustrer. Il avait pourtant plus souvent le sourire lorsqu'il décrivait les compagnons favoris des de Gardefier : sans surprise des chiens. Ceci dit, il fit une pause assez tôt dans son discours, et posa un regard sur sa Promise. Oscillant entre l'hésitation et une certaine appréhension, il finit par tenter d'esquisser un sourire qui se voulait rassurant.

« Mais n'ayez crainte, vous ne serez pas jetée en pâture à toutes ses nobles bêtes. Je m'assurerai bien assez tôt que vos appartements soient sécurisés. J'ose tout de même espérer que malgré vos expériences passées, vous donniez une chance aux bêtes scémédoises. »

Il laissa un court silence flotter pendant un instant entre eux sans pour autant quitter son regard des yeux. Se mordant l'intérieur de la joue, il avait la désagréable impression d'avoir oublié quelque chose et son expression s'en ressentait.
Pourtant, l'ébauche d'un sourire maladroit vint rallumer le tableau.

« Si le cœur vous en dit, Ma Dame, je me dévouerai pour vous enseigner à chevaucher. A Scémède, les Dames de la Cour savent monter et chasser, il serait fâcheux que vous restiez en retrait. »

Après tout, n'avait-elle pas plus ou moins émis le souhait d'apprendre à chevaucher ? Ce n'était pas vraiment ce qu'elle avait dit mais le commentaire resta quelques instants en suspens entre eux.

D'un regard de fer, il l'observa alors changer de place. Elle était inquiète, la demoiselle, au moins autant que lui qui remuait frénétiquement du pied. Ceci dit, il déplaça ses longues jambes en accord avec la position de sa promise afin de lui laisser une place plus convenable en face de lui. Pluton, en revanche, accueillit la nouvelle venue au dessus de sa tête d'un grognement aussi surpris qu'agressif et ce fut un ordre sec qui le coupa net.
Le regard sévère de Rex s'était apposé sur son crâne alors que d'un geste du menton, il lui intimait de changer de place s'il n'était pas satisfait. Bougon, le chien s'exécuta tout de même et se glissa sous la banquette de son maître, entre ses jambes. La proximité eut au moins le mérite de lui offrir une caresse entre les oreilles qui le félicitait de se montrer aussi obéissant.
Ce fut une main pâle contre la sienne qui lui fit alors relever le regard du pelage d'ébène de son compagnon. La demoiselle de Sinnoh lui avait adressé un sourire léger et il avait alors gentiment pressé ces frêles doigts entre les siens, intimant une sorte d'accord. Il lui enseignerait et elle apprendrait. Un fin sourire vint alors répondre à celui de la rouquine et lorsqu'elle glissa un regard et un commentaire sur son chien, il l'accueillit non sans une légère teinte de satisfaction.

« Vous avez l'oeil, ma Dame. Pluton est encore jeune mais il est très prometteur : vous l'aurez remarqué, il est plus grand que ses congénères. » ravi de voir ainsi les éloges pleuvoir sur son poil de jais, Pluton laissa échapper pour la première fois depuis leur départ un jappement ravi qui arracha un semblant d'attendrissement à l'expression de Rex avant qu'il ne la redirige vers sa future épouse. « Si les entraînements vous intéresse, laissez moi vous dire que monter n'est pas la seule chose que je peux vous apprendre. »
Nouveau sourire engageant mais la conversation en resta là. Ils verraient, plus tard, dans le futur, si la dame venue d'ailleurs avait effectivement à cœur d'en apprendre plus. Il n'y croyait pas vraiment, il savait les femmes de Scémède plus portées sur les danses et les jupons que l'art des armes, mais au moins avait-il proposé.

Le silence s'installa alors à nouveau, et tandis qu'il tentait de réguler les oscillations nerveuses de son pied, il perdit à nouveau son regard sur le paysage qui défilait. Pensif, il n'entendit qu'à peine la voix de sa future compagne s'élever.
L'espace d'un instant, un bref instant, son regard se fit plus acéré. Que tentait-elle d'insinuer ? Rex était un homme simple et portait cette même réputation. Les gens ne lui prêtaient pas le moindre mérite lorsqu'il s'agissait des jeux de la Cour et si l'on pouvait le penser ignorant des rumeurs à son sujet, il ne l'était pas. Quelque part, il connaissait le fondement de cette union à venir, ils étaient à marier et n'étaient les premiers choix de personne. Aussi stupide était ce constat – après tout il était assurément un bon parti – il ne manqua pas d'afficher un sourire plus sincère quoique plus carnassier, le sarcasme au bout de la langue.

« Au moins aussi étonnant que de savoir que vous non plus n'avez trouvé aucun compagnon sur vos terres natales, très chère. »

Après tout, il n'était pas le seul à avoir du chercher ailleurs dans cette histoire – bien qu'il n'ait pas réellement cherché et que le mariage lui avait été annoncé après l'accord passé –.

« Mais je ne peux que vous rejoins sur ce point ma Dame, il est évident que cette union n'apportera avec elle que de bonnes choses. »

Sa voix avait repris sur un ton plus doux qui se voulait calqué sur celui de la jeune femme. Peut être fit-il même preuve d'une certaine naïveté en énonçant ses mots. Quelque part, il espérait sincèrement que tout se passe bien. Il n'avait jamais été bon dans les jeux de l'Amour, même lui le savait et ne pouvait le nier... Alors penser qu'un mariage avec une inconnue se déroulerait pour le mieux relevait assurément d'une certaine candeur.

Ce fut un air perplexe qui accueillit le regard inquisiteur du spectre qui dormait jusqu'à présent sur les genoux de sa promise. Nullement impressionné quoique légèrement agacé d'un tel culot, Rex ne fit qu'arquer un sourcil en direction de la jeune femme lorsque ses cheveux avaient commencé à onduler. L'espace d'un instant, un bref instant, il avait été surpris d'observer les boucles rousses se faire et se défaire comme par magie avant de comprendre quelle était la source. La constatation ne l'empêcha pas de tout de même laisser glisser un regard fasciné sur cette crinière de flammes qui ondoyait au gré de la volonté d'un spectre.
Cependant, lorsque la dame de Sinnoh reprit la parole, il darda sur elle un regard critique. Les lèvres pincées en une moue pensive et en proie à la réflexion, s'il avait l'air contrarié à mesure que les mots sortaient de la bouche de sa future compagne, c'était d'avantage parce qu'il cherchait à discerner un message caché que parce que l'information qu'on lui avait donné l'inquiétait réellement. Il prit tout de même note de son nom afin de ne plus l'oublier.
Il ignorait si elle était en train de se vanter de sa réputation de sorcière – maintenant qu'elle lui en parlait, il avait souvenir de quelques marmonnements suivant l'annonce de ses épousailles –, si elle cherchait à l'intimider en lui promettant nombres de malédictions ou si elle souffrait elle même d'un quelconque mauvais sort pesant sur son âme. Contrarié, il avait alors pris une inspiration pour laisser sortir une réponse mais rien ne lui était venu. Par réflexe, ses sourcils s'étaient alors froncés et son visage s'était fermé de frustration. Si la rouquine cherchait à l'intimider, il se devait de répondre et d'établir directement un rapport de force qui ne laisserait aucune place à la confusion, pourtant, ses lèvres s'étaient irrémédiablement pincées dans une moue presque bougonne. Une moue qui pourtant s'étira en un sourire narquois lorsqu'il l'entendit lui expliquer que ses intentions n'avaient nullement été de le blesser. Il avait plissé les yeux dans une expression qui se voulait interrogatrice. Se jouait-elle de lui ?
Il fit pourtant mine de se détendre non sans se départir d'un sourire insolent plaqué au visage.

« Oh, croyez-moi, ma Dame, il faudra bien plus que quelques malheureux sous-entendus ou faibles intimidations pour me blesser. » Et ce fut presque un regard complice et malicieux qui s'accrocha aux yeux abyssaux de la jeune femme. « Il fallait peut être bien une sorcière pour supporter la compagnie d'un Chien de Garde. »

Nulle auto-dérision dans ses paroles, le titre était honorifique et il le revendiquait avec une certaine fierté qui transpirait de cette mine suffisante qu'il arborait. Sans doute était-ce également les prémisces d'un indice sur les raisons de son aussi long célibat.

Et puis le silence s'étira à nouveau entre eux et, si cette fois il parvint à ravaler un soupir ennuyé, son regard trahissait pour lui ses émotions. Alors il l'avait tourné à son tour sur le paysage qui défilait et sa jambe s'était remise à tressauter frénétiquement. Il avait désormais de la compagnie avec lui mais il n'était pas certain que celle-ci serait des plus agréable ou à même de faire paraître les jours plus courts. Il eut cependant le plaisir de l'entendre complimenter l'Arcanin d'un des gardes et la surprise de constater l'entente qu'il y avait entre eux.
… Hmpf, il pinça des lèvres, contrarié. Sans doute avait-il trop mis de côté le fait qu'ils devraient désormais partager leur vie... Devait-il jouer de plus de cordialité ? Sûrement, il se mordit l'intérieur de la joue en laissant vagabonder son regard sur la route qu'ils traçaient avant de le reposer sur la rouquine puis de le faire glisser sur Pluton suite à sa question.
Il sembla l'étudier un instant, le chien avait l'air de s'être rendormi sous ses jambes. Pensif, il haussa nonchalamment les épaules.

« J'en doute. En évoluant, il pourra sans doute atteindre la même taille mais les Démolosses sont plus sveltes que les Arcanins, plus légers aussi, donc forcément moins imposants. »

Avait-il soufflé, la mine pensive. L'idée d'avoir un Démolosse aussi imposant qu'un majestueux Arcanin ne lui déplaisait pourtant pas mais il fallait être réaliste. Pluton avait alors ouvert un œil et dardé un regard critique sur la jeune femme qui avait tenté un sourire dans sa direction. Rex avait soupiré. L'entente n'était pas gagnée mais au moins le chient n'avait-il pas grondé. Etait-ce comme une petite victoire ? Un peu.
Et puis son attention fut à nouveau rappelée sur la Dame de Blancherive et son soudain regain d'entrain étouffé par une hésitation qu'il ne comprit pas. Pourtant, ce fut une mine sincèrement surprise mais ravie qui accueillit la question et un sourire plus avenant que les précédents qui vint lui répondre.

« Bien sûr ! » avait-il lâché avec sûrement un peu trop d'enthousiasme. « Il faudra évidemment d'abord vous présenter aux Galopas et vous faire accepter... Ces bêtes sont domestiquées mais peuvent brûler si elles ne se sentent pas en confiance. » Il ignorait si elle était au courant, mais dans le doute, il le lui avait expliqué, si elle n'avait pas côtoyé de monstre, c'était légitime. « Si le cœur vous en dit, nous pourrons commencer dès notre prochaine pause ! »

Soudainement plus guilleret – sûrement parce qu'il abordait un terrain déjà plus connu – il ne s'était pas départi d'un sourire presque enfantin à l'idée que, si Vanya voulait monter un Galopa, il aurait une excuse pour le faire aussi.

« C'est vrai ? »

L'exclamation soudaine avait à la fois arraché une expression de surprise et un sourire presque attendris à Rex. Y voyait-il là un engouement partagé ? Assurément. Et l'idée que sa promise ne soit pas uniquement cette bonne femme craignant les monstres et le moindre danger l'avait un instant rassuré. Cela ne serait peut être pas si mal après tout.
Ce fut donc un regard oscillant entre l'amusement et l'attendrissement qui se posa sur sur les yeux brillants d'excitation de la rouquine. La tension qui avait pu s'installer quelques minutes auparavant sembla se dissiper au profit d'une ambiance plus légère et bon enfant. Il ne releva que vaguement la déclaration de la jeune femme, soufflant contre toute attente de manière bienveillante que tout irait bien. Il l'avait dit, les Galopas étaient domestiqués et entraînés dans le but de supporter n'importe quel cavalier. Il aurait fallut qu'elle soit bien malheureuse pour réveiller la furie de l'un d'eux. Pour autant, la mise en garde restait utile et garderait la Dame de Blancherive en alerte.
C'était donc décidé, et si Rex eut un instant à l'esprit quelques étapes à respecter pour présenter sa future compagne aux montures, il fut rapidement distrait par le sourire non réprimé de celle-ci, un sourire suffisamment contagieux pour en coller sur son propre visage. Et puis elle s'avança, posant les mains sur sa jambe qui cessa instantanément tout mouvement. Malgré une certaine surprise, ce fut un air serein qui accueillit le rapprochement et si son nez se retroussa, ce fut d'avantage parce que des boucles rousses étaient venu chatouiller son visage que parce qu'il était incommodé.

« Certes... »

Avait-il répondu à la déclaration de sa promise. Si l'impatience dont elle faisait preuve avait eu le don de l'attendrir et de lui mettre du baume au cœur, il n'apprécia que moyennement l'idée de déranger l'itinéraire du voyage. Une pause les ferait traîner plus longtemps sur les routes. Pourtant, s'il avait déjà fait preuve d'un manque de gêne flagrant et avait été sur le point de répondre plus sèchement qu'il n'aurait du, la Dame lui coupa l'herbe sous le pied.
Ses yeux, ceux là même qui avaient fait l'objet d'un compliment aussi soudain qu'aléatoire, s'étaient écarquillés sous la déclaration. S'il avait été plus jeune, peut être plus timide, sûrement aurait-il accusé des rougeurs d'embarras. Pour autant, si son visage resta pâle, son expression témoigna pour lui d'une sincère surprise. Etait-ce normal ? Etait-ce un comportement que lui même devrait adopter ? Il n'avait jamais réellement fait la cours à qui que ce soit, jamais bien sérieusement en tout cas. Etait-ce une manière de briser la glace, ou un manège pré-nuptiale ? Passé l'étonnement, ses sourcils avaient finit par se froncer, prémices d'une moue plus pensive qu'elle n'aurait du.
Il peinait visiblement à comprendre le comportement de la jeune femme, elle oscillait entre le défi, l'insolence et la retenue, voilà désormais qu'elle tentait de l'appâter. Il avait alors gardé un long moment le silence, les yeux posés sur l'horizon afin d'y trouver une quelconque réponse. Troublé ou perturbé ? Pas plus que ça, son orgueil était suffisamment gonflé pour qu'un simple compliment ne lui fasse plus d'effet que prévu. En revanche, il n'ignorait pas que de cette rencontre dépendrait le futur de leur vie commune. Ainsi, ce fut avec plus de soin qu'il n'en accordait pour ses pairs qu'il chercha sur quel pied danser.

« Ma Dame, Arceus m'en est témoin, je brûle d'accéder à votre requête.. Hélas, perturber dès maintenant notre itinéraire risquerait de nous retarder et je m'en voudrais d'avoir à vous faire dormir hors d'un lit alors qu'il s'agira là de votre première nuit en Hastérion. »

Il avait fait l'effort d'articuler chacun de ses mots afin de n'en avaler aucun et de ponctuer sa phrase d'un sourire qui se voulait désolé. Il aurait assurément désiré lui même de mettre pied à terre et, pour être tout à fait honnête, dormir à la belle étoile ne lui déplaisait pas. Cependant, il se doutait qu'une femme de bonne famille – même une rejetée au plus loin de sa patrie – n'apprécierait pas le traitement.
Ainsi donc, soucieux de lui fournir un minimum de confort – même s'il ne s'agissait là que de celui de simples auberges de passage –, il avait remis cet entraînement à plus tard non sans lui promettre un succès assuré.
Le charme rompu, sa jambe s'était alors remis à tressauter nerveusement alors qu'il se racla à plusieurs reprises la gorge, une moue relativement contrariée sur le visage. Plusieurs fois ses yeux glissèrent de la fenêtre au visage de sa promise. Il cherchait visiblement à dire quelque chose sans trouver quoi et le pincement caractéristique de ses lèvres témoignait de lui même d'une frustration naissante. Ce manège dura quelques instants avant que son regard de fer ne s'accroche aux boucles rousses.


« Vos cheveux... » débuta-t-il sur un ton qui se voulait plus confident. « Ils sont... » à nouveau il se coupa, cherchant soigneusement ce qu'il pouvait bien en dire, quitte à pincer une nouvelle fois ses lèvres. « Resplendissants. »

Il avait achevé son compliment en le ponctuant d'un sourire bien maladroit. Il ne s'agissait assurément là que d'un retour de politesse. Elle avait complimenté son regard, il complimentait sa crinière, c'était un échange de bons procédés, assurément. Pourtant, la démarche était motivée par une sincère envie que les choses se passent un minimum correctement et il fallait bien avouer que si le regard profond de la Dame de Blancherive avait de quoi impressionner, c'était ses cheveux, véritable cascade de feu, qui avaient le plus retenu son attention.

« Avec une telle chevelure, il ne fait aucun doute que les Galopas vous accepteront rapidement. »

Nouveau sourire, plus assuré cette fois, plus amusé également.

La réaction de la Dame de Sinnoh le laissa perplexe quelques instants. Son changement d'attitude drastique entre son arrivée et ce moment là perturbait le comportement qu'il avait prévu d'adopter. Si sa promise avait joué d'insolence et défi dès qu'elle avait posé pied en Hastérion, elle se couvrait désormais le visage de ses boucles rousses pour couvrir trop tard des rougeurs qu'il avait déjà remarqué. Pour autant, ce ne fut pas un agacement notoire qui teinta ses traits, mais un sourire sincèrement amusé. Et si Vanya dissimulait sa gêne derrière sa crinière de flammes, Rex étouffa un rire dans l'une de ses mains. Etait-il de bon ton de rire à gorge déployé des réactions d'une personne que l'on venait à peine de rencontrer ? Il l'ignorait mais puisqu'ils étaient amenés à se côtoyer pour longtemps, autant jouer de réserve dans un premier temps.
La tâche ne fut pas aisée en revanche. Rex était doté d'un rire bruyant qui parfois résonnait même entre ses narines lorsque la situation l'amusait de trop. C'était pourtant l'une des rares choses qu'on lui avait appris à réprimer. Une Dame de la Cour ne pouvait rire de la sorte, mais un noble ne pouvait se permettre de réagir comme le dernier des gueux non plus. Alors il ravala bien vite son amusement et seul un visage trop expressif et des yeux rieurs témoignaient encore de ce vestige de complicité. Pour un peu, il se serait permis un commentaire – probablement trop familier étant donné les circonstances – mais un jappement le retint dans son initiative.
Dehors, le garde qu'il avait plus tôt assigné à Vanya les avait rejoint une fois de plus, portant cette fois-ci dans ses bras un paquet qui intéressa soudainement plus Rex que ses excuses de politesse. L'homme d'armes tendit alors une bête inconnue que la Dame de Blancherive s'empressa de récupérer – à la grande surprise de Rex, n'avait-elle pas prétendu craindre les monstres ? – et de ré-hydrater. Rex l'étudia alors longuement, se penchant même en peu plus en avant, décroisant ses jambes et délaissant la fenêtre sur laquelle il s'était accoudé plus tôt.
Selon les dires de sa promise, la bête les avait suivi d'Aros. Par simple esprit scientifique, l'héritier de Gardefier se redressa un bref instant pour observer la cité s'éloigner. Elle était déjà si loin et une moue de réelle surprise écarquilla ses yeux lorsqu'ils se reposèrent sur la bête. Cela ressemblait à un Otaria, tout de même doté de teintes plus céruléennes. La nageoire qui lui servait de queue ne laissait planer aucun doute quant à son type... Le voyage avait assurément été éreintant. Vanya parlait de folie, elle n'avait pas totalement tort.
Pour autant, le monstre – s'il semblait épuisé – apparaissait plutôt fier de lui et ravi de pouvoir jouer dans les cheveux roux de la jeune femme. Et si le malaise de cette dernière était palpable, ce fut une expression profondément amusée et attendrie qui s'était collée sur le visage de Rex. La crainte de sa promise ne l'affecta en aucune façon, l'otarie était inoffensive et réclamait plus de caresses que de combat. Les notes que la bête huma, en revanche, finirent par attirer l'attention de Pluton. Ses oreilles se dressèrent et il se releva, poussant légèrement les jambes de son maître sous lesquelles il s'était couché pour se rapprocher du nouveau venu. Plus curieux que belliqueux, ce fut presque timidement qu'il renifla le bout de la queue du monstre avant de répondre maladroitement au chant qu'on lui accordait d'un jappement aiguë.
Quant à Rex, il prit un certain temps de répondre aux questions, la main sur le menton pour couronner une mine pensive.

« Pour être honnête, ma Dame, cette créature n'est probablement pas originaire d'Hastérion, peut être a-t-elle été abandonnée, peut être les courants l'ont-ils fait dériver... » la phrase resta un instant en suspens alors qu'il étudiait la bête. Puis son regard glissa vers le visage de sa promise. « Elle semble vous apprécier, il serait opportun que vous vous familiarisiez avec les monstres en commençant par celui-ci peut être ? » Il arqua un sourcil pour appuyer sa proposition.

Cependant, il n'attendit pas longtemps avant d'attraper la créature étrangère. Si Rex avait des manies de rustre pour un noble, le bougre savait y faire avec les bêtes. La poigne était suffisamment ferme pour ne pas échapper le corps par inadvertance, mais pas assez pour la faire couiner sous la pression. Il eut tout de même la surprise de constater que l'otarie se laissait faire avec une remarquable docilité pour être totalement sauvage, sa théorie de l'abandon lui semblait d'autant plus crédible.
Ainsi put-il l'étudier plus longtemps avant de voir la truffe rose du pokemon rentrer en collision avec son propre nez. Alors jamais sa réputation de chien de garde sanguinaire ne se retrouva jetée aussi loin. Un léger pouffement lui échappa avant qu'il n'abaisse la créature marine à la hauteur de Pluton.
Le chien dut tout de même se redresser et poser ses pattes avant sur la cuisse de son maître pour renifler ce qu'on lui tendait. S'ils étaient amené à se côtoyer de la même manière que leurs propriétaires respectifs, autant que le Malosse intègre cette nouvelle odeur au plus vite. Il fut pourtant perturbé durant son inspection lorsqu'à nouveau, la truffe rose entra en collision avec la sienne.
Un petit jappement de surprise lui échappa alors qu'il recula en léchant le lieu de l'impact. Il n'en fallut pas plus pour qu'il réponde à son tour à coups de langues.
Ce fut donc satisfait que Rex reposa soigneusement l'otarie sur les genoux de sa promise – et ce, sans la consulter, il lui était évident que c'était là qu'il devait la poser – avant de reprendre sa position initiale. Et si Pluton aurait probablement voulu faire plus ample connaissance, ce fut un regard méfiant qu'il apposa sur l'humaine. Il ne voulait pas l'approcher... Pas encore.

« J'ignore quel est le nom de son espèce mais, si le cœur vous en dit, nous pourrons toujours cherché une fois rentrés. »

Le ton était plus détaché, plus calme. L'ambiance était elle en train de se réchauffer ?

A sa plus grande surprise, Rex put observer Vanya déposant avec soin la créature marine au sol pour la laisser à porter de Pluton. Il était confiant envers son propre monstre et le savait inoffensif dans ce genre de cas mais il aurait pensé que la Dame de Blancherive nourrirait plus de réticences à laisser sa bête à porté des crocs du Malosse. Il n'objecta cependant pas, se contentant de rappeler son chien à l'ordre. « Tst, tout doux Pluton » lui avait-il intimé. Il le savait brusque et joueur et les quelques blessures de la créature étrangère ne lui avait pas échappé. Rien de grave, assurément, mais tout de même : autant ne pas tenter le diable et les lui aggravant.
Plus docile mais toujours pataud, Pluton se laissa alors tomber maladroitement sur la bête pour lui donner de faux coups de pattes. Mêlant jappements et coups de langues, il invitait ce potentiel partenaire à jouer avec lui et ce, sous le regard décidément bien attendri de l'héritier de Gardefier.
Et puis son attention fut appelée autre part lorsque sa promise fit preuve d'un entrain qu'il n'attendait pas et qui lui arracha sûrement une moue relativement surprise. Sans doute la remarqua-t-elle car après une courte pose, elle sembla se raidir et adopter une position plus tranquille et un air plus neutre. La réplique qui suivit ce changement lui arracha alors un sourire plus pincé et moins sincère que les précédents alors qu'il l'observait.
Elle avait semblé soudainement plus distante alors qu'elle émit l'hypothèse – oh, lui même était déjà certain qu'elle le garderait – de conserver le monstre et que leurs regards s'ancrèrent l'un à l'autre. Et si Dame Vanya Blancherive avait pincé les lèvres en proie à un questionnement soudain, Rex avait froncé les sourcils comme si cette simple gestuelle l'aiderait à la comprendre soudainement plus facilement. Finalement, ce n'était pas tant un mystère que ça qu'il n'ait jamais cherché prétendantes... Pour autant, il ne baissa pas les yeux mais le duel de regard n'en était pas un et n'avait pas les mêmes implications que celui qu'ils avaient échangé plus tôt dans la journée. Et lorsque enfin elle laissa échapper ce qui lui trottait dans la tête, il arqua un sourcil.
Une série de noms franchit alors la barrière de ses lèvres sous le regard critique de l'héritier de Gardefier. Non pas qu'il jugeait mais... Si, il jugeait atrocement et heureusement que Vanya regardait ailleurs car sans doute aurait-elle perçu cette lueur moqueuse qu'il avait au fond des yeux. Ce n'était pas que chercher un nom pour sa bête l'amusait mais l'évidente confusion dont faisait preuve la rouquine. Incapable de se décider, elle semblait laisser fuser ce qui lui venait à l'esprit.
Pour autant, ce fut avec une certaine indulgence que Rex la laissa faire en posant ses yeux à son tour sur les deux bêtes qui s'adonnaient à des jeux bien moins compliqués. Bon joueur, Pluton s'était laissé aller sur le dos pour donner l'ascendant à son nouveau partenaire et si son maître sembla plus ou moins contrarié qu'il se laisse faire de la sorte, il ne pipa mots. Ce n'était pas un vrai combat, il n'avait pas à intervenir et à le rendre agressif pour rien, au lieu de cela, il laissa son attention se faire entraîner par les boucles de Vanya qui s'étaient remises à flotter. Si la première fois elles s'étaient dénouées en de véritables cascades de feu, sauvages et indomptées, désormais, elle reprenait forme dans une coiffure plus structurée et plus présentable. Rex ne put s'empêcher de penser que bons nombres de Dames de la cour tueraient pour un monstre capable de telles prouesses capillaires et ce même s'il s'agissait d'un spectre qui les terrifiaient au plus haut point. La réalisation l'amusa alors qu'il se concentra ensuite sur ce que tenait sa promise entre les mains.
Un mortier qui réduisait une baie en purée... Bien moins impressionnant que des cheveux qui se dressaient d'eux même, il fit une moue – Arceus, il avait beau garder le silence, il était trop expressif – et laissa vagabonder son regard un instant sur la courbe de l'horizon.

Lorsqu'il n'entendit plus les propositions de Vanya quant au patronyme du monstre, il tourna vers elle des yeux curieux, curieux de voir si elle s'était décidée. Apparemment non. Légèrement ennuyé, il ne put s'empêcher de rouler les yeux au ciel comme si elle se compliquait la vie pour rien, le tout suivit d'un haussement d'épaules. Grand seigneur, il finit alors par donner une opinion que personne ne lui avait réclamé.

« Si vous me demandez mon avis, je l'appellerai Neptune. » qu'il lâcha avec nonchalance. « Les païens avaient ainsi nommé leur esprit des eaux, cela me semble approprié. » expliqua t-il brièvement avant de se baisser vers les deux monstres qui jouaient au sol. Pluton mordait pour de faux les oreilles de la bête marine. « Autant demander directement à l'intéressé.. » souffla-il en posant un regard décidément bien curieux vers la créature. Cependant, il finit par se tourner vers Vanya, attendant que ce soit elle qui s'en occupe, après tout, ne s'agissait-il pas là de son monstre ?

Pataud, Pluton donnait quelques coups de pattes sans grand conviction à la bête marine. Il ne cherchait pas à lui faire du mal mais son poids et sa taille lui donnait un avantage certain. Ca et le fait que lui, au moins, était une créature terrestre. Il oscillait donc entre petits jappements, faux coups de dents et roulades sur le dos – dans un espace bien trop restreint pour ce genre de jeux – pour amuser ce nouveau partenaire. Et ce fut parce qu'il était probablement trop concentré sur l'otarie que Pluton non plus n'entendit pas le premier appel... Ni le deuxième d'ailleurs, trop occupé à mâchouiller pour de faux l'une des nageoire qui s'était échouée contre lui. Et ce fut probablement pour cette raison que lorsque 'Neptune' se retourna pour patauger maladroitement vers les fines mains de la dame de Blancherive, il sursauta en se rendant compte de la proximité.
Poil hérissé et crocs dévoilés, il n'eut pas le temps de gronder que la voix de Rex l'avait rappelé à l'ordre. Alors, ce fut bien penaud et la courte queue entre les pattes qu'il se recoucha piteusement sous les jambes de son maître. Une légère plainte lui avait échappé mais la sévérité de Rex lui avait fait baisser le museau. « Ca suffit ! » lui avait-il sifflé le regard dur et le Malosse s'était calmé. L'héritier de Gardefier le surveilla un instant afin qu'il ne tente pas de se venger stupidement sur l'une de ses chausses mais le chiot s'était docilement roulé en boule, espérant qu'une pause arriverait bientôt afin qu'il puisse se dégourdir les pattes.
Rassuré, Rex avait reposé un regard gris sur sa promise, constatant qu'elle tentait – avec plus de maladresse qu'il ne l'aurait cru – d'esquiver les coups de langues affectueux de la créature. Il n'y avait rien à craindre de ce côté et un fin sourire, témoin d'un amusement certain, était né sur ses lèvres. Amusé ? Certes, mais pas autant que lorsqu'il entendit un jappement échapper du museau de l'otarie. Toute son expression s'était alors comprimée en une moue qui menaçait d'éclater dans un rire franc et probablement bien bruyant qu'il peina à ravaler. La tâche fut rendue d'autant plus difficile que la réaction de sa fiancée était ridicule.
Et pourtant, si un commentaire sur les parfums trop forts pour le délicat odorat de ce genre de bêtes aurait pu fuser, il garda un silence bizarrement poli : l'odeur ne l'incommodait pas, à lui.
Il avait alors acquiescé à la déclaration de la jeune femme quant au patronyme de la bête, assez satisfait de lui et de son idée, et alors qu'il s'était penché en avant quelques instants plus tôt pour observer les monstres et rabrouer Pluton, il s'était reculé sur son siège. Ainsi se réinstalla-t-il plus confortablement, coude à la fenêtre et pied tressautant à nouveau en rythme avec les cahots de la route. Son regard, s'il s'était un moment attardé sur le paysage – qui n'avait pas changé, c'était ennuyant – s'était posé machinalement sur les gestes de la dame de Blancherive.

« En voilà un talent bien utile... » qu'il finit par souffler d'un air absent. Le commentaire restait sincère. S'il aimait se battre et n'avait cure des blessures qu'il pouvait se faire au passage, ses compétences médicinales laissaient grandement à désirer. Le fou était capable de se jeter une poignée de sel sur une plaie béante dans l'idée de la désinfecter ! Après tout, si ça pique, c'est que ça soigne... Non ?

Le reste du voyage se passa sous l'égide d'une cordiale entente. Il y eut probablement de malheureux commentaires mais sommes toute, rien de bien grave et le tout était agrémenté de quelques leçons sur les Galopas et les montures en général.