Aube d'un voyage [Rp solo]

Cela ne faisait que quelques jours qu'il avait quitté Scémède en compagnie de quelques uns de ses suivants. L'idée d'atteindre Aros dans l'optique de rencontrer sa promise lui semblait bizarrement encore lointaine et ce fut d'abord l'agacement de devoir se déplacer dans les terres glaciales du nord qui le poussa à s'éloigner du lieu de la pause qu'ils avaient pris.
Les bêtes devaient se reposer, lui devait se dégourdir les jambes. Pluton sur ses talons, il avait décidé de profiter des dernières parcelles de Scémède qu'il verrait pour quelques jours. Etait-ce exagéré ? Sûrement un peu mais il serait certainement moins enclin à parcourir des terres inconnues et froides. Enfin, on ne savait jamais mais s'il était généralement d'humeur agréable, il avait passé plus de la moitié du trajet déjà accompli à bougonner. Les serviteurs qui pouvaient l'accompagner afin de lui assurer un minimum de confort étaient déjà habitués à ses humeurs parfois capricieuses et seulement un salut poli va couronner son départ. Il ne répondit pas.
S'éloigner avec son Malosse lui avait alors fait le plus grand bien et il ne lui avait pas fallut longtemps pour qu'un sourire vienne éclore sur son visage. Le chien était, il fallait dire, un excellent compagnon pour Rex. Energique, au moins aussi brusque que lui... Le voir gambader dans les hautes herbes à quelques mètres devant lui avait suffit à le dérider.
Pourtant, malgré une apparente oisiveté, l'héritier de Gardefier gardait l'oeil ouvert et l'oreille tendue. Il n'était pas stupide au point de considérer les terres scémédoises comme totalement sienne ou sans danger. Aussi, quand il entendit broussailler non loin de là sans que cela ne soit du à l'agitation de Pluton, il le rappela brusquement. Le Malosse mit un temps avant de revenir et il fallut le siffler une deuxième fois pour attirer totalement son attention. Cela suffit pourtant à lui faire redresser la tête et une patte. Truffe et oreilles tendues au vent, il avait une posture de chasse ce qui conforta Rex dans son ressenti : ils n'étaient pas seul.
Tendu, il posa une main sur le manche de l'épée qui battait à son flanc et laissa un regard aiguisé balayer l'endroit. Il espérait tomber sur un quelconque divertissement qui leur donnerait de quoi se dépenser un peu. Il ne fut qu'à moitié déçu en apercevant une queue recourbée au pelage violet. Ce n'était pas grand chose mais c'était déjà ça... Et ces bêtes étaient des nuisibles, autant s'en débarrasser.

-En chasse !

Les mots sonnèrent comme un signal et Pluton s'élança. Plus gros qu'un Malosse commun, il semblait aussi plus pataud. Son départ fut un peu lent mais une fois élancé, il rattrapa rapidement le rongeur que son maître avait aperçu. Sa course n'avait – heureusement – pas eu pour but d'être discrète : il avait soulevé avec lui mottes de terre et broussailles sans grand soucis mais lorsqu'il s'apprêta à refermer sa gueule sur le Rattata, il ne mordit que du vent.
Apeuré, surpris, le petit monstre avait réussi à filer et à esquiver le premier assaut et pris dans son élan, le chien culbuta en freinant. Un claquement de langue agacé se fit entendre au loin. Observant la scène avec intérêt, Rex ne jugea pas bon de s'interposer tout de suite, Pluton devait être capable de s'en sortir face à un simple rongeur. Aussi n'esquissa-t-il qu'une grimace lorsque le monstre ennemi fonça tête baissé vers le Malosse. Il n'avait pas froid aux yeux... Qu'un tel nuisible ait le culot de tenir tête à une bête aussi dangereuse qu'un chien infernal arracha un sourire amusé à Rex. Cependant, il se reprit et, fronçant les sourcils, il siffla pour attirer l'attention de sa bête domestiquée et lui donner des directives. Il ne s'interposerait pas, ça ne l'empêchait pas de le guider pour ses premiers combats contre des bêtes sauvages.
Obéissant, et après s'être convenablement remis de la Charge, Pluton gronda alors menaçant et gonfla son poil de jais pour paraître encore plus gros qu'il ne l'était. Le son caverneux qu'il émit roula le long de sa gorge pour résonner dans les plaines jaunies par le soleil de Scémède et les oreilles du Rattata se plaquèrent sur son crâne. Intimidé ? Sûrement un peu mais les mouvements du monstre canin ne trompait pas. Encore inexpérimenté et maladroit, Pluton impressionnait par sa taille et non son talent. Une bête sauvage forcée à survivre dans les plaines de la région de l'Est était forcément à même de s'en rendre compte. Alors le rongeur décida de profiter de cet état de fait et, esquissant son meilleur regard attendrissant, il remua doucement sa queue comme le ferait un chiot.
Surpris, désarçonné et dans un certain état de désarroi, le Malosse perdit sa position d'attaque et dégonfla presque instantanément son pelage. Curieux, il inclina la tête et ne tarda pas alors à coucher l'avant de son corps et à remuer sa propre queue. Joueur, le combat lui était presque sortit de la tête et le rongeur songea certainement un instant qu'il s'en sortirait sans trop de casse... Mais un sifflement résonna et par réflexe, le chien se raidit.
Rex observait toujours la scène, lèvres retroussées dans une étrange grimace alors qu'il se demandait si son monstre était réellement sérieux à vouloir jouer avec une créature sauvage... Dangereuse qui plus est. Les Rattatas n'étaient pas bien gros parmi les bêtes qui peuplaient et pullulaient en Hastérion, mais leurs crocs pouvaient se montrer redoutables voir même mortels. Il n'avait pas forcément l'envie de voir sa bête de compagnie se faire égorger à cause d'une erreur de jugement. Par réflexe, lui même avait posé la main sur la garde de son arme, prêt à la dégainer... Il n'en eut pas besoin.
Reprenant son sérieux et se refocalisant sur sa tâche, le molosse au pelage de jais gronda à nouveau et ouvrit la gueule. Son corps avait chauffé presque instantanément et ses babines avaient rougi à la même vitesse. Rapidement, entre ses crocs de jeune chien, de petites flammes commencèrent à s'animer mais, inexpérimenté comme il l'était, son ennemi ne tarda pas longtemps à comprendre où tout cela allait le mener. Sur ses gardes, le rongeur esquissa quelques pas de côtés, la respiration soudainement plus erratique. Et lorsque Pluton relâcha alors soudainement quelques Flammèches dans sa direction, il fila, écrasant dans sa course brins d'herbes et jeunes pousses. L'attaque de Pluton, quant à elle, bien que dangereuse dans un tel habitat, souffrit – et heureusement – de son manque d'expérience et ne fit que roussir quelques plantes et le bout de que la queue du rongeur.
Rex claqua de la langue sèchement, laissant son regard d'acier suivre la course de la petite bête pour indiquer à son propre monstre où tourner son attention. Cependant, il eut beau lui crier l'information, le Malosse fut trop lent pour esquiver ou bloquer l'assaut qui suivit. Une violente Vive-attaque le bouscula alors et la surprise lui arracha un couinement plaintif. Peu habitué au combat, il se laissa rouler au sol espérant sûrement quelque part que non seulement son ennemi s'éloigne mais que son maître renonce à le faire poursuivre l'affrontement.
Le choc n'avait sincèrement pas été des plus brutaux mais Pluton était encore jeune, et plus joueur que bagarreur. Rex pinça un instant des lèvres, hésitant réellement à poursuivre lorsqu'il posa les yeux sur son chien qui tentait de l'amadouer d'une moue abattue. Mais quand il aperçut le pelage violet à côté et qu'il comprit que désormais le Rattata se sentait suffisamment en confiance pour ne plus chercher à s'enfuir, il se crispa. Quel toupet ! Un doigt nerveux tapota alors le manche de son arme au même tempo que son pied battait le sol.

-Debout !

L'ordre résonna sèchement dans les plaines et Pluton se redressa presque instantanément, presque craintivement. Les oreilles baissées, il lança un regard vers son maître qui le toisait et qui... Lui souriait ? Légèrement confus mais pourtant rassuré, la bête se remis à l'oeuvre avec plus de confiance cette fois. Si le rongeur sautilla alors de droite à gauche pour déconcentrer le molosse, celui-ci ne lança pas son attaque directement. Au loin, Rex lui cria quelques ordres secs mais clairs qui lui permirent de mieux se concentrer. Ses yeux suivirent alors un court instant les déplacements de son adversaire pour mieux cerner ses mouyements. Il se tendit alors et - au lieu de réitérer sa précédente attaque de la même manière -, il se mit en branle la gueule en feu. Il avait serré les mâchoires pour retenir son attaque le plus longtemps possible mais elle était prête à être décochée. Et si le rongeur était de loin plus rapide que le Malosse pataud qu'il était, il fut suffisamment surpris pour déraper et manquer son esquive. Les petites boules de feu provoquées par Flammèche l'atteignirent alors et carbonisèrent son pelage.

Fallait-il que les monstres soient aussi résistants pour que la bête s'en sorte avec une aussi petite brûlure là où un humain mettrait des jours à s'en remettre ? La question ne fit qu'effleurer l'esprit de Rex alors qu'il observait la scène, un sourire satisfait collé aux lèvres. Blessé, le Rattata avait couiné et lancé un regard paniqué vers l'avant. Sûrement aurait-il pu continuer le combat, provoquer de très décents dégâts mais... Il n'était pas là pour ça. N'avait-il pas rien demandé à personne ? Assurément. Ainsi, au lieu d'adopter une posture menaçante et bravache comme la précédente, il détala soudainement et sans demander son reste. Mieux valait fuir et s'en tirer entier que rester et se battre pour l'honneur...

Résumé:

Bravo !

Rex accueillit la victoire de son chien avec plus d'enthousiasme que son air austère l'aurait laissé deviner. Genoux à terre, il ouvrit les bras pour appeler le Malosse qui, pataud et encore un peu sonné, ne tarda pourtant pas à le rejoindre dans un jappement heureux. Alors, profitant d'être seuls, Rex se permit des familiarités qu'il n'osait que peu en public. « Mais c'est qui le bon chien ? Mais c'est qui le bon chienchien ? C'est toiiii ! ». Jouant de flatteries et de caresses, il ne tarda pas à gratter le ventre tendu de son partenaire pour le féliciter de son combat. « Ca c'est un bon Pitou, ça ! ». Gaga ? A peine. L'héritier de Gardefier était un homme à chiens, ce n'était un secret pour personne. Pour autant, voir ce grand gaillard au regard de fer papouiller un monstre aussi gros que Pluton avait de quoi faire arquer les sourcils. Et le faire perdre en crédibilité.
Les effusions durèrent encore quelques minutes, accueillant des mains joueuses et un Malosse tournant sur lui même pour les attraper, avant de s'estomper pour de bon. Une dernière flatterie sur le haut du crâne et Rex se releva, époussetant négligemment les brins d'herbe collant à ses genoux. « Bon chien. » conclut-il en lui faisant signe de le suivre. Il était temps de rentrer et même si se renfermer à nouveau pour de longues heures ne l'enchantait pas, il savait que traîner plus longtemps dans les plaines ne ferait que rallonger son voyage.

Pourtant, le Destin sembla être de son côté pour rallonger sa récréation. Une fois le convoi en rue, il entendit quelques plaintes, des serviteurs affolés pointant une ombre jaune qui remuait les hautes herbes. Un Pikachu fut rapidement encerclé par les chiens des gardes mais Rex les interpella soudainement.

« Laissez. Pluton a besoin d'entraînement. »

Le ton inflexible, il n'avait pas attendu pour avancer et faire signe à son compagnon de faire de même. Obéissants, les gardes avaient reculé, leur laissant le champ libre pour se battre.

-
Il ne fallut pas longtemps à l'affrontement pour débuter. La bête acculée n'a rien à perdre et le rongeur jaune s'était jeté à l'assaut avec l'énergie du désespoir. Il était vif et rapide, plus que le Rattata et la Vive-Attaque qui percuta Pluton le surprit. Le canidé était plus lent que ses pairs, plus costaud, certes, mais plus pataud aussi. Pour autant, il ravala un couinement qu'il convertit en grognement de douleur. Être ainsi observé, non seulement par son maître mais également par d'autres gardes et d'autres chiens lui mettait une pression folle. Il ne voulait ni décevoir Rex ni tâcher sa réputation. Alors il serra les dents et aboya contre le nuisible à longues oreilles.
Ce désir de bien faire se changea alors subitement en une flamme en lui, un brasier éclatant, une force qu'il canalisa entre ses crocs alors que son aboiement persistait encore dans l'air. Là, au bout de sa langue, une petite Flammèche naissait et grandissait. Pourtant, peut être voulu-t-il trop bien faire. Le temps qu'il passa à concentrer son attaque pour la rendre la plus puissante possible fut suffisant au rongeur électrique pour se rendre compte de ce qu'il se passait. Et si Pluton cracha sur lui son attaque enflammée et parvint même à se mettre en branle pour la rendre plus imprévisible... Son opposant n'eut aucun mal à pirouetter entre ses attaques.
Seule l'herbe autour avait souffert de la capacité et seule la végétation carbonisée était témoin des effets qu'elle aurait pu avoir si elle avait touché sa cible. Les oreilles du Malosse s'abattirent alors sur son crâne et s'il était furieux d'avoir loupé son attaque, il tourna un regard désolé vers son maître pour observer sa réaction. Pourtant, s'il aurait pu s'attendre à un froncement caractéristique de sourcils, ou une moue agacée, il ne se heurta qu'à un regard de surprise de la part de Rex.

« Mais... Retourne toi ! »

Le ton était pressant, teinté d'une urgence mêlée à une certaine inquiétude. L'héritier de Gardefier n'était pas au bord de la panique mais il se demandait ce qui avait bien pu pousser son chien à se détourner du combat... Il avait parlé d'entraînement, certes, mais cela n'avait rien à voir avec ceux réalisés au Domaine, où il était encadré et surveillé. Il se battait contre un monstre sauvage qui risquait sa vie et qui n'hésiterait pas à tenter un coup fatal si cela signifiait qu'il vivrait un jour de plus...
Alors ce qui devait arriver arriva.
Profitant de la distraction du Malosse, le Pikachu avant concentré sa propre énergie au bout de sa queue. Le courant qui parcourait son corps avait fait relever ses poils et il semblait avoir doublé de volume. En un rien de temps, une petite boule jaune s'était formée au bout de son pelage jaune alors que de petits éclairs semblaient tressauter sur ses petites joues rouges... Dire qu'un monstre de ce genre pouvait sembler aussi mignon... Et être aussi dangereux...
Ainsi, si Pluton se retourna dans un sursaut à l'injonction de son maître, ce fut trop tard pour espérer éviter la Boule-Elek qui vola vers lui. La projection avait été lourde, le choc encore plus et malgré la fierté qui pouvait étreindre le jeune canidé, cette fois-ci, le couinement traversa la barrière de ses crocs. Il fut repoussé en arrière et atterrit sur le flanc. Une courte plainte lui échappa et cet instant sembla signer la fin du combat. Pourtant, si des gardes firent mine de s'avancer, armes au poing pour venger l'affront fait à la bête de leur Seigneur, Rex leva une main pour les en dissuader.
Son regard de fer glissa du rongeur jaune – maintenant qu'il y pensait, ce pelage était parfait pour se dissimuler dans un paysage aussi sec que celui des plaines de Scémède – à son partenaire au sol. Il savait le Malosse jeune et inexpérimenté. La rudesse des combats lui était encore étrangère et si – il devait bien l'admettre – au fond de lui ses tripes se tordaient à la vue de son monstre dans cet état et lui hurlaient d'occire le nuisible, il savait qu'il ne pouvait couver et protéger Pluton outre mesure. Le Malosse était destiné au combat, à l'accompagner dans sa mission de Chien de Garde de leur illustre Souverain, pas à être la bête de compagnie d'une vieille femme, jouant plus de mignonneries que de crocs et de sauvagerie.
Ainsi, s'il aurait voulu le récupérer dans ses bras, le féliciter d'avoir tout de même fait de son mieux, sa langue claque sèchement entre ses dents : ceci n'était pas le mieux que Pluton pouvait faire. Et la seule intervention qu'il tolérerait de ses hommes était celle qui viserait à couper court à la fuite du Pikachu. Ce combat n'était pas fini.

« Debout ! »

Rude, austère, inflexible, le regard qui se posa sur l'échine du Malosse lui fit baisser les oreilles mais relever la truffe. Péniblement, le chien se remit sur pattes et s'ébroua, envoyant voler dans son geste quelques brins d'herbes qui s'étaient accroché à son pelage de jais. Effectivement, s'il cherchait dans ses retranchements, il n'avait pas tout donné. Et parce qu'il savait que Rex ne le laisserait pas renoncer au combat, il décidé non plus de se focaliser sur son envie de simplement gambader et jouer, mais sur cette colère qui serait pour lui un carburant bien plus utile. Certes le Pikachu n'avait rien demandé, mais lui non plus et, à défaut de retourner ses crocs contre ce maître qui l'obligeait à combattre – oh, il aimait bien trop Rex pour ne serait-ce qu'y songer – il grogna contre cet opposant qui avait semblé le moquer.
Nulle doute que le Pikachu était en réalité terrifié, que son petit cœur battait trop vite dans sa poitrine et qu'il savait que même s'il remportait ce duel, son destin était probablement scellé... Mais personne ne s'en souciait. Sans aucun échappatoire pour les deux bêtes, le combat reprit et cette fois-ci, ce fut Pluton qui démarra les hostilités.
L'imposant Malosse avait brusquement inspiré, menaçant de ses yeux sombres son adversaire. Préparait-il une nouvelle attaque enflammée ? Probablement. La bête électrique donna alors trois coups frénétiques au sol, comme pour se préparer à cabrioler une nouvelle fois entre les différentes flammes qui lui seraient jetées au visage. Pourtant, lorsque le canidé expulsa, ce ne fut pas de la chaleur qui vint brûler et replier la végétation de la plaine, non.
Ce fut d'abord une odeur nauséabonde qui présenta l'attaque. Par réflexe, le cercle qui s'était formé autour du duel s'était élargi et les humains présents avaient tous recouverts leurs nez de leurs manches. Certains, plus fragiles, avaient même vu leurs yeux rougir et pleurer sous l'âcreté du parfum. Puis, très rapidement après l'odeur, un nuage de fumée s'échappa de la gueule du Malosse.

Cette capacité, Rex ne l'avait jamais vu être utilisée par son chien auparavant. Il n'était même pas au courant que sa bête était capable de relâcher pareille puanteur. Surpris, pas spécialement déçu, il plissa les yeux pour observer le reste de l'action.
Pour être tout à fait honnête, Pluton lui même ne devait pas s'attendre à avoir appris une telle capacité et, sûrement, l'odeur le prit lui aussi au dépourvu. Son odorat fin de canidé le poussa à couper peut être plus vite que prévu son attaque mais... Le mal était déjà fait. Certaines plantes s'étaient déjà ratatinées sur elle même et le Pikachu... Le Pikachu s'était attendu à devoir éviter une salve de petite flammèches comme la dernière fois... Esquiver un nuage de fumée était déjà plus périlleux et la surprise l'empêcha de sauter hors de la portée de l'air vicié.
Il toussa, cracha, encerclé de toute part par les courants empoisonnés. L'espace d'un instant, sa vision se brouilla et ce fut au pris d'un effort colossal et d'un instinct de survis impressionnant qu'il s'arracha à l'étreinte souillée de la fumée toxique. Roulant-boulant après un saut mal calculé, il s'ébroua alors que de petites décharges électriques parcouraient son pelage aux teintes de blé. L'attaque de Pluton n'avait – en apparence – que peu affecté la créature sauvage. Pourtant, les dégâts étaient plus importants que visibles.
Quelque chose n'allait pas en lui, le rongeur le savait mais il lui fallait profiter d'encore se sentir suffisamment bien pour riposter. Alors il rugit à son tour. Oh, ce n'était pas réellement un cri terrifiant, ni un hurlement à glacer le sang. Certains gardes laissèrent même un rire secouer leurs épaules. Rex, quant à lui, avait apposé un regard critique sur le déroulement de l'affrontement. Sous-estimer un adversaire était le meilleur moyen de se laisser surprendre et de perdre une victoire qui s'annonçait facile.

« Tiens toi sur tes gardes ! »

Sa voix avait tendu les muscles de son Malosse. La décharge électrique qu'il avait reçu plus tôt lui avait suffit pour qu'il ne cherche plus à se laisser distraire en tentant d'attendrir son maître. Ainsi, si la voix du noble lui était parvenue, il garda un regard sombre ancré sur les mouvements de son adversaire. En revanche, l'injonction de Rex avait fait taire les gardes alentours, conscients que l'ordre leur était également plus ou moins adressé. Leurs rires pouvaient, après tout, être une source de distraction... Certains se raclèrent donc nerveusement la gorge et l'un d'eux, le plus jeune, laissa même échapper un bredouillement d'excuses. Il fut ignoré et ce n'était pas plus mal.

Pendant un instant, un bref instant, le temps sembla se distordre autour des deux monstres. Une certaine tension avait envahi leur corps, menaçant d'éclater en un affrontement encore plus sauvage que le précédent. Une brise avait finit par disperser l'attaque nauséabonde et toxique d'un peu plus tôt et leur arène improvisée était à nouveau respirable. Seuls les grognements des autres chiens témoins de la scène et les bruits lointains venaient parfois perturber l'étrange pause qui s'était installée entre les adversaires. Et puis, d'un coup, d'un seul, alors qu'un grognement nerveux et menaçant roulait le long de la gorge du Malosse, le poil du Pikachu se hérissa alors qu'il avait bondit vers lui.
L'attaque fut fulgurante, le choc lourd. Qui aurait cru qu'une aussi petite bête aurait pu faire reculer aussi facilement un chien aussi lourd que Pluton ? Rex grimaça en même temps que son chien retroussa les babines sous la douleur. Le grondement qu'il avait initié quelques secondes auparavant ne mourut pas dans sa gorge mais évolua dans une plainte plus aiguë et moins contrôlée. La honte lui étreint un bref moment le cœur alors que ses réflexes reprirent le dessus.
Le rongeur l'avait percuté, certes mais... Il était proche... Si proche de lui. Sans prévenir, sans même y réfléchir, Pluton ouvrit la gueule aussi grand qu'il put. L'on aurait alors pu presque voir ses crocs luire au soleil s'il ne les avait pas soudainement refermé sur le corps du nuisible. Rageur, furieux, s'il n'avait pas pu lui attraper la nuque pour l'égorger, il lui avait mordu la cuisse. Evidemment, la bête se débattit mais le Malosse se mit alors à le secouer brutalement.
Ca... Il était jeune Pluton. Il n'avait pas encore toute la force à laquelle il pouvait prétendre, pourtant... Celle dont il disposait actuellement était largement suffisante pour faire de gros dégats. Couinant, piaillant, la peur du Pikachu emplit rapidement les narines du chien qui ne desserra pour autant pas sa prise. Certains gardes autour ne purent s'empêcher de l'acclamer alors, fiers de le voir réagir de la sorte. Un sourire de satisfaction était même venu étirer les lèvres de Rex – peut était-ce parce que lui même en était déjà venu à mordre ses opposants –.
Il secoua ainsi le nuisible quelques secondes, tentant parfois de l'assommer au sol avant qu'une décharge ne le fasse couiner et que dans la panique, il ne desserre ses mâchoires.

Le Pikachu n'avait pas attaqué. Son état de panique ne lui avait pas permis de se concentrer suffisamment pour cela... En revanche, sa condition de monstre électrique lui avait probablement sauvé la vie. Son pelage jaune et tâché de brun était souvent parcouru de petits courants électriques, de petites décharges. Rien de bien dangereux en général.. Sauf pour les contacts directs. Pluton en avait fait les frais.
Reculant piteusement de quelques pas, il passa plusieurs fois sa langue sur sa truffe nerveusement alors que les cris d'excitation s'étaient tus aux alentours suite à un geste de Rex. Si ses muscles étaient tendu sous la pression du combat, il se sentait étrangement raide, moins maître de ses mouvements et encore plus maladroit que d'habitude. Une aboiement déformé par une soudaine crainte lui échappa et seul observer son adversaire en aussi piteux état le rassura. Le nuisible boitait. Sa vitesse – pourtant son principal atout dans cet affrontement – lui avait été arrachée de bien abrupte manière. Finit les cabrioles et les pirouettes et finit les attaques aussi vives que l'éclair. Il ne pouvait plus bouger que de manière maladroite.
Cette constatation rasséréna le jeune chien... Avant qu'il ne se rende compte que lui même peinait à se mettre en branle. Il voulait bouger, avancer mais ses muscles ne lui répondirent soudainement plus.
En face, pourtant privé de sa mobilité, le Pikachu ne se rendait pas. Ses Vive-Attaques n'étaient pas ses seuls moyens de défenses et son pelage se hérissa soudainement. Malgré la douleur qui l'entravait et teintait son expression, une certaine rage de vivre lui donna une dose d'adrénaline suffisante pour le maintenir vaillant. Alors, malgré la fièvre qui commençait dangereusement à grignoter ses forces, il serra les dents. L'énergie caractéristique de la foudre qui coulait dans ses veines l'emplit à nouveau et une force familière et réconfortante crépita sur ses joues. Il n'avait pas besoin de bouger pour être une menace !
Dans un hurlement caractéristique, il relâcha alors son attaque Eclair. La vague d'énergie sembla balayer la végétation ambiante et le poil de certains chiens se dressa sur leur peau. Rex, plus proche que les autres, passa un bras devant son visage dans un réflexe aussi vain qu'incontrôlé : l'attaque ne lui était pas destinée – elle aurait du, s'il n'avait pas été là, le combat n'aurait jamais eu lieu – aussi aucune douleur ne le touche.
Pluton en revanche... Pluton couina. Il était solide, ce chien. Il avait beau avoir la plainte facile parce qu'il préférait les jeux aux affrontements, il était résistant et volontaire. Il suffisait qu'on le rappelle à l'ordre pour qu'il fasse preuve d'une endurance remarquable. Après tout, si sa taille et son poids le rendait plus lent et plus pataud que ses pairs, elle apportait au moins avec elle certains avantages... Pourtant, ce fut la première fois que Rex sentit une véritable inquiétude lui glacer le sang. Et ce fut la première fois que Pluton sentit une réelle crainte.
S'il fallait être totalement honnête, la décharge l'avait plus pris au dépourvu qu'elle ne lui avait fait mal... Mais elle venait après deux combats et une paralysie. Le fait de se retrouver ainsi entravé, incapable de bouger terrifia le Malosse. Il ne pouvait même pas se laisser choir pour témoigner de son malaise. Bloqué dans ses gestes, il voulut alors riposter, répliquer d'une attaque qui couperait court à ce duel. … Seul un gargouillement pitoyable lui échappa. Il bava là où il avait espérait des flammèches. La peur l'empêché de se concentrer mais la paralysie coupa court à toutes tentatives de riposte.

L'air sembla soudainement se figer autour d'eux, de la même manière que le chien était incapable de se mouvoir. La vision des choses redonna un certain courage au Pikachu qui pourtant lui même peinait à rester debout. Sa patte postérieure lui faisait souffrir le martyr, le poison qui coulait dans ses veines faisait monter la fièvre à son front et lui embrumait l'esprit. Ses forces menaçaient de le quitter mais il ne se rendit pas. En un sens, sa détermination força le respect des hommes autours. De tous, sauf d'un.
Rex de Gardefier n'avait jamais été un homme calme et serein. Sanguin et soupe au lait, il n'était pas non plus connu pour sa compassion ou son empathie. Pourtant, la vue de son chien dans cet état l'avait fait blêmir sous le soleil de Scémède. Et puis, la pâleur avait lentement fait place à la rougeur d'une colère caractéristique chez l'héritier de Gardefier. Alors, il avait fait un pas, puis un autre. Les poings serrés, sûrement aurait-il mieux valu pour lui de réfléchir un peu avant de s'avancer de la sorte. Peut être aurait-il du envoyer l'un des chiens de garde finir le travail... Assurément même. Au lieu de ça, il s'était positionné aux côtés de Pluton, menaçant de s'avancer d'autant plus pour achever la bête et laver l'honneur du Malosse.
Sa défaite était pourtant honorable, n'est ce pas ? Il s'était battu vaillamment mais manquait simplement d'expérience... Pluton laissa donc son maître prendre le relais, les oreilles baissées et le corps raide. Ce fut non sans une pointe de soulagement qu'il pensa le combat finit et peut-être fut-ce pour cette raison qu'enfin, il put bouger. Oh, pas beaucoup, ses muscles le faisaient encore souffrir et il avait l'impression que des décharges lui parcouraient le corps à chaque mouvement esquissé mais au moins put-il se détendre un minimum.
Une certaine déception précéda son soulagement, conscient qu'il avait probablement déçu son maître... Puis la surprise lui fit hérisser le poil.

« Mon Seigneur ! »

Le reste de la scène se déroula si vite. Un certain chaos avait envahis les plaines d'habitude si calmes de Scémède. Sentant une menace autrement plus dangereuse que celle du Malosse – et pour cause, l'humain qui s'avançait était plus grand et moins épuisé que son premier adversaire – le Pikachu avait puisé dans ses dernières forces pour se défendre d'une nouvelle attaque éclair.
A dire vrai... L'attaque fut relativement faiblarde. Le poison, l'épuisement et les blessures précédentes n'avaient en rien amélioré la condition du rongeur et si Rex avait oscillé, il aurait parfaitement pu continuer son chemin pour achever la bête si l'un des gardes n'avait pas sauté pour le retenir. Il fut brusquement repoussé et si le cercle s'était brisé pour que les chiens de gardes sautent sur le rongeur désormais sans défense, un ordre brut les en dissuada.

« Il suffit ! Cette bête est à moi ! »

Et personne n'eut le cran de lui désobéir. Après tout, à bien y regarder, le Pikachu ne représentait plus de réelles menaces... Et s'il pouvait encore jouer de petites décharges, aucune d'elle ne serait suffisamment létale pour mettre Rex hors d'état de nuire. Et pourtant... Ce fut à la surprise générale que le coup de grâce ne vint pas du noble.

Peut être était-ce du à un sursaut de fierté... Peut être était-ce celui d'une loyauté sans faille, mais Pluton qui avait décidé d'accepter humblement la défaite s'était à nouveau dressé. Il aurait probablement voulu bondir devant son maître et jouer d'aboiements et de grondements pour témoigner qu'il le protègerait jusqu'à la mort s'il le fallait mais il s'en savait incapable.
Alors à défaut d'une théâtrale déclaration, il cracha. Cette fois-ci, nul grognement déformé et aucune bave pour témoigner de son échec, mais de réelles petites flammèches. Lorsqu'elle passa à côté de Rex, l'attaque le surpris et il esquissa un pas dans la direction opposée non sans jurer dans un grognement frustré. Un instant, son regard de fer se posa sur les gardes alentours, furieux qu'ils aient osé lui désobéir... Et puis, il remarqua Pluton, et son air s'adoucit presque instantanément.
Alors il retourna son attention sur le Pikachu mais... La bête avait chuté et s'il devinait qu'elle respirait encore, elle était hors d'état de nuire. Peut être aurait-il du l'achever... Sûrement même. Au lieu de cela, une expression teintée de fierté et de soulagement se posa sur Pluton.
Il n'attendit pas que sa bête chute à son tour au sol, épuisée par son affrontement, pour la récupérer dans ses bras. Et ce fut presque d'un geste paternel qu'il cala Pluton contre lui.
-

« Seigneur, que faisons-nous du... ? »

Dernier regard pour le Pikachu, suivit d'un haussement nonchalant d'épaules. Peu lui importait et il fut décidé de le laisser à sa chance.

Résumé:

Bravo !

Il avait ordonné que l'on apporte de quoi panser les brûlures de son chien. Un ordre sec et intransigeant que l'on s'empressa d'accomplir. Ainsi fut-il donné un breuvage à base de baies à Pluton, et la bête fut couverte d'onguents visant à détendre ses muscles après la paralysie. Heureusement, si le combat avait semblé intense, le Pikachu était probablement trop inexpérimenté pour causer de mortelles blessures. Soulagé, Rex ne se relâcha pourtant que lorsqu'il se retrouva seul avec son compagnon.
Presque paternel, protecteur, il effleura le pelage de jais du chien et lui murmura quelques félicitations après lui avoir déposé un baiser affectueux entre les oreilles. Le coup de langue qui lui répondit échoua sur sa joue et lui arracha un rire léger. Attendri, l'héritier de Gardefier, pourtant féroce combattant, souffla à la bête d'une petite voix de se reposer et de rapidement se rétablir. Une certaine inquiétude teintait ses mots. Peut être même un léger regret de l'avoir incité à réaliser deux combats d'affilé.

Mais c'était impossible. Rex n'avait pas de remord, il n'en avait pas le temps.