Souvenirs [Pv : Mari]

Ses pas l'avaient conduit par le plus grand des hasards à un endroit qu'elle n'aurait pas cru revoir de si tôt. Encore moins dans ces conditions. Le hasard ? Une voix intérieure lui siffla que les coïncidences n'avaient pas lieu d'être mais elle la balaya rapidement.
Accroupie dans des broussailles, la vagabondes posait son regard ardent sur les allers et venus du Domaine Whiterun avec un intérêt non dissimulé. Que tout ceci lui semblait si lointain et pourtant si familier.
L'espace d'un instant, alors que la mélancolie la poussa à observer les fenêtres de la luxueuse demeure, il lui sembla voir Thymos à travers les carreaux qui lui faisait signe de la main. L'invitait-il à entrer ? La peste soit de lui !
La jeune femme se mordit la lèvres furieusement, se ramassant un peu plus sur elle même lorsque des domestiques frôlèrent sa cachette. Si elle se faisait surprendre... Non, elle ne pouvait se le permettre ! Ainsi, pour un moment, un bref moment, Prudence lui souffla de s'éloigner, de profiter du crépuscule pour s'esquiver et retourner à la vie sauvage qui avait finit par la forger.
Elle n'était pas à sa place ici, elle risquait de se faire surprendre, capturée et d'être mise aux fers ! Elle ne pouvait se le permettre ! Et pourtant... Si elle s'était détournée quelques secondes des imposantes façades Whiterun, elle n'avait finalement pas abandonner le buisson qui la dissimulait aux yeux de tous.
Et maintenant ? Elle ne pouvait tout de même tenter de pénétrer la demeure, n'est ce pas ? Et pourquoi faire ? Voler de la nourriture ?
Si l'idée lui sembla ridicule de prime abord, elle fit pourtant un bout de chemin dans son esprit. Voler des mets que la vie sauvage ne lui apporterait jamais ne sembla pas la rebuter plus que cela. Pourtant, elle ne bougea pas à la recherche des cuisines. Son regard resta posé sur la fenêtre où elle avait aperçu Thymos la première fois, fascinée et intriguée.
Elle connaissait cet endroit. On l'y avait déjà invité, elle avait déjà visité ces lieux. Pourtant, tout semblait si différent. Là où elle avait été bienvenue auparavant, elle se glissait et se tapissait comme une intruse. Elle se figea alors brusquement lorsqu'une paire de molosses passa devant elle. L'un deux avait reniflé dans sa direction, la glaçant d'effroi. Mais les bêtes semblaient encore jeunes, sûrement en route pour un entraînement et elles furent forcer de continuer à avancer. Le soulagement ne la fit pas mieux respirer.
Elle devait partir. Ses sens en alerte et sa crainte de se faire capturer lui hurlaient de s'en aller de là mais... Elle ne pouvait tout de même pas émerger de sa cache et courir vers la sortir. C'eut été stupide. Elle resta en place à l'instar d'une statue et attendit.
Durant de longues heures, elle put observer l'activité du domaine, les domestiques vaquant à leurs occupations, parfois même des monstres sauvages filant à la recherche d'une quelconque malice à accomplir. Elle put également observer une fenêtre du premier étage s'ouvrir pour laisser une servante secouer des draps. Sûrement était-ce là une chambre et la fenêtre ne fut jamais refermée. Elle put écouter également quelques bribes de conversations qui lui rappelèrent vaguement ce qu'elle avait pu écouter dans sa jeunesse dorée, des rumeurs et autres commérages dont les scémédois étaient friands.
Elle attendit ainsi jusqu'à ce que le crépuscule s'obscurcisse pour de bon et que le ciel ne se teinte de nuit. Les allers et venues se firent plus rares et seules quelques rondes de gardes venaient alors troubler l'apparente tranquillité de l'endroit.
Alors Hécate jugea bon de trouver le moment opportun, entre deux rondes, de s'éclipser discrètement. Elle avait été idiote de revenir ici sans raison. Que ce fusse par curiosité ou par nostalgie, jamais elle n'aurait du autant s'approcher d'un domaine noble de la sorte et jamais elle n'aurait se glisser jusqu'à la base des murs du domaine pour y chercher des prises afin de faciliter son escalade...
Attendez, quoi ?

S'aidant de défauts dans le mur et lierre judicieusement bien placé, elle se hissa jusqu'à la fenêtre que l'on avait visiblement oublié de fermer. L'ascension fut pénible mais brève et lorsqu'elle fut arrivée à destination, elle jeta un regard furtif à la chambre pour en observer le vide.
Il n'y avait... Personne ?
Surprise, prise d'une curiosité maladive, elle se glissa silencieusement dans la pièce et resta un moment accroupie devant la fenêtre, l'ouïe en alerte.
Rien, ni respiration tranquille, ni bruits de pas. Pourquoi avoir refait le lit d'une chambre qui ne serait pas utilisée ? Mystère.
Hécate balaya alors la pièce du regard, le laissant glisser sur Thymos qui s'était négligemment assis en bord de literie. Lui aussi parcourait la pièce des yeux

Tu vivais dans un endroit similaire, non ? Tout ce luxe doit te manquer.

L'apparente innocence de la question arracha un frisson de colère à la jeune femme, mais elle garda le silence alors qu'elle s'écarta de la fenêtre pour se redresser. Pas question qu'on puisse la voir de l'extérieur.
Machinalement, sa main se posa sur le mur pour accompagner sa visite, puis, elle la laissa glisser sur la surface de meubles en bois finement travaillés alors que discrète, Lotty suivait ses pas. Elle connaissait l'endroit, mais tout ceci ne lui disait plus rien. La curiosité lui fit alors ouvrir les tiroirs pour y trouver plusieurs étoffes et lingeries qu'elle ne put s'empêcher de déplier pour les observer.
Son regard d'habitude si dur se détendit alors qu'elle appréciait la qualité des tissus. Puis, elle les reposa négligemment dans le tiroir avant de le refermer de moitié et de s'approcher d'une armoire qu'elle ouvrit avec soin. Il y avait là plusieurs tenues de hautes qualités, certainement plus belles que celles qu'elle avait put sauver de son ancienne vie. Elle ne put alors s'empêcher d'en sortir une pour la tenir tout contre elle, cherchant un miroir du regard.

Comme un singe tentant de se faire passer pour une dame.

Elle fusilla le démon du regard alors qu'il s'était allongé sur les draps sans plus de cérémonie. Il se moquait d'elle, l'infâme !
Elle finit donc par reposer la tenue là où elle l'avait prise et entreprit de continuer à fouiller l'endroit, trouvant et essayer les bijoux qu'elle pouvait trouver, se remémorant qu'il fut un temps, elle s'appelait Rose...
Ce fut alors en ouvrant un énième tiroir qu'elle se figea subitement. Il n'y avait rien d'intéressant là, rien d'autre qu'une vieille poupée de porcelaine qui, de son temps, avait dut être magnifique.
Ce fut suffisant pour ébranler la vagabonde qui porta la main à sa bouche. Ce n'était pas possible, et pourtant.. D'une main tremblante, elle se saisit de la poupée et la souleva avec une étonnante douceur. Ses doigts effleurèrent les boucles blondes de l'objet alors qu'elle se rappelait avoir à maintes reprises réalisés ces gestes.

-Madeleine...

Elle murmura le nom dont elle se souvint brièvement, le regard perdu dans un lointain passé. Elle l'avait offerte, cette poupée, à l'une des filles Whiterun. Une gamine qu'elle avait longtemps suivi comme un modèle, que ce soit de force ou d'élégance. Elle était longtemps restée derrière elle, comme un fidèle acolyte, dévouée et fascinée.
Elle n'avait plus jamais revu Marigold après son mariage...
Cette poupée avait eut un effet plus qu'imprévu sur son esprit malade et parce qu'elle s'était perdue dans ses pensées, elle fut surprise.
La porte s'était ouverte avec fracas, la faisant sursauter et faire volte face brusquement. Par réflexe, sa main s'était portée au poignard à sa ceinture, et son regard paniqué oscillait entre la fenêtre encore ouverte qui représentait son salut, et la silhouette qui se tenait dans l’entrebâillement de la porte. Elle n'avait pas lâché la poupée et Charlotte s'était ruée dans les jambes de sa maîtresse.

Il était de rares occasions où Marigold s'autorisait un congé sur les bonnes vieilles terres appartenant à son père. La route était fastidieuse, et durait environ une heure, même à dos d'une de ces rapides créatures qu'étaient les Galopa. Pourtant, une fois sur les lieux, le voyage valait le coup. Elle pouvait alors retrouver ses marques, qu'elle avait laissées après près de deux décennies dans le manoir. Dans toute l'indifférence que lui portait le maître des lieux, elle était bien plus libre que sous les ordres de toute la famille royale. En quelques sortes, elle avait la sensation d'être l'unique responsable, car aucun domestique n'aurait remis en question son autorité.
Elle avait vite repris ses aises, installé ses affaires dans les cabinets - de vraies antiquités - et laissé ses compagnons se déplacer librement. Ici, même les Pokémon de la jeune femme devaient être respectés comme de véritables nobles par le personnel. Des honneurs plaisant particulièrement à Georgette et Lucifer. Ils disparaissaient presque entièrement lors de ces séjours au domaine.
Bob aussi, était de la partie. Si sa maîtresse l'aurait volontiers laissé croupir dans son eau au palais, elle avait fini par accepter le fait qu'elle ne pourrait pas s'en défaire si facilement. Comme pour ne pas la dépayser, il siégeait fièrement sur une commode, dans son bocal si familier, lui accordant parfois un signe de la "main".

Et qu'était un retour chez elle sans une bonne partie de chasse ? Elle était partie tôt dans la matinée, enfourché une licorne de feu, et lancé la meute d'Alder. Ce genre de course était peu du goût de la Couafarel, préférant débusquer le petit gibier que de jouer sur l'endurance derrière un Cerfrousse. Alors que les Démolosse avaient poursuivi presque toute l'après-midi le daim, elle était restée se faire confortablement limer les griffes, en grognant au moindre mauvais geste de son toiletteur.

Le Soleil se couchait encore tôt en cette période de l'année. Je n'avais eu le temps que de me repaître après ma journée de loisirs avant que la nuit ne tombe. Après tant d'activité, l'intimité et le confort de ma chambre commençaient à me manquer. La force et la vigueur n'avaient jamais été des valeurs opposées à la coquetterie. Aussi, une fois la porte poussée, ce fut de la frustration qui s'ajouta à la surprise.
Une silhouette, dans ma chambre. Un inconnu. Un cambrioleur ? Un meurtrier ? Ses mains étaient fourrées dans l'un des tiroirs et tenaient une petite forme humanoïde : une poupée. Un vieux jouet sorti tout droit de mon enfance, dont la valeur aux yeux d'un gueux devait être inestimable, avec sa peau de pure porcelaine, des boucles en véritables cheveux, et des vêtements dix fois plus petits que ceux d'une personne et pourtant ô combien plus précieux. Une petite fortune pour un Scémédois normal, peu pour un noble, mais encore plus de valeur sentimentale pour moi-même. Le pantin avait beau avoir été dissimulé sous des couches d'habits après toutes ces années sans jouer avec, je ne comptais pas le laisser disparaître aux mains de l'étranger.
Étrangère était plus approprié tout compte fait. Après rapide analyse de la scène, les formes de l'intrus s'avéraient assurément féminines. Elle avait dû s'introduire par la fenêtre. Pourquoi n'avait-elle pas été verrouillée ? La servante en charge de l'entretien de la pièce allait en répondre plus tard.
La femme, menaçante, ne perdit pas de temps à sortir un objet tranchant de sa poche. Je ne suis pas du type à crier à l'aide. Une fois le choc dissipé, ma main attrapa son fouet. Avant qu'elle ne puisse agir, un poing blanc surgit de sous le lit en direction du poignard de l'inconnue pour la désarmer. La stupeur me gagna. Mon Concombaffe venait de me démontrer son utilité pour la première fois depuis presque un an à tourner en rond dans son bassin et à me couvrir de mucus. Je n'irais pas jusqu'à dire qu'il m'avait sauvée la vie, mais j'étais assez satisfaite de ne pas avoir réussi à m'en débarrasser, dans la situation actuelle.

Qui êtes-vous ? Je vous somme de lâcher cette poupée et décliner votre identité !

Une seule. Je ne laisserai à cette folle qu'une seule occasion de s'expliquer avant d'avoir recours à un interrogatoire plus violent. Un Pokémon venait de la rejoindre. Un genre de félin, gris comme Lucifer, mais bien différent dans sa posture. Son regard brillant dans la nuit noire ne m'inspirait aucune confiance. Où étaient mes compagnons quand j'avais besoin d'eux ?

Qu'avais-je bien pu faire pour mériter la présence de cette bête sauvage dans ma chambre ? Incapable de réponde, certainement -étrangère ou pas assez humaine sans doute- elle ne s'exprimait qu'en grognements d'efforts alors qu'elle se déplaçait. Elle ne sembla pas ravie de l'intervention de Bob, aussi envoya-t-elle sa créature se charger de son cas. Si son attaque ne sembla pas violente, elle avait à présent déclenché le courroux du terrible concombre de mer. Il repoussa d'un coup de "main" le félin, avant de se gonfler pour prendre un air menaçant, au point d'en devenir rouge. Si son ennemie avait le malheur de se frotter encore à lui, elle le regretterait... L'attaque Contre des Concombaffe pouvait se révéler dévastatrice si on fonçait dessus tête baissée.

Dans la panique sûrement, la femme se servit de ce qu'elle avait sous la main comme projectile : Madeleine la poupée. Je l'attrapai in extremis, devant même lâcher mon arme, avant qu'elle ne s'écrase et brise son visage d'un blanc éclatant. Même s'il ne s'agissait sûrement pas des intentions de l'intruse, au moins, elle avait rendu le jouet à sa propriétaire. On aurait presque pu dire qu'elle avait obéi, si elle avait daigné répondre à mon unique et simplissime question.
Relevant la tête après la surprise que fut le jet de poupon, je m'apprêtai à me répéter, seulement... profitant de mon désarmement, telle une guenon, l'étrangère avait bondi sur le lit, abîmant sûrement quelques lattes au passage. D'un rebond agile, elle rectifia sa trajectoire en ma direction. Presque au ralenti, je vis a main partir vers son dos pour attraper ce que je supposai être une lance, bien que la quasi-obscurité ne m'aida pas à analyser la situation déjà confuse. Un cri de surprise m'échappa, tandis que je me jetai sur le côté pour éviter tant bien que mal un coup potentiellement fatal. Je devais m'empresser de me relever avant qu'elle ne reparte à l'assaut. Je laissai la peluche au sol et me mis en quête du fouet, toujours à genoux, tâtant l'endroit où je pensai l'avoir laissé tomber. Je dois sûrement m'estimer heureuse que pendant ce laps de temps de vulnérabilité, la criminelle n'ait pas tenté de m'occire. Peut-être cherchait-elle juste à fuir avec son quelque larcin ?
Enfin, je sentis la corde de la cravache sous la paume de ma main. Un premier sourire de satisfaction vint couvrir mes lèvres tandis qu'un aboiement au loin l'intensifia. Je n'avais plus honte d'avoir perdu contrôle de ma voix lors de l'attaque car on m'avait entendue : la cavalerie était en route.

Elle l'avait évité dans un cri. Roulant au sol, la demoiselle Whiterun avait esquivé la point de la lance qui était venu se ficher au sol. Hécate était lourdement retombée et un grognement de frustration roula le long de sa gorge lorsqu'elle comprit trop tard que désormais, l'effet de surprise était passé.
Un instant, un court instant, elle remarqua que la propriétaire des lieux cherchait quelque chose à quatre pattes et l'idée de la devancer l'effleura, rapidement suivie par celle de profiter de ce laps de temps pour la blesser ou la faire reculer. Elle n'eut pas plus d'ouverture pour réfléchir plus longtemps. Si elle avait récupéré sa lance et s'était redressée pour la brandir, prête à asséner un coup qui ne pardonnerait pas, des aboiements la paralysèrent sur place.
Figée, glacée, tétanisée, sa peau déjà pâle blêmit d'autant plus. Alors sa position d'attaque se brisa aussi rapidement qu'elle avait bondit sur le lit et à la manière d'une bête acculée, elle se ramassa sur elle même, cherchant à déceler d'où venait l'origine du bruit. La panique ne l'aida pas. Ses sens en alerte lui hurlaient qu'elle était déjà encerclée.

De son côté, la chatte avait feulé quand une main baveuse la repoussa, tâchant son pelage d'argent. Furieuse que son attaque n'ait pas porté les fruits qu'elle aurait dû, la Chaglam calqua son comportement sur l'étrange monstre qui avait osé désarmer sa maîtresse et hérissa son poil. Elle paraissait ainsi deux fois plus grosse qu'elle ne l'était en réalité et des miaulements menaçants vinrent clore le tableau. Elle leva ses griffes contre cet étrange opposant mais son attaque ne fut jamais achevée.

-Charlotte !

La voix rauque d'Hécate avait éclaté dans la pièce sombre, rappelant à l'ordre sa créature alors qu'elle même s'était redressée. Il n'y avait pas le temps ni le luxe d'une bataille. Les renforts arrivaient et sans attendre plus de confirmation de la part de sa partenaire, la sauvageonne s'était déjà engouffré dans les couloirs. Vive, la Chaglam avait sauté à sa suite non sans avoir enroulé sa queue autour du manche du poignard tombé plus tôt.
Avec plus de grâce qu'Hécate, elle s'engouffra à sa suite sans savoir comment elles pourraient s'échapper et se sortir de ce mauvais pas.

Le sang battait à ses temps autant que Thymos grinçait à ses oreilles

Idiote ! Idiote ! Que t'a t-il pris de venir ici !?

Ce qui lui avait pris ? Elle n'en avait foutrement aucune idée et elle refusait d'y penser maintenant. Trop concentrée sur sa course, elle prit un tournant et s'engouffra dans des escaliers familiers. A mi chemin, elle sauta par dessus la rampe, certaine que la hauteur était raisonnable. Elle tomba lors nez à nez avec deux domestiques encore réveillés et elle jura. Si elle parut d'abord effrayé, elle les menaça de son arme en hurlant mais, loin de leur sauter dessus, elle les évita et partit dans l'autre sens. Peut être avaient-ils des monstres eux aussi ?
Les aboiements s'étaient alors rapprochés et la tâlonnaient de près. De trop près. Les vagues souvenirs qui lui restaient du domaine s'estompaient à mesure que la panique prenait le pas sur son esprit. Thymos grondait de plus en plus fort et elle finit nez à nez avec une porte close.

La logique aurait voulu qu'elle cherche une autre sortie. Sa rage la fit tenter de la forcer.

La sauvageonne comprit bien vite que la situation n'était plus à son avantage. Même dans l'obscurité, il me semblait avoir vu son allure se rigidifier. Tel un Cerfrousse poursuivi par une meute de Démolosse, elle avait hésité avant de se jeter en dehors de la pièce. Alors qu'elle s'engouffrait par la porte, elle héla son félin, qui la suivit sans broncher, même si elle aurait préféré venger sa maîtresse de l'affront causé par le concombre de mer. "Charlotte" ? Un nom assez familier - il est assez commun en Scémède, même s'il était plus rarement attribué aux bêtes qu'aux petites filles. L'énergumène était-elle native de la région ? Cela m'aurait bien étonné, car même les gueux peuplant nos fiefs se seraient mieux tenus en ma présence.
D'ailleurs, il n'était pas question qu'elle s'en sorte aussi facilement après avoir tenté de me cambrioler puis de m'assassiner. Motivée par davantage d'aboiement alliés, je me lançai à la poursuite de l'étrangère, faisant fi de la quasi-obscurité qui me permettait à peine de deviner la forme de ses vêtements disparaître derrière un mur Que n'aurais-je point donné dans un instant pareil pour bénéficier des yeux de Lucifer ou de la truffe de Georgette ? Je manquai même presque de la perdre lorsqu'un doute me prit au croisement de deux couloirs. Le manque de discrétion de mon hôte la trahit : des cris humains se firent entendre en provenance de l'étage inférieur. J'espérai vraiment ne pas découvrir les corps sans vie de domestiques en descendant, car leur témoignage ne m'aurait été de trop.
Un grand dérapage dans la cage d'escalier me mena nez-à-nez avec ceux qui avaient hurlé. Les servants étaient aussi blancs que les linges propres qu'ils venaient de plier. Terrifiés, ils pointèrent du doigt la direction où s'était faufilée la voleuse. Prise dans la course, je me gardai de leur reprocher de ne pas avoir arrêté eux-mêmes la folle. Juste pour cette fois.

Une flèche noire fendit l'air devant moi, manquant de me renverser, tant sa fourrure l'avait rendue invisible dans la nuit. Ses grognements, en revanche, ne laissèrent planer aucun doute quant à leur origine. Si quelqu'un pouvait être sûr de la position d'un intrus, c'était bien la chienne. Je me fiai bien plus à son flair qu'à la mémoire de simples valets - même si, à leur crédit, ils ne s'étaient pas trompés cette fois-ci.
Mes jambes me menèrent enfin au fond d'un corridor, où je fus forcée de m'arrêter. Non par paresse, car mes pieds, bien qu'engourdis, auraient pu poursuivre l'ennemie assez longtemps pour la chasser de la propriété. En revanche, une porte verrouillée empêchait la chapardeuse de courir davantage. Entre nous deux, le canidé et le félin se lançaient des regards haineux.

Votre identité. Maintenant.

Pas que cela importe, au final. Dans tous les cas, une fois attrapée, elle serait jetée au cachot quelques jours le temps d'apprendre sa leçon, un peu passée à tabac si elle le méritait... mais il était hors de question que ma questions reste sans réponse. Je m'estimai déjà bien patiente au vu des récents évènements.
Acculée de la sorte, elle allait devoir coopérer. Quelle sotte préfèrerait résister ou tenter de passer en force .

Ce fut plus par panique et par désespoir qu'elle tambourina à la porte que par réelle conviction que celle-ci allait s'ouvrir si elle forçait. Les aboiements se rapprochaient, les bruits de course aussi et son sang se glaça alors que son regard fauve cherchait une autre sortie. Une fenêtre, une autre porte, un autre couloir... Mais rien ne lui apparut. Un instant, ses yeux se posèrent sur la Chaglam qui s'était mise à griffer la porte également en désespoir de cause... Non, aucune de ses capacités ne seraient suffisamment fortes pour leur ouvrir un passage. Ceci dit...
D'un mouvement vif, elle récupéra le poignard que Charlotte avait rattrapé dans sa fuite. Au moins avait elle retrouvé une arme de corps à corps. Le soulagement ne fut pourtant que de courte durée. Une injonction claqua derrière et la fit se retourner en sursaut. Par réflexe, un grondement roula le long de sa gorge et éclata en un feulement qui fit écho à celui de sa compagne. Charlotte avait également gonflé son pelage, la faisant doubler de volume... Elle était tout de même loin de la taille du chien noir qui leur faisait face.

Ainsi acculée, elle sentit son sang se glacer mais aucun effet de paralysie. La scène semblait jouer au ralenti alors que son esprit remuait à toute allure. Même la voix de Thymos ne l'atteignit pas alors que son regard d'or défiait celui de l'héritière Whiterun. Alors, ce fut contre toute atteinte qu'une sourire mauvais étira ses lèvres peintes de sombres couleurs.

-Ne devriez-vous pas me reconnaître, Marigold ?

Qu'elle avait sifflé, une expression sournoise plaquée au visage. Il ne lui fallut pas plus longtemps pour bondir. Elle refusait de se laisser acculer sans réagir. Que la noblesse de Scémède apprenne à la craindre ! Jamais elle ne se rendrait docilement, après tout, elle n'avait plus rien à perdre.

Ainsi, d'un même mouvement, Charlotte avait bondit à son tour. Plus leste que sa maîtresse, plus vive, elle avait atteint sa cible avant Hécate. Toutes griffes dehors, elle exécuta ce geste qui était désormais devenu une habitude. Elle claqua donc ses pattes sur le museau de la chienne pour la surprendre d'un habile Bluff et prendre tout l'avantage qu'elle pouvait espérer. Plus petite, plus faible physiquement, il fallait jouer de ruse pour espérer s'en sortir. Alors, profitant de l'effet de surprise qu'elle avait créée, elle s'était glissé sous les pattes de la bête touffue pour l'attaquer là où elle était le plus vulnérable. Elle avait alors contracté ses muscles et son petit corps, sentant une énergie électrique parcourir son pelage. C'était encore nouveau pour elle, mais elle relâcha une attaque Tonnerre dans un feulement rageur.

Hécate, elle s'était jetée la lance à la main vers la jeune noble dans l'espoir de la surprendre à nouveau et de la déséquilibrer. Si elle pouvait la jeter à terre une nouvelle fois...

Résumé:

Les mots que Marigold voulaient menaçants ne semblèrent pas troubler tant que ça l'intrus, à son grand dam. S'il y avait bien quelque chose qui l'énervaient et l'intimidaient à la fois, c'est qu'on lui tienne tête. Malgré sa petite stature, le claquement de son arme et les crocs de Georgette suffisaient la plupart du temps à dissuader quiconque l'aurait prise à la légère. Dans tous les cas, ce sourire suffisant ne lui plaisait pas.

Entendre son nom de la part de la voleuse fit reculer la noble de quelques pas, de surprise. Que ? Comment ? La femme aux cheveux gris grinça des dents. Ce n'était ni une riche héritière scémédoise devant elle, au vu de ses vêtements et son comportement... animal, ni une gueuse appartenant au domaine, auquel cas elle l'aurait reconnue. En effet, à force d'aller demander leur impôt aux paysans, elle commençait à les identifier plus facilement qu'elle n'aurait aimé l'admettre. De plus, les quelques mots qu'elle avait prononcés n'avaient rien de ceux d'une pauvre.
La façon dont l'inconnue connaissait le nom de son interlocutrice semblait vouée à rester un mystère. Pourtant... pendant un instant, l'éclat dans ses yeux noirs enrobés de lourds cils lui évoqua un sentiment familier.

Elle n'eut pas le temps de s'interroger davantage et de laisser à son cerveau la possibilité d'avoir l'étincelle qui lui révèlerait tout.

Son poignard à nouveau en main - la faute à son horrible félin, la folle bondit sur le côté, cherchant à fuir ou à m'attaquer, je l'ignorais encore. A l'unisson, son alliée se précipita sur mon Couafarel, cherchant à éliminer la menace qu'elle constituait.
Le coup qu'elle prit au museau ne sembla pas douloureux, mais elle ne put s'empêcher de trébucher, surprise. Ainsi confuse ne serait-ce qu'un instant, il n'en fallut pas plus pour que son ennemi ne se glisse sous son abdomen, là où elle ne pourrait être touchée. M'attendant à une griffure qui ne démêlerait même pas le poil bouclé de Georgette, je ne m'inquiétai pas au premier abord. Cependant... dans un feulement guerrier, son pelage crépita, jusqu'à qu'une onde de choc s'en échappe, pour frapper la pauvre chienne. Durant cette attaque, le couloir s'éclaira soudainement, me laissant juste l'opportunité de voir la criminelle se ruer vers moi. J'esquivai du mieux que je ne pus au vu des circonstances.

Soulagement : le couteau ne me toucha pas. En revanche, son épaule vint percuter la mienne, m'entraînant vers le sol. Dans ma chute, je cherchai de quoi me rattraper : pas de meuble, la poignée de la porte était bien loin et je ne pouvais compter sur les bras meurtrier qui tenaient un objet si tranchants. Le premier soutien que je rencontrai fus donc mon pauvre Pokémon, dont j'agrippai l'encolure afin de ne pas choir davantage. Celui-ci me fit parvenir son mécontentement sous la forme d'un terrible grognement digne d'un Grahyèna. Elle-même s'était effondrée, potentiellement sur son attaquante (je ne pus le constater, mais cette pensée cocasse m'amuse). Je m'appuyai sur son dos pour me relever, me fichant bien de son avis dans l'action.

Lève-toi et rattrape-la !

Peut-être encore chargée de l'attaque Tonnerre qu'elle avait subie, il ne fallut pas plus de quelques secondes à la caniche pour être prête à galoper, propulsée par la force de l'électricité qu'elle avait généré. Elle courut aussi vite qu'elle le put malgré ses quelques blessures, commençant à gagner du terrain, tandis que le chat, trop agile, parvenait tout de même à la distancer pour aller rejoindre sa maîtresse.
Le duo se rapprochait dangereusement de la porte principale, placée là, sans défense. Parfois, je jalousais le surnombre de la garde du Palais royal, bien que leur incompétence m'ait toujours fait douter de ma sécurité en ces murs. Ici, deux abrutis chapeautés auraient peut-être dissuadé la fugitive... Les pattes du limier ne la rattraperaient pas à temps si ces incapables domestiques n'avaient pas verrouillé l'entrée. Ne leur faisant nulle confiance, je préférai prier les cieux plutôt que de leur faire confiance.

Elle la percuta de tout son poids. Hécate n'avait jamais été bien lourde mais la dame Whiterun ne l'était pas non plus et l'élan qu'elle avait pris lui permit de la déséquilibrer. Parfait.
En d'autres circonstances, si elle avait été en position de force, peut être se serait-elle attardée pour jubiler, faire un discours sur son retour et la vengeance qu'elle planifiait, pour prévenir tous les corrompus de Scémède qu'il était temps pour eux de craindre pour leur vie... Mais elle n'avait ni le temps ni cette prétendue position de force. Elle ne se retourna qu'à peine pour constater l'état de la situation. Marigold Whiterun chutant et se rattrapant à son chien, étant donné le jappement qui avait suivi.
Un feulement n'avait pas tardé à y faire écho mais dans l'obscurité et la précipitation, impossible de deviner quelle en avait été la raison. Pour autant, et malgré l'inquiétude qui avait illuminé son regard ambré, Hécate fut soulagé de sentir la queue duveteuse de sa compagne lui frôler la jambe. Elle ne s'attarda pas plus longtemps et accéléra sa course. Si l'héritière des Whiterun avait été mise hors service pour un très (trop) court laps de temps, la vagabonde n'était pas sortie d'affaire. Elle devait sortir de là, et vite. La voix de Thymos hurlait à ses oreilles mais elle ne pouvait lui répondre de garder le silence. La peste soit de lui ! Elle devait économiser son souffle !
Les poumons et la gorge brûlants, l'adrénaline et la peur de se faire capturer lui avaient donné des ailes et cet endroit, elle le connaissait, elle le connaissait trop bien pour n'être qu'une simple voleuse trop audacieuse. Lorsqu'elle arriva dans l'entrée, elle ne prit même pas la peine d'analyser ses options : la mésaventure précédente avec la porte ne se reproduirait pas. Sans ralentir, elle fonça vers l'une des immenses fenêtres du domaine qui entouraient la porte d'entrée et, protégeant sommairement son visage de ses bras, elle sauta à travers, un pied vers l'avant.
Les débris les écorchèrent sans pitié, à elle et à Charlotte, et la scène lui sembla douloureusement familière, ce n'était pas la première fois qu'elle s'enfuyait ainsi. Elle se réceptionna alors difficilement sur le sol, à moitié déséquilibrée par le saut qu'elle avait effectué mais ne tarda pas à se redresser. Charlotte avait pris la tête et Hécate se fia à l'instinct du félin pour les sortir de là le plus vite possible.

Elles coururent, longtemps et loin pour trouver une cachette suffisamment sécuritaire pour les dissimuler aux yeux et à l'odorat de leurs poursuivants... Laisser le domaine Whiterun derrière elles en vie et en liberté était un véritable miracle. Et ce fut bien pour cela qu'Hécate fut capable de prendre le temps de réfléchir à tout ce que cela pouvait bien impliquer :
L'avait-on reconnu ? Fort peu probable, elle même avait eu du mal à situer celle qui avait un jour été une amie. Des bribres de son enfance lui revinrent alors par moment les jours qui suivirent. Des souvenirs doux amers qu'elle ignorait comment les accueillir. Devait-elle les détester ? En être nostalgique ?

C'était perturbant, mieux valait ne plus y penser.