Maison à hanter [event] ft. Arthur

Ce n'était pas commun de me voir à Aros. Pas étonnant : cette ville n'avait rien d'intéressant. Primo, l'air était glacial. J'avais beau m'être préparée avec mon plus beau manteau de fourrure de Castorno, le vent semblait s'engouffrer entre chaque fibre du vêtement pour venir chatouiller ma chair. Celle-ci, sous trois épaisseurs d'habillage, devait ressembler à celle d'un Poussifeu plumé.
Secondo : Quel sombre poivrot avait bien pu paver ces rues ? La mosaïque manquait cruellement de symétrie, certaines pierres étaient surélevées, d'autres manquaient (probablement volées par des enfants de gueux qui aimaient s'amuser à lapider des Goélise, à défaut de travailler honnêtement aux champs comme ceux de Scémède). En bref, j'avais manqué de perdre l'équilibre plus d'une fois tant mes belles bottines avaient pâti de la condition du sol.
Tertio : les gens. Que la plèbe d'Aros donnait peine à voir ! Les mendiants couraient les rues, ou boitaient, plutôt, d'une blessure que je supposai fausse ou bien méritée. Les marins empestaient la marée basse et l'alcool, ne se gênaient pas pour marquer leur territoire à coup d'urine ou de glaires bien jaunes. Enfin, toute cette populace me fixait me diriger vers mon objectif avec des regards noirs ou confus, parfois dirigés également vers la chienne qui me suivait. N'avaient-ils jamais vu quelqu'un de bien habillé ? Ce canidé d'une autre région était-il si étrange par rapport à leurs Caninos habituels ? Après réflexion, je me dis que c'était en effet le cas, je ne pouvais donc pas trop leur en vouloir de jalouser ma garde-robe ou la rareté de mon Pokémon chromatique de surcroit.

J'avais donc bien une bonne raison de m'aventurer en terre souillée. Si ce n'est la meilleure.

Bob.

J'avais tout essayé : le jeter par la fenêtre, le perdre dans la forêt, l'offrir à un gamin en prétextant un acte généreux, il était toujours revenu le jour suivant. Loin de l'hyperbole, il me restait en réalité quelques options. Je préférais ne pas songer aux idées les plus sanglantes, n'ayant pas la cruauté de faire broyer une pauvre bête vivante par un boucher ou de l'embrocher moi-même avec une fourchette. Encore moins de le jeter aux fauves; de plus, entre vous et moi, je savais très bien qui aurait gagné entre le concombre et l'intégralité du chenil royal.

Apparemment, Scémède n'était pas assez grand pour perdre un seul mollusque. Il m'avait suivie depuis Nimus, mais serait-il capable de me retrouver depuis la Ville Blanche ? En entendant que certains receleurs accueillaient à bras ouverts les transactions en Pokémon vivant, l'idée avait germé dans mon esprit. Enfermé à double-tour dans une cage et surveillé vingt-quatre heures sur vingt-quatre par le commerçant, il serait peu probable qu'il s'en sorte. A moins bien sûr de crocheter la serrure de sa cellule comme il le faisait toujours puis d'assommer son geôlier, puis par je-ne-sais-quel moyen parvenir à rentrer au palais en suivant mon odeur... mais ne parlons pas de malheur.

L'avenue des lanternes avait tout de même plus de classe que le reste de la cité. Sans être superbe, l'utilisation d'innombrables lampions donnaient au moins à cette rue une identité propre et un léger esthétisme.
C'était dans ce lieu de mauvais goût bien masqué que je trouverais sûrement ce dont j'avais besoin. Des rumeurs que j'avais entendues, Arthur Dayl était un bon et malhonnête receleur. Un marin aurait plaisanté sur le fait qu'il avait réussi à lui revendre des Magicarpe, quoi de plus pertinent ?

J'avais eu quelque peine à trouver la bâtisse, cachée quelque part non loin de l'allée illuminée que j'avais apprécié visiter et ne fus pas fâchée d'enfin la trouver. D'un pas assuré, je poussai la porte. Un sentiment de dégoût m'emplit alors que j'avais la sensation de faire quelque chose de criminel.
A l'intérieur, pas l'ombre de l'homme que je m'attendais à rencontrer. Pas qu'il y ait eu un seul homme d'ailleurs : ce furent deux femmes aux faciès presque identiques qui m'accueillirent. Quand je demandai à voir le patron, je n'eus droit qu'à un refus.

Le patron n'est pas là. qu'elles me dirent.

Peut-être cela aurait-il suffi à dissuader certains clients. Après tout, elles étaient les vendeuses et le commerce pouvait fonctionner grâce à elles seules pendant les heures d'ouverture. Et elles ne s'étaient pas gênées pour essayer de me vendre toute leur camelote, de soi-disant antiques poteries à un poisson doré que j'identifiai avec un sourire narquois. S'il savait qu'il aurait bientôt de la compagnie...
Non. Je refusai catégoriquement de m'adresser à de basses prolétaires. J'exigeai purement et simplement de voir leur chef. Ce n'était pas quelques paires d'yeux levées au ciel qui m'arrêteraient. Si je passais par elles, j'étais persuadée que j'aurais eux fois plus de négociations à faire avant de les convaincre de leur laisser Bob, tâche assez difficile de base.

Il est parti examiner sa nouvelle propriété, il doit se trouver dans l'Allée des Lanternes, non loin de là.

Je manquai de m'agacer. J'avais traversé le boulevard sus-nommé pour arriver jusqu'ici, m'avaient-elles pris pour une demeurée incapable de retrouver son chemin ? Par correction et malgré leur impolitesse, je leur adressai un merci ainsi que des salutations, alors que je fis demi-tour. Je le trouverais bien moi-même.

N'en déplaise à l'égo de la noble, elle erra pendant une bonne demi-heure avant de tomber sur une silhouette suspecte. Devant un bâtiment abandonné, un homme apparemment seul. Ce n'étaient ni les baraques en ruine ni les humains qui manquaient à Aros, mais après tant de marche et d'ampoules aux pieds, elle n'avait rien à perdre à lui poser une simple question.

Sieur Arthur Dayl ?