[Solo] - Souvenirs Dédaléens

-Nous sommes perdus, ai-je dit après une cinquantaine de minutes de silence.

La température et la brume environnante nous ralentis, la lueur de la lune nous descend dessus en forme d'halo et les arbres se secouent et prétendent flotter au-dessus du sol. Le fait que leurs branches ou les buissons ne se balancent qu'à peine aide l'imagination à penser que le lieu est hanté. L'épaisse buée qui s'échappe à chacune de nos respirations ne mets qu'une fraction de seconde pour disparaitre, comme si un fantôme l'aspire.

-Maître Itô? Ai-je demandé suite à son absence de réaction.

Ne se retournant pas, il continue de mener le chemin d'un pas convaincu. Mes lèvres font la moue, je suis peut-être trop jeune pour comprendre et je manque de patience, mais je réalise tout de même que dans les ombres de ces bois, nous sommes pour la première fois réellement en danger.

Après quelques minutes, mon mentor s'arrête peu avant qu'une vision sur-réelle prend place. Chacun de ces troncs qui ont parus flotter il y a quelques instants, se mettent à présent à se mouvoir. L'épouvante me gagne, mes yeux s'écarquille pendant qu'Itô, toujours aussi calme laisse échapper un faible rire.

-Co... Comment?! Ai-je crié.

Enfin, Itô se retourne. Ses cheveux longs attachés en prèle haute que j'ai pris pour habitude de porter moi-même, cachent légèrement son visage. Ses yeux bleus, que je peine à voir me fixent d'un regard inquiet et sérieux.

-Dans un instant dénué de sens, dans les doutes d'un danger. Rester calme est une priorité, la frontière entre la vie et la mort dépend du raisonnement, non de la peur. Le vécu renforce cette logique. Cite-t-il.

Une phrase qu'il m'a déjà inculquée au sanctuaire. Des mots qui, dans l'illusion de ces lieux se doit d'être rappelés. Je regarde alors mes mains, songeuse. Cela fait trois ans que nous avons quittés Kii et je me souviens encore de pratiquement chaque mot et de chacunes des histoires qu'il m'a raconté.

-"La forêt de Nimus, un dédale où Spectres, Revenants et Illusions y règnent. Ce lieu se présente comme une épreuve, un examen de la scincerité de nos actions. Un bois où la lumière ne guide pas, où la cohésion y est falsifiée par les créatures qui y vivent. Le danger qui y règne n'y est pourtant pas créé par le manque d'orientation ou par la violence, mais parce que nous y perdons simplement notre bon sens."

Un sourire me gagne lorsque enfin je comprends. La traversée de cette forêt, ce "raccourci" entre notre départ et notre destination n'est rien d'autre qu'une leçon du Maître. Une morale que je vais devoir comprendre, résoudre et assimiler par moi-même afin de pouvoir en sortir. Un enseignement qui, pour une fois, change de la violence physique de nos entraînements.

Calmée, je réfléchis à nos prochains mouvements. Auparavant nous avons marché presque en ligne droite, suivant ce chemin si logique que la forêt nous offre. Maintenant, je contemple nos alentours et essaie d'y discerner les incohérences. Rien à faire, où que je regarde un chemin m'apparaît comme s'il me demande de le suivre.

-Sa Na te manque ? Me demande-t-il.

Une étrange expression vient s'afficher sur mon regard. Itô ne dit jamais rien sans un but précis en tête et surtout, jamais il ne m'a posé ce genre de question. Après tout, selon ses dires :

-"S'attacher au passé en revient à s'attacher à quelque chose qui n'existe pas. Le présent et le futur sont les matières solides et modulables dont tu dois te soucier."

Encore une de ses autres initiations qui vient s'ajouter à mes pensées. Une théorie en tête, je redresse la tête et prend en charge nos déplacements. Sans hésiter, j'avance avec prudence, les yeux fermés.

Au bout d'une dizaine de minutes et après avoir trébuché presque à chaque pas, je me retourne. Je peux y apercevoir un Itô qui me regarde sans trop d'expression. Pas bien impressionner par mes actions, je réalise qu'une déception naît en lui. Ou alors s'ennuie-t-il seulement, un trait qui chez lui se fait assez récurant.

Je réessaye. Cette fois, j'essaie de me fier à mon imagination plus qu'à mes sens. Toujours sans résultats, cette forêt nous barre la route comme une porte de métal le ferait. Perdue depuis nos premiers pas ici, j'essaie de me retrouver quelques instants.

-Sa Na? Ai-je murmuré.

Ayant essayé de me guider par la raison, les souvenirs et les sens sans aucun réels succès, je pose une main sur mon buste et essaie d'y calmer mon coeur. Transpirante et essoufflée, je regagne confiance dans mes désirs et mes peines. Les émotions me gagnant peu à peu, je marche à présent sur ce chemin qui feinte et qui se transforme. Je me guide grâce à mes sentiments, grâce aux pensées que s'échappe de mon corps, grâce à ces larmes qui s'évadent.

Tremblante, ma peine s'enfuit de moi et lorsque je relève enfin le regard sur la réalité qui nous entoure, je l'aperçois. Sa Na, elle se dresse devant moi et s'envole dans les airs. Elle porte une longue robe blanche qui cache ses pieds et ses cheveux onduleux sont d'une couleur pareille aux feuilles des arbres. Me guidant de ses bras verts, elle m'emmène sur ce chemin que nous empruntons. Plus nous avançons, plus son coeur ressort de sa poitrine, telle une corne le ferait. Gracieuse, un petit son s'échappe de ce qui pourrait être ses lèvres. Un son de fée, d'une sirène gardienne d'émotions empli d'amour et de bonnes intentions. J'avance un peu plus rapidement, mes pleurs s'assèchent et mon envie de tomber dans les bras de mon amie d'enfance se fait de plus en plus grande.

La lisière apparaît et je regarde mes tentations avec peine voltiger dans les branches. D'un geste, la créature me salue et disparait dans des bulles de lumières qui s'envolent dans tous les sens. Mon angoisse me déchire, le chagrin recommence alors que je frappe le sol dans des gémissements et sanglots que je n'ai jamais vraiment expié.

Mon initiateur m'a laissé ainsi pendant un long moment, ne cherchant pas à couper ma plainte, mais me laissant la transpirer.

-Apprendre ce que l'on désire vraiment permet d'accéder à la paix, au bonheur. Lamente-toi Lai, tu ne peux te protéger de tes émotions plus longtemps.

-Pourquoi ? Pourquoi m'as-tu fait subir ça? Ai-je dis entre deux couinements.

Ses bras viennent autour de moi et ma tête se blottit contre sa poitrine, cherchant le réconfort.

-Parce que je tiens à toi, parce que tu souffre en silence dans ce voyage que tu as choisi de vivre par toi-même. Parce que tu es perdue dans tes souvenirs, dans ton passé et ta douleur. Me dit-il d'un ton lourd mais rassurant.

Je finis par hocher la tête contre son Kimono, admettant ma faiblesse, me laissant bercer par la nouvelle leçon du meneur.