Soyez cléments... [Mission Event]

La journée n'est pas très belle pour une sortie, même à Artario. Le ciel teinté de gris est bien morne et menace de déverser glaciale sur les passants à tout instant. C'est une journée rare dans les contrées de Scémède, même en hiver et il est difficile pour Rex de ne pas témoigner de son mécontentement.
A défaut de gronder, sa moue est figée en une expression contrariée et ses lèvres sont pincées depuis leur arrivée.

« Cessez donc vos enfantillages ! » la voix de Prudence claque comme un fouet à ses côtés. Son ton est assez bas pour qu'il soit le seul à entendre ses mots, mais son regard et assez perçant pour le faire reculer de quelques pas. « Vous êtes celui qui a insisté pour sortir. » lui rappelle-t-elle, sévère et Rex enfoui sa tête entre ses épaules.
Il lui faut un moment pour réprimer les bougonnements plaintifs prêts à s'échapper de sa bouche et parvenir à s'exprimer plus clairement. « C'était pour Clémence, explique-t-il sur le ton de la confidence, et j'ignorais qu'il ferait aussi froid ! »

L'aînée des de Gardefier lève les yeux au ciel, pose une main sur l'épaule de son cadet. « Exactement : pour le bien de notre sœur, veuillez afficher un sourire, cela fait longtemps qu'elle souhaitait cette sortie. »
Diplomate, elle attend patiemment la reddition de son frère qui ne peut qu'accepter son sort. C'est effectivement lui qui a insisté pour que Clémence puisse sortir, promettant de l'accompagner lui même pour qu'elle ne court aucun danger. Prudence s'était invitée par la suite, mais l'idée d'origine était la sienne.

Rex soupire, abdique et pince un sourire qui ne témoigne d'aucune sincérité. Pourtant, il semble suffisant pour satisfaire sa sœur : elle ne doute pas qu'il finira par en afficher un réel lorsque la plus jeune demoiselle se tournera vers lui.

Ou qu'il apercevra un monstre. Ou que Pluton et Minerve fasse quelque chose. C'est qu'il était un homme facile à contenter.

Ainsi, malgré la grisaille, la promenade à Artario reste plaisante. Clémence – d'habitude une jeune fille si taciturne – s'amuse des réactions candides de la petite Voltoutou de son frère et laisse échapper quelques rires qui émeuvent ses aînés.
L'idée n'était peut pas si mauvaise, et lorsque Prudence le fait remarquer, Rex bombe automatiquement le torse. « C'était mon idée, s'enorgueillit-il, Clémence avait besoin de temps loin de Père et Mère, j'avais bien raison ! » Mains sur les hanches, il se pavane, oubliant sans délais ses regrets d'un peu plus tôt. Prudence n'a pas le cœur de les lui rappeler.

C'est elle qui la remarque la première. Derrière Rex qui rayonne de fierté, elle aperçoit cette vieille dame trainant des sceaux derrière elle. Ils sont trop loin pour l'entendre, mais Prudence sait d'office que la pauvre femme peste et jure d'avoir renversé la moitié de sa charge. C'est probablement un miracle qu'il lui reste un peu d'eau dans ses sceaux.
La Dame de Gardefier retrousse son nez, murmure pour elle même « Personne ne compte donc l'aider ? » Malgré la grisaille, les rues ne sont pas désertes – pas encore – mais tout le monde semble ignorer la détresse de l'ancêtre. C'est déplaisant, assez pour que son expression attire l'attention de ses cadets.

Rapidement, les trois se retrouvent à observer le triste spectacle avec plus ou moins d'empathie dans le regard. Clémence semble perdue sur la marche à suivre, Rex simplement ennuyé. C'est pourtant sur lui que la vieille femme lève un regard.

La bougresse n'a pas l'air sympathique – probablement pour ça que personne n'est venu à son secours – mais elle ne quitte pas des yeux le sire aux chiens.
« Qu'est-ce que.. ? » visiblement mal à l'aise, le cadet de la fratrie cherche chez son aînée un début de réponse – ou la permission de prendre congé – mais celle-ci se contente de secouer la tête. « Mon frère, allez donc lui prêter main forte. »

Son expression se décompose avant qu'il ne fronce les sourcils, prêt à contester ses ordres. Prudence n'a pas la patience de l'entendre et lui intime le silence d'une main autoritaire. « Ne soyez donc pas comme tous ces manants qui refusent d'aider leur prochain alors que nous sommes si proches du Jour de la Paix ! »
Il bougonne en silence, pince les lèvres mais ne rechigne pas plus. Evidemment, elle a raison : il est bien meilleur que tous ces vilains. En revanche, la dame ressemble à une sorcière et il n'est pas désireux de l'approcher. Pas qu'il en ait peur, bien sûr que non : il était un redoutable chasseur de sorcières... Mais tout de même.

A sa grande surprise, Clémence le devance et il prend sa suite avec hâte. Sa si délicate petite sœur ne peut pas porter une charge aussi lourd !
Alors il s'empresse d'empoigner les sceaux, ignore le cri offusqué de la vieille femme. « Laissez nous donc vous prêter main forte ! » pépie Clémence, un sourire sur les lèvres. La dame n'a pas l'air ravie, son expression face à celle de sa petite sœur fait bouillir le sang de Rex, comment ose-t-elle ne pas apprécier leur présence et leur générosité ? Inacceptable !

Pourtant il ne dit rien, de même que la vieille femme n'ose pas se plaindre de vive voix. « C'est par là. » déclare-t-elle peu amène. Ca n'a pas l'air très loin, au moins la tâche ne sera pas trop longue !

Événement !

L'eau est gelée.
Voilà qui est fâcheux.

Sourcils froncés, Rex foudroie le fond du puits du regard comme si sa simple colère pouvait s'avérer suffisante à dégeler l'eau. Mais loin de s'en formaliser, celle-ci à l'audace de rester solide, le narguant de toute sa froideur.
Rex peste, Rex bouillonne devant une telle insolence.

Au moins autant que Clémence à ses côtés, qui s'offense d'avoir trouvé de l'aide uniquement pour se heurter à un puits gelé, incapable de faire son seul et unique travail correctement.
Prudence derrière eux lève les yeux au ciel, navrée de se rendre compte des similitudes entre son frère et cette paysanne. Rien de bien surprenant, ça ne l'empêche pas d'être peinée et d'en secouer la tête, défaite. Un soupir plus tard, elle enjoint sa plus jeune sœur de récupérer le long bâton reposant non loin de là. « Il le faudra pour briser la glace... Si elle n'est pas trop épaisse. » lui explique-t-elle posément.

La benjamine s'inquiète de voir son aîné fulminer de la sorte, mais Prudence la rassure : le comportement de leur frère n'est nouveau pour aucune d'elles deux, mais il semblerait qu'il faille plus de temps à la jeune Clémence pour s'y habituer.
Alors la jeune fille finit par abandonner les côtés de son frère qui bougonne et gronde dans sa barbe pour récupérer le bâton, mais lorsqu'elle se retourne pour l'apporter à Rex, celui-ci a remonté le seau hors du puits et à soulever Pluton.

Le spectacle ne lui dit rien qui vaille, même Prudence fait les gros yeux, et seule la vieille Clémence semble apprécier le plan qui se dessine devant elle.

« Que faites-vous ? » siffle l'aînée des de Gardefier, effarée par une réponse qu'elle connaît déjà. « Je- ! … Fondre la neige ! » il bougonne, peste et marmonne tant et si bien qu'entre deux grondements, son explication est plus sommaire qu'elle ne devrait l'être. Au moins a-t-elle le mérite d'être simple, mais les flammes d'un Démolosse ne sont généralement pas nécessaires pour une telle tâche.
Cependant, la jeune Clémence reste en retrait à la demande son aînée, désireuse de ne pas la voir brûlée par l'inconscience de leur frère. Lui même – soutenant Pluton pour ne pas qu'il chute – prend des risques inconsidérés.

Quel idiot.

Pourtant son plan fonctionne. Les flammes du chien sont suffisante pour faire fondre la glace et remplir les seaux de la vieille Clémence, ravie que quelqu'un ait réglé son compte à cet insolent de puits. Si elle avait été plus jeune et plus vigoureuse, nul doute qu'elle l'aurait fait elle même, assure-t-elle avec arrogance, comme si elle avait oublié qui était en train de l'accompagner.
Tout comme Rex, par ailleurs, qui n'hésite pas à la quereller sur le chemin du retour et à lui expliquer que sans le magnifique Pluton, elle serait restée impuissante.

La discussion sur le sentier est animée, teintant l'ambiance d'une surprenante complicité entre l'héritier de Gardefier et cette vielle femme ronchonne qui lui assure avec assurance qu'il n'y connaît rien.
Prudence est surprise, amusée même, de la scène qui se joue devant elle alors qu'elle suit l'improbable duo.

Le temps des adieux arrive plus prompt que prévu, et une fois sur le seuil, Rex se retrouve presque bien embêté. Il ne s'attendait pas à ça, pas à ne pas savoir comment dire au revoir. C'est la vieille clémence qui prend l'initiative, les remerciant à mi-mots non sans asséner une désagréable remarque sur sa vitesse de marche avant de lui claquer la porte au nez.

« Vieille folle ! » gronde-t-il à son attention, le poing levé, la colère feinte.
Lorsqu'il se retourne vers ses sœurs, contrarié, il hausse les épaules. « Avez-vous donc vu l'ingratitude de cette bonne femme ? Incroyable. » bougonne-t-il, lèvres pincées et mine renfrognée. La jeune Clémence garde un silence sage, jette un regard vers son aînée pour guetter sa réaction. Mais Prudence réagit à peine, esquisse simplement un maigre sourire avant d'enjoindre ses cadets à reprendre la route vers le marché.

Après tout, ils ne sont pas venus ici pour simplement aider les petites gens !

Événement !