Vous vous trompez Octave... [Mission]

Wisteria est l'apprentie, Wisteria se charge des missions ingrates, Wisteria doit aller faire les courses, rapporter à manger, faire la bonniche pour le compte d'un Mercutio qui est tranquillement assis à son comptoir à jouer avec quelques cartes de tarot pour « lire son avenir » histoire de rire un peu. Elle peste intérieurement, son orgueil d'aristocrate -même demi-sang- refait parfois surface et elle se surprends à ne pas supporter de recevoir les ordres d'un...Stupide roturier au caractère de Groret. Mais bon, elle doit calmer ses nerfs. Pour ne pas que l'on remarque qu'elle soit aristocrate, il faut qu'elle ne se comporte pas comme une aristocrate, c'est aussi bête que ça. Alors les courses, elle se les coltine en fulminant intérieurement.

C'est plutôt rare de sortir le jour à Aros, enfin, même en fin d'après-midi ça paraît bizarre. La ville n'est pas très peuplée mais c'est à ce moment que Wisteria en profite pour faire ses emplettes. Quand la foule est trop grande, elle ne peut empêcher les crises de paranoïa de s'éprendre d'elle. Alors les ruelles vides comme ça, c'est parfait pour elle. Elle se retourne tout de même plusieurs fois à chaque coin de rue, comme à son habitude, comme si un espion de Scémède la traquait comme du gibier. Mais comme d'habitude, personne. Alors elle reprends son chemin et finit par atterrir au centre-ville.

Elle sort nonchalamment le morceau de parchemin que lui a laissé Mercutio. Des baies, des épices, le peu de légumes qui supporte le climat d'Aros et bien entendu, du poisson. Mercutio est un grand amateur, il a même un ami poissonnier. Wisteria sait exactement où se rendre, à qui demander et quoi choisir. Elle arrive tranquillement devant l'échoppe et retient son souffle, pour sa part, elle a toujours détesté l'odeur du poisson. Et si il y a bien quelque chose qu'elle regrette de Scémède, c'est le gibier et la viande saignante. Ah, voilà que le vieux Octave se tourne vers elle, elle s'apprête à ouvrir la bouche pour passer commande quand le regard de ce dernier s'illumine.

« Ah vous vl'a mon p'tit ! »

Cela arrache à Wisteria un sourire crispé. Elle ne sait pas comment prendre la chose, d'habitude, on respecte son identité féminine mais là le vieux bougre vient de lui donner un grand coup de poing métaphorique en pleine face.

« Octave, c'est moi, je... »

Il ne lui laisse pas le temps de parler et la traîne derrière le comptoir. Il lui explique la situation dans les grandes lignes, il doit s'absenter un moment, une poupée pour sa petite fille, attendrissant, hein ? C'est Wisteria qui doit garder le stand et répondre aux commandes en attendant, Octave a confiance en elle, elle sait ce qu'elle fait. Il la connaît bien, après tout, même si il la mégenre tout le long de son discours, laissant la jeune femme figée dans un rictus indescriptible.

« M-mais Octave, c'est moi, vous vous souvenez ? La diseuse de bonne aventures, l'élève de Mercutio, votre ami ! Vous êtes même venu à la boutique pour... »

Il l’interrompt d'un geste. Pas de blabla, ça fait perdre du temps et une file de clients attends déjà devant l'échoppe, il remercie encore une chaleureusement « le jeune garçon » et s'éclipse, laissant Wisteria seule face à une horde de clients avides de poissons. La première est une femme qui paraît peu sure d'elle, elle observe Wisteria du regard et lui demande d'une voix fluette.

« Je cherche à cuisiner du Magircarpe pour mon mari, vous avez une bonne recette ? »

Wisteria ricane nerveusement.

« Oh, et bien... Revenu au four avec des herbes, du sel et du poivre et servi avec un peu de jus de baie Citrus...Comme tout les poissons, quoi. »

Elle n'a aucune idée de ce qu'elle raconte. C'est comme ça que Mercutio cuisine tout ses poissons. Inutile de dire que des fois, ça a un goût immonde mais que peut-elle dire de plus. Elle n'est pas poissonnière, quoi que le vieux Octave ait pu pensé. Il commence à perdre la boule le pauvre vieux ? Wisteria soupire.

L'après-midi s'annonce bien longue.

Alors, alors... Gérer le volatile. Wisteria grimace, c'est un client, ça ? Il n'a pas l'air d'avoir d'argent sur lui et pourtant, il reste planté là en la regardant avec insistance. Elle reste un moment à le regarder droit dans les yeux, comme si ça pouvait lui permettre de lire dans son esprit. Mais... Juste un « hum hum ! » qui se fait entendre de la part du client derrière, elle lui échange un regard embarrassé.

« Désolée, je...Je vais m'en occuper. »

Peu sure d'elle, la jeune fille saisit le Psykokwak en dessous des bras et le traîne derrière le comptoir, le posant sur le tabouret réservé au vendeur quand il fait sa pause. Elle éclaircira l'affaire en temps voulu. En attendant, elle sert le client suivant qui lui demande...Du Limonde. Qu'est-ce que quoi ? Il faut qu'il répète et lui montre d'un air bien énervé pour qu'elle comprenne. Ah, ce truc. Répugnant... Elle le sert comme elle peut, touchant avec dégoût la marchandise et se demande encore une fois pourquoi elle n'est pas simplement partie en douce. Pour sûr, Octave aurait perdu du chiffre d'affaire, mais au moins, elle, elle serait à l'aise dans sa boutique !

Puis vient le prochain client, il demande un Écrapince. Ah, ça elle sait à quoi ça ressemble donc elle s'empresse de le servir, ce qui lui donne le temps de demander vite-fait au passage :

« Dites, vous savez ce qu'il fiche là ce Psykokwak ? Je...Je ne suis qu'une remplaçante d'Octave donc je n'ai pas toutes les informations en mains et il ne m'a pas prévenu qu'il avait...Un tel client. »

Oh, par pitié qu'il lui donne une réponse au lieu de la fixer si bizarrement. Qu'il ne lui dise pas un truc du genre « vous avez une voix vachement masculine pour une femme » ou qu'il lui dise qu'elle pue l’encens et que c'est bizarre pour une poissonnière, elle veut une réponse utile, pas de critiques sur sa tenue. Qu'est-ce que fout ce volatile ici et qu'est-ce qu'il est venu chercher au juste ? Des emmerdes ? Il a une belle gueule de chercheur d'emmerdes oui.

Le Psykokwak quand à lui, attends sagement que la jeune femme ait servit son client pour retendre la main vers elle, attendant...Je ne sais quoi. Il fait la manche peut-être ? En attendant, ça devient embarrassant. Par Arceus, que quelqu'un daigne au moins donner une piste à cette pauvre Wisteria qui n'a littéralement rien à faire ici !

« Oh, lui... » Réplique le client en jetant un coup d'oeil agacé à l'indésirable. « Il vient toujours dès l'ouverture, en général, Octave lui donne le seau plein d'abats à coté de vous. »

Wisteria cligne des yeux avec un sourire pincé aux lèvres. À coté d'elle ? Pardon ? Une horreur pareils à quelques pas d'elle et elle ne l'a pas remarqué ? Elle grimace et tente de reprendre son calme, hors de question de donner ce seau de saloperie à se pauvre pokémon, hors de question de toucher ce seau de toute façon. Elle n'est pas poissonnière et ne le sera jamais.

« Vous êtes sûr qu'il n'y- » Ah, elle parle dans le vide, l'autre con est déjà parti depuis longtemps et maintenant c'est une petite vieille qui lui fait face.

Elle la fusille du regard et Wisteria lui adresse un sourire gêné. Après quelques bonnes secondes de silences, la vieille Groret finit par déclarer d'une voix enrouée et cassée quelques insultes puis un :

« Les garçons comme vous devraient avoir honte ! »

Wisteria lève les yeux au ciel, ce n'est ni la première ni la dernière fois qu'elle entends ce genre de sermon, elle secoue la tête en soupirant et en s'appuyant sur le comptoir. Elle qui avait peur que son maquillage ait coulé ou que sa belle coiffure se soit défaite. Non, il s'agit juste d'une vieille conne.

« Les vieilles Groret comme vous ne sont pas servies en poisson dans ce quartier, essayez ailleurs. » Déclare-t-elle froidement avant de crier un « Au suivant ! » Vu que la vieille, ébahie pas tant d'effronterie, refuse un premier temps de bouger mais se fait bien vite bousculer par la foule.

Le Psykokwak applaudit. Wisteria se retourne, surprise. Elle ne sait pas si il a bien comprit ce qu'il vient de se passer mais sa réaction est amusante, elle lui adresse un petit sourire. C'est qu'elle commence à s'y attacher à ce mendiant. Elle lui donnera bien quelques poissons quand la journée sera terminée tiens. Parce que ce con d'Octave semble bien mettre du temps à revenir. Tant pis pour lui, il va perdre des clients, voilà qu'un homme qui la dévisage comme la vieille lui demande comment cuisiner de la Froussardine.

« Laissez tremper dans la pulpe de baie Tamato pendant au moins une demi-journée puis revenue à la poële avec un peu d'huile. Vous verrez, c'est délicieux ! » Déclare-t-elle d'une voix mielleuse.

« De la baie Tamato ? Mais ça va m'arracher la gu- » Essaye de protester l'homme.

« Suivant ! »

Wisteria est sans pitié.

Elle regarde avec une certaine impatience le ciel se noircir et se couvrir d'étoiles. Les rues s’illuminent et le flux de personnes dans les rues devient plus dense, les clients sont plus nombreux, elles se trompent plusieurs fois dans ce qu'elle vends mais ne se reprends pas -ou plutôt, on ne la reprends pas. Une dame revient en se plaignant que ce n'est pas l'Ecayon mais du Barpau qu'on lui a vendu.

« Oui, et bien je vous ferais dire que le Barpau c'est très bon quand même, essayez et venez vous plaindre après si vous n'êtes pas contente ! » Proteste Wisteria, déjà à bout et mise à mal par tant de monde.

« Votre commerce va faire faillite, je peux vous l'assurer ! » Réplique la jeune femme en colère.

« Je m'en fout, c'est pas le mien ! » Réponds Wisteria du tac au tac.

Et tout ça, sous le rire des autres clients. Finalement, il semblerait que les clowneries de Wisteria aient séduit le public et c'est la jeune femme qui s'en va toute penaude d'avoir du Barpau au lieu de l'Ecayon qu'elle souhaitais cuisiner pour ses enfants. Wisteria l'infâme, elle, regarde toujours le ciel et demande au canard ahuri derrière elle si il pense que cet abruti d'Octave va revenir bientôt, parce qu'à force de vendre n'importe quoi, à n'importe qui et pour n'importe quel prix, elle va vraiment finir par faire couler la boutique. Le Psykokwak penche la tête sur le coté, la jeune femme prends ça pour un  « je ne sais pas trop » et soupire de fatigue.

« Mais qu'est-ce que j'ai fais à Arceus pour mériter tout ça ? » Gémit-elle en se pinçant l'arrête du nez. « Je vais devenir folle... »

Le pokémon descends de son tabouret et lui tapote la main. Elle lui sourit et lui demande d'une voix douce.

« Et toi, tu n'as pas de maître, personne ne t'attends? »

Soit il ne comprends pas la question, soit il n'a effectivement aucun maître car il baisse la tête d'un air malheureux. Wisteria soupire, elle peut peut-être convaincre Mercutio de le laisser squatter la boutique, après tout, ce n'est peut-être qu'un pokémon de type eau mais on raconte beaucoup de choses sur leurs ondes psychiques et leur immense pouvoir, ça vends du rêve non ? Elle est convaincue qu'elle peut convaincre les petites vieilles de la clientèle de Mercutio que le Psykokwak peut lire leur avenir dans une boule de cristal. Il suffit juste de connaître les bons tours.

Tandis qu'elle y réfléchit, une voix familière la fait sursauter.

« Ah, c'est toi mon petit ! Tu m'as bien aidé ! J'ai dû faire le tour d'Aros pour trouver ce que je cherchais ! » Octave est de retour, enfin. Wisteria lui adresse le regard le plus blasé du monde.

« Je croyais que vous vous étiez manger une charrette en pleine gueule en cours de route. » Marmonne-t-elle. Le vieux a l'oreille sourde et demande à Wisteria de répéter. « Je...Disais que je m'inquiétais pour vous, on ne sait jamais ce qui peut se passer, vous savez... Heureuse de savoir que vous ne rentrez pas bredouille. »

« Tu as raison, mon garçon, on ne sait jamais. » Affirme le vieux poissonnier en hochant solennellement la tête. « Mon propre père est sorti un beau soir pour nous dire à ma mère et à moi qu'il partait acheter du lait d'Ecrémeuh et il n'est jamais rentré. Paix à son âme. »

Wisteria hoche la tête en se retenant de rire, imaginant bien le bonhomme en question refaire sa vie dans la luxuriante Scémède avec une séduisante amante et une petite fortune. Mais ça, elle le garde pour elle. Parce qu'elle n'est pas complètement sarcastique et que la candeur du vieil homme est touchante malgré tout. Elle soupire tout de même et s'étire.

« Je suppose que je peux rentrer chez moi maintenant ? »

Le vieil homme hoche vivement la tête.

« Oh oui, mon petit, bien entendu, voilà ta récompense. » Il lui pose entre les mains une amulette, il n'a pas besoin de parler que Wisteria en a déjà deviner la nature. « Une amulette de Citrine, mon bon vieil ami Mercutio m'a toujours dit que c'était une pierre qui attirait la chance et la richesse ! »

« Vous m'en direz tant... » Soupire Wisteria, acceptant tout de même l'amulette. Une fois purifiée dans l'eau, elle pourra toujours être revendue, c'est au moins ça.

Le vieil homme reprends sa place derrière le comptoir pendant que les clients impatients se mettent à bavarder entre eux, fusillant Wisteria du regard qui, elle, a le regard plongé sur cette amulette de pacotille. La pierre est vraie mais...Des comme ça, elle en a des centaines chez elle. C'est un peu frustrant d'avoir une telle récompense après un tel bordel.

« Oh Asclepius ! Je ne t'avais pas vu, le garçon ne t'as pas donné ton seau ? » Demande Octave, remarquant la présence du Psykokwak et s'apprêtant à lui présenter l'infâme mixture. Wisteria intervient à temps.

« Oh, euh, pardonnez-moi. Je...Le Psykokwak, je lui donne un Magicarpe, si il aime tant le poisson que ça...Autant qu'il en prenne de l'entier, non ? » Suivit d'un rire un peu bête. Mais bon, ça fonctionne, Octave hoche la tête.

« Après tout ce que tu as fais pour moi, mon garçon, je peux bien t'accorder ça. » Et il lance au canard un Magicarpe bien dodu que ce dernier s'empresse de gober avec délice. Wisteria soupire de satisfaction, elle aura au moins empêché la mort d'un pokémon par intoxication alimentaire aujourd'hui.

Elle s'en revient chez elle en traînant des pieds, épuisée aussi bien physiquement que mentalement, la nuit est déjà bien entamée, Mercutio va sans doute râler sur son absence mais elle ne compte pas se mettre au travail. Elle ira directement se coucher. Oui, elle fera comme ça, c'est décidé. Ce n'est pas la première fois qu'elle enverra Mercutio balader.

Un « Kwak » la fait sursauter et elle se retourne rapidement. Asclepius l'a suivi et lui tends la main, encore une fois. Elle fronce les sourcils. Du poisson, mais elle n'a pas de poiss... Et merde ! Le poisson, elle n'en a pas ramené, elle était spécialement partie pour ça à la base. Oh et puis zut, elle est trop fatiguée ! Elle essaye de faire comprendre à son ami canard qu'elle n'a plus rien d'intéressant sur elle mais rien à faire, il la suit tout de même. Et ce jusqu'à la boutique où elle se fait accueillir par un :

« Ma chérie, tu pue les égouts, c'est insupportable ! Tu es allée y prendre un bain ou quoi ? Ça va faire quatre heure que- » Se plaint Mercutio avant d'être interrompu.

« Ton ami poissonnier devient sénile, il m'a prit pour son apprenti, et tiens, ça c'est pour toi. Ma récompense. » Elle balance la Citrine sur le comptoir. « Moi je vais prendre un bain et je vais me coucher, la prochaine fois, ton poisson, tu ira le chercher toi-même ! »

Long silence tandis qu'elle monte les escaliers. Mais une question la cloue sur place.

« Et le Psykokwak ? »

« Il m'a suivi ? »

Inutile de poser la question, le pokémon titube vers elle et lui prends la main. Mercutio rigole de sa voix de ténor et ajoute un petit :

« Tu compte le garder ? C'est Ciguë qui va être jalouse, déjà que tu l'a abandonnée dans ta chambre toute l'après-midi ! »

Wisteria répéterait bien qu'elle ne s'attendait pas à être retenue autant de temps pour une histoire aussi stupide mais elle se tait. Au lieu de ça, elle observe le pokémon et soupire lourdement, trop fatiguée pour le chasser. Puis il est trop gentil pour qu'elle en ait réellement l'envie aussi.

« J'y réfléchirait demain ! » Déclare-t-elle.

En attendant, le Psykokwak peut au moins l'aider sur un point : elle ne dirait pas non à un bon bain à bulles.