Ariah n’en pouvait plus. Depuis quelques temps, Djhaz était impossible à tenir, trop excité, à courir partout dans tous les sens. Il avait beau essayé de se retenir, il avait un trop plein d’énergie à dépenser, et il ne semblait jamais à court d’énergie. Pourtant, la danseuse essayait de le sortir plus que d’habitude, mais ça ne suffisait pas. Et elle n’avait pas le temps de bien s’en occuper, ou alors son entraînement en pâtissait. Et l’agitation du Dynavolt lui tapait sur les nerfs, réellement. Il couinait, gémissait, réclamait tout le temps une sortie. Il semblait perturbé par quelque chose, mais la danseuse était incapable de définir quoi. Cela dit, elle devait reconnaître qu’elle aussi était nerveuse. Bientôt, il y aurait les pèlerinages au Val de l’Aube, pour célébrer le jour de la Paix. Elle avait une furieuse envie d’y participer, de pouvoir quitter le palais un moment et voyager, voir du pays. Elle savait que son professeur de danse et sa troupe de saltimbanques allaient faire une halte ici avant de se rendre au Val, et elle voulait partir en voyage avec eux. Mais il fallait que le Monarque accepte qu’elle parte quelques jours, et elle ne savait pas vraiment comment obtenir son accord. Elle ruminait sur ce sujet depuis plusieurs jours déjà. Imaginer un refus de la part de son seigneur l’enrageait, mais elle savait qu’elle ne pourrait pas lui désobéir. Elle ne savait pas comment amener ça. Surtout, elle ne se sentait pas sincère envers elle-même. Voulait-elle tant que ça allait au Val de l’Aube parce que ça lui importait, qu’elle croyait en ce symbole, ou était-elle guidée par le désir égoïste d’enfin voyager et voir du pays ? Cet état de fait avait un côté stressant pour elle, et elle ruminait sans interruption. Cette tension, le Dynavolt la percevait et ça le mettait sur les nerfs de sentir une telle nervosité sans pouvoir agir. La Chenipotte se moquait bien de tout ceci. Quant à la Spoink, elle était tout le temps intimidée par tout et rien, et elle était très effacée. Si elle essayait de se faire encore plus discrète que d’habitude, elle ne semblait pas affectée outre mesure.
Ce matin là, encore une fois, l’oiseau rouge avait été réveillée tôt par Djhaz qui voulait sortir, qui trépignait. De l’électricité jaillissait de son pelage. Plus il tournait en rond dans la chambre, plus il en accumulait dans sa fourrure. Cette créature était un terrible cercle vicieux. Plus il courrait pour se dépenser, plus il accumulait de la foudre dans son pelage, et plus il semblait avoir envie et besoin de courir. Mais Ariah n’était pas vraiment une experte en monstre. Les affrontements, ça n’était pas sa tasse de thé, et elle ne voulait pas se battre. Elle ne savait pas guider ses créatures lors d’un combat. En plus, depuis le dernier incident dans les jardins, elle se méfiait de se périmètre. Elle n’avait aucune envie de retomber sur la folle au Medhyena qui allait l’insulter et lui sauter à la gorge. Elle avait été accusée une fois d’avoir détruit un jardin –ce qui était à moitié faux- elle n’avait aucune envie de recommencer à subir ce genre d’assauts. La jeune femme grogna et enfila sa tenue de tous les jours, vêtements amples en tissu épais vu la saison, bottes et grande cape. Elle allait devoir trouver une solution pour gérer son Dynavolt. Il l’énervait trop.
Histoire que tout le monde se dépense, elle fit signe aux deux autres monstres de se préparer. Elle enroula la chenille dans une grosse écharpe pour la protéger du froid, et elle sortit. Elle voyait déjà Djhaz qui trépignait, prêt à partir bille en tête pour courir partout et faire, probablement, des bêtises. Elle gronda et il se calma, quelques instants, au moins le temps qu’elle atteigne une partie des jardins. Là, elle ne parvint pas à le retenir. Lui qui était si obéissant d’habitude s’élança sans réfléchir. Elle allait devoir trouver une solution, et vite. Déjà, elle s’éloignait des jardins. Elle savait son Dynavolt assez bien dressé pour ne pas aller courir dans les fleurs, mais si l’autre folle aux plantes était là, elle allait passer un mauvais moment. Autant l’éviter.
Alors qu’elle errait en quête d’une solution, elle aperçut une tête blonde qui lui était un peu familière. Elle le reconnut au bout de quelques secondes. Il s’agissait d’Ely. Lui aussi travaillait au palais, pas en tant que danseur cela dit. Ils avaient eu l’occasion de discuter brièvement en quelques occasions. Si sa manière de parler un peu trop franche et directe gênait la danseuse, il avait le mérite d’être gentil, et d’avoir posé sur les compétences de danse de la demoiselle un regard trop rare : il avait porté son intention sur la discipline en elle-même. Elle connaissait en outre les bruits qui couraient sur lui, et sur son stock inépuisable d’énergie. C’était là une merveilleuse aubaine pour elle. Si elle lui plaisait assez, et qu’il était aussi naïf qu’il en avait l’air, elle devrait pouvoir en faire ce qu’elle voulait. Et peut-être que mettre Djhaz à son contact l’aiderait à se défouler. Elle en avait besoin. Aussi, s’approcha-t-elle pour le saluer, esquissant ce qui s’approchait le plus d’un sourire.
« Bonjour Ely. Auriez-vous un peu de temps libre ? J’aurais besoin d’un service… »
Tenant toujours Ansaya dans les bras, elle siffla Djhaz qui s’approcha, s’asseyant à peine à ses pieds. On pourrait croire que s’asseoir lui était douloureux tellement il devait se dépenser. La Spoink derrière jetait des regards un peu angoissés, ayant peur qu’une jardinière folle lui saute dessus…
« Cela fait quelques jours que mon Dynavolt est… Comment dire… Intenable. Je n’arrive pas à lui faire dépenser son trop plein d’énergie. Pourriez-vous m’aider ? J’ai ouïe dire que vous étiez inépuisable, et j’aurai grand besoin de quelqu’un comme vous présentement… »
Ils avaient beau se connaître un peu, Ariah avait pour habitude de vouvoyer les autres. C’était une des nombreuses manières qu’elle avait de dresser des barrières entre elle et le reste du monde. Une habitude comme une autre… En tout cas, elle espérait que le jeune homme accepterait de l’aider. Elle n’allait pas supporter plus longtemps de ne pas pouvoir s’entraîner, et Djhaz était trop brusque pour une initiation à la danse. En outre, l’Oiseau Rouge ne voulait pas penser à ça. Elle n’avait pas prévu d’intégrer un chien surboosté à ses numéros.