Seule la lumière pourrait défaire nos repères secrets.

Dolorès avait une démarche étrange. C'était comme si son esprit dansait, mais que son corps refusait les mouvements qu'il voulait lui faire faire. Les yeux mis clos et rouge, la gitane marchait lentement vers un endroit qu'elle détestait au plus profond de son cœur, même si son corps n'y avait jamais franchi le seuil. La grotte mousse.

Cet endroit était réputé pour accueillir les jeunes couples, les tourtereaux qui s'aimaient encore à la folie. De cette grotte, était né beaucoup d'histoire d'amour, mais aussi de souvenirs à l'eau de rose. Ce sentiment d'euphorie, d'excitation et de bonheur, qu'elle avait connu jadis lors de sa jeunesse. Cet homme lui l'avait rendu stupide au point d'être malléable, docile et aimante. Cet homme, beau comme un dieu, qui avait les plus belles paroles du monde, et qui l'avait fait voyager tout autour de la terre rien qu'avec des histoires. Cet homme lui avait ruiné sa naïveté, et détruit la vision qu'elle avait de l'amour.

Si sa démarche était particulière, c'était à cause de plusieurs facteurs. Le premier, la danse. Dolorès s'était réfugiée dans une taverne animée, où elle avait usé de tout ses charmes pour gagner le plus d'argent possible. Et malgré les quelques pièces d'or qu'elle avait pu récolter, la deuxième partie de sa soirée se déroula derrière un comptoir, où elle se fit payer des verres. Et lorsque la gitane en eut marre de tous ces hommes prêt à tromper leur femme pour une baise rapide derrière le bâtiment, elle demanda au tavernier de remplir sa gourde avec de l'eau de vie, donna ses pièces durement gagnée, et quitta les lieux, le cœur mélancolique.

Elle était rarement dans ce genre d’état. Généralement, Dolorès était le symbole de la femme forte, féministe et manipulatrice. Et beaucoup la respectaient, ou l’injuriaient pour cela. Mais ce fort caractère était aussi la cause d'une grande souffrance cachée. Elle arriva enfin devant l'entrée de cette fichue grotte, où les gens s'aimaient. Dolorès regarda les mousses qui tombaient en cascade devant les pierres, à la fois dégoûtée et envieuse. Comment un seul homme avait-il pu la détruire autant ?

- Eres un sucio hijo de puta ! S'écria-t-elle. Has arruinado mi maldita vida !

Son tiboudet à côté d'elle, fut surpris d'une telle violence dans sa voix. Même s'il ne comprenait pas vraiment ce qu'elle venait de dire, il savait en revanche au timbre de sa voix, qu'elle était en colère, et blessée.

La gitane baissa les yeux un instant, pensive. Elle prit une grande gorgée d'eau de vie dans sa gourde, et se décida à rentrer dans cette fameuse grotte. Elle s'assied contre un rocher, la tête vers le haut, les sourcils froncé. Au fond d'elle, Dolorès se demandait pourquoi elle avait mérité cela. La soirée s'annonçait longue, et pleine de questionnements.

La gitane avait les yeux mis clos. Cela faisait un moment qu'elle fixait la paroi rocheuse en face d'elle, sans dire un mot. Ses longs doigts se balladèrent sur le pelage chaud du tiboudet couché à ses côtés. Son autre main, fermée sur la gourde, allait et venait du sol jusqu'à sa bouche. Quelle triste soirée.

Dans sa tête, beaucoup de mots se mélangèrent, beaucoup de souvenirs et de regrets. La gitane sentait parfois des larmes monter dans ses yeux, et d'autres fois, elle hésitait à commettre un meurtre sur la première personne qu'elle verrait. Cette sensation étrange qu'elle vivait faisait mourir son coeur, peu à peu. Il avait beau être blindé, lorsqu'une faille se présente, ça faisait mal.

Gringo dressa les oreilles vers le brui qu'il entendit à l'extérieur de la grotte. Un monstre sauvage ? Certainement. Mais lorsqu'il sentit la pression de la main de sa gitane sur son encolure, ses inquietudes s'envolèrent, et le canasson baissa la tête de nouveau, cherchant le sommeil. Mais lorsque cette fois ci un raclement de gorge se fit entendre, le jeune poney se leva brusquement, cherchant dans l'obscurité qui était présent.

C'était une jeune femme qui avait pénétré dans la grotte. A ses pieds, se tenait une créature affreusement laide, toute ronde, et aux dents aussi grosses que sa tête. Jamais le canasson n'avait vu une chose pareille. La gitane quant à elle, tourna péniblement son regard vers la nouvelle arrivante. Son maquillage noir était étalé sur ses joues, et son regard était assassin. Malheureusement pour Kaliska, elle était arrivée à son niveau au moment où Dolorès avait envie de commettre un meurtre.

- Quoi ? Dit-elle, la voix cassée.

Elle se leva péniblement, et les effets de l'alcool la déséquilibrait beaucoup. Les cheveux lâchés, et la voix rauque, la gitane continua avec son haleine d'eau de vie.

- Qué passa ma jolie ? T'as perdu ton amoureux ?

Son intonation était à la fois provocante, et étrangement froide. Sa gorge était extrêmement sèche, et l'eau de vie n'arrangeait pas les choses.

La vision de la gitane se floutait par moment. Était-ce à cause de l'obscurité présente, ou bien de l'alcool qui se répandait progressivement dans ses veines, et qui remontait à son cerveau ?
Les deux, certainement.

La femme en face d'elle ressemblait à une indienne, ou une sauvage. Dolorès avait enfin trouvé une femme habillé plus léger qu'elle. Un pagne qui cachait ses parties génitales, un bandage au niveau de la poitrine, une chevelure sulfureuse, et des bijoux très imposants. Dolorès ne put s'empêcher de se dire que Kaliska n'était qu'une pâle copie d'elle même. Mais lorsque la demoiselle ouvrit la bouche pour rappeler le fait que les hommes sont inutiles, la gitane arqua un sourcil. Elles se ressemblaient beaucoup, en effet. Mais Dolorès n'était pas tout à fait de cet avis.

Un homme servait à bien des choses. Malléable, et riche de préférence, il devenait un bon parti, et un atout majeur dans cette société qui considère la femme comme inférieure. Pour peu qu'il ait un bon coup de bassin, et cela devenait presque agréable. La gitane pencha sa tête sur le côté, certainement que son cou avait décidé de ne plus travailler pendant quelques secondes. Ah, l'eau de vie... Quelle invention merveilleuse. Dolorès en était amoureuse.

Elle ne put s'empêcher de sourire lorsque la jeune fille en face d'elle souleva l'odeur piquante de son breuvage. Elle ne savait donc pas ce qu'était l'eau de vie ? Bien qu'elle ait l'air d'une souillon, elle ne semblait pas en avoir le vécu. Pure. Dolorès grimaça. A son âge, elle buvait déjà bien plus que raison.

- N'insultes pas le remède de l'amour, dit la jeune femme en brandissant sa bouteille vers le ciel.

Son bras redescendit mollement le long de son corps, et son regard redevint provocateur.

- C'est pas assez romantique pour toi ? Quel dommage. Le sol mousseux encaisse bien les chocs pourtant...

Lentement, la gitane fit glisser ses longues jambes vers son rocher des complaintes, et posa ses fesses contre la pierre froide. Elle détacha son regard de la sauvage l'espace d'un instant, pour reprendre une gorgée d'eau de vie. Gringo, lui, faisait fit de la petite bestiole au sol, gardant toujours un œil sur sa gitane. Hors de question qu'elle tombe et se fasse mal !

La gitane fixa le mur de pierre en face d'elle d'un air mélancolique. Elle avait souvent de genre de passe un peu difficile, mais généralement, personne ne voyait sa petite déprime. Elle était toujours dans sa carriole, bien cachée des regards extérieurs. Se dévoiler ainsi devant une inconnue de surcroît, était très inhabituel pour elle. Mais peut être après tout que Dolorès avait besoin de compagnie ? Peut-être avait-elle besoin d'une épaule sur laquelle pleurer, et d'une oreille bienveillante qui pourrait entendre ce qu'elle avait à dire ?

Lorsque la sauvageonne demanda quel était ce breuvage, les questionnements de la gitane s'évanouirent en quelques secondes, comme si la faiblesse n'avait pas sa place dans son corps. Elle tourna son regard ambré vers Kaliska, désormais assise à ses côtés, et eut un petit sourire. Lentement, elle tendis la bouteille, veillant à ce que rien ne se renverse. Dans son état, un accident était vite arrivé.

- Goûtes, tu verras bien.

La gitane eut un sourire malicieux, désireuse de voir comment la jeune femme en face d'elle allait réagir lorsqu'elle prendrait une première gorgée. L'eau de vie était très forte, et malgré l'arrière gout fruité qu'il y avait, cela ne cachait pas le gout brûlant de l'alcool. Dans son pays d'origine, elle avait connu des gitans qui mélangeait cette eau de vie avec des fruits écrasés, liquéfiés. Le breuvage devenait soudainement plus sucré, plus goûtu, et beaucoup plus traite. Enfin, ici, Dolorès n'avait que faire d'une boisson douce pour ses papilles. Tant qu'elle voyait flou au final, le but était atteint.
Qu'est ce que disait sa mère déjà ? Qu'importe la fiole tant qu'on a l'ivresse.

- Quel compagnon ? Cracha-t-elle comme une vipère. Aucun n'a l'audace de vivre à mes côtés.

Non, pas un n'avait eut au moins la décence d'apprendre à connaitre Dolorès avant de la pénétrer. Les hommes étaient tous les mêmes, de toute façon.

- Et toi, pourquoi tu es là ? Si tu n'aimes pas le romantisme, ni les hommes, ni les couples ?

Question piège ? Peut être. Personne ne venait dans cette grotte sans y avoir un intérêt derrière.

La gitane posa son regard sur l'étrangère, un fin sourire au visage. Il fallait dire qu'elle était plutôt fière de l'influence qu'elle avait sur les autres. Quoi, c'est vrai, sans Dolorès, Kaliska n'aurait jamais bu une goutte d'alcool ce soir là. Lorsque cette dernière toussa, se plaignant que le liquide était trop fort, la belle eut un petit rire, et récupéra sa bouteille sans attendre plus longtemps. Elle haussa les épaules, et prit une nouvelle gorgée, comme si la présence de son eau de vie la réconfortait, et que la bouteille avait été trop longtemps éloignée d'elle.

- C'est pour ça que c'est aussi bon, lui dit-elle. Parce que c'est fort.

Dans son esprit, Dolorès imagina un chibre dressé, et fit rapidement une comparaison avec cette image, et ce qu'elle venait de dire. Un nouveau ricanement sorti de sa bouche pulpeuse, mais cette fois ci, sans que Kaliska en sache la raison. Et peut être que c'était mieux comme cela. Les hommes sont des lâches ! S'écria-t-elle sans retenue. Dolorès perdit son sourire l'espace d'un instant, les yeux plantés vers le mur en face d'elle. La colère laissa place à la nostalgie et à la tristesse. La question n'était plus pourquoi les hommes étaient tous des lâches, mais comment reconnaître un homme qui ne l'était point ?

Elle inspira profondément, se perdant dans ses pensées. Lorsque Kaliska lui dit qu'elle n'avait jamais eut de compagnon, Dolorès ne put s'empêcher d'avoir de la peine pour elle. Certes, les hommes n'étaient pas forcément tous bons, mais il y avait de bons côtés à aimé et à être aimé. Du moins, lorsqu'on ne souffre pas.

- T'as jamais été amoureuse ? Demanda-t-elle plus sérieusement.

Son regard ambré se posa finalement sur son interlocutrice. Ses yeux louchaient légèrement, et la gitane voyait de moins en moins clair. L'eau de vie attaquait son cerveau, et c'était l'effet recherché.

J'préfère les boissons plus douces, lui confia l'inconnue. La gitane haussa les épaules avec un léger air de dépit. Tant pis, il y en aura plus pour elle. Un nouveau silence s'installa et au fur et à mesure du temps, la gitane se détendit aux côtés de Kaliska. Elle avait un peu l'impression de voir la même âme torturée à ses côtés. L'inconnue n'avait peut être jamais expérimenté les joies de l'amour, mais elle était déjà persuadée que les hommes étaient des lâches, et qu'il ne fallait pas s'y frotter.
Dolorès sourit, et prit une énième gorgée d'eau de vie.

Kaliska lui confia qu'elle n'avait jamais été amoureuse, et la gitane eut le cœur légèrement serré. Certes, les hommes étaient des pourris pour la plupart, mais être amoureuse était une sensation agréable, malgré son effet à double tranchant. La brune tourna mollement sa tête vers celle qu'elle venait de rencontrer, et fit un léger sourire.

- T'as pas besoin de le chercher, il te tombera dessus un jour où l'autre.

Parce que oui, si il y avait bien une chose qui était imprévisible avec l'amour, c'était qu'il touchait les gens de manière aléatoire, et souvent au mauvais moment, ou dans le mauvais cadre. C'était aussi ça qui rendait la chose passionnante et à la fois excitante. Désirer quelque chose sans jamais vraiment l'avoir, se faire posséder par quelqu'un tout en restant sauvage. Cet équilibre fragile était ce qui composait principalement ce que Dolorès considérait être l'amour.

Kaliska lui demanda si elle avait déjà été amoureuse. La gitane baissa les yeux, un instant dans le brouillard complet, puis prit une grande gorgée d'alcool, comme si cela allait l'aider à parler. Après tout, elle était déjà au fond du trou, alors pourquoi mentir ?

- Oui, confia-t-elle. J'ai aimé un homme comme je n'ai jamais aimé personne.

Elle arqua un sourcil, et se mit à rire. Un rire à la fois nerveux et triste. L'écho de sa voix résonna contre les pierres, créant presque une jolie mélodie, si elle n'avait pas été parasité par la consommation d'alcool. Entre deux rires, la gitane s'écria:

- Yo lo amé vraiment mucho, et regarde où j'en suis aujourd'hui !

L'éclat de sa voix se rependait dans la galerie, tendis que la belle un peu trop imbibée commençait à confondre sa langue natale avec celle d'Hastérion.

Dolorès soupira légèrement à l'entente de sa phrase. Je n'suis pas certaine de l'attirer alors, avait dit sa compère aux cheveux bruns. Hors, la gitane savait qu'elle se trompait. Des choses évidentes nous tombent parfois dessus, et il faut juste se saisir de l'occasion. Mais cela pouvait être compliqué, si le manque d'assurance et la peur s'y mêlait.

- Eso es gilipolleces, souffla-t-elle dans sa langue natale. Il aimera ce que tu déteste en toi, c'est ça l'amour.

Un sourire fendit son visage presque trempé de larmes, et la belle mit une nouvelle fois son breuvage à la bouche, songeant à ses amours de jeunesse. Elle avait aimé les défauts de son partenaire avant de les haïr au plus profond de son être. Mais au final, la frontière entre l'amour et la haine et parfois très fine.

Kaliska semblait désolée par ce qu'elle venait d'apprendre. Dolorès avait vécu une mauvaise expérience avec un homme, qui avait changé sa vie. Les autres qui tentaient de conquérir son cœur, payaient par conséquent les pots cassés. La belle se vengeait en quelque sorte sur eux, et cela lui faisait du bien. Inconsciemment, elle aurait aimé faire souffrir d'avantage l'homme qui l'a brisé, dans son passé. La mort n'était pas une punition assez satisfaisante, à son goût. La brune lui proposa de rester avec elle quelques instants, peut être une heure, ou toute la nuit. Les yeux de la gitane quittèrent le point qu'ils fixaient sur le mur, pour se retourner vers son interlocutrice. Passer du temps avec Kaliska ? Pourquoi pas. Après tout, avoir de la compagnie ne pouvait pas être pire.

- D'accord, dit-elle en haussant les épaules.

Elle lui tendit sa main, comme si elle venait la saluer pour la première fois. Quitte à rester avec elle, autant se présenter, et faire comme si elles ne se connaissaient pas. Car après tout, c'était le cas.

- Lorna. Et toi ?

La sauvage ne semblait pas à l'aise avec l'amour, ou du moins, les relations amoureuses. Durant l'espace d'un instant, Dolorès sentait qu'elle pouvait devenir un bon psychiatre, ou du moins, pouvait lui donner quelques conseils de séduction. Si Kaliska n'avait pas confiance en elle concernant les relations amoureuses, Dolorès, elle, était une vraie championne dans ce domaine. Elle ne comptait plus le nombre d'homme qu'elle avait envoûté grâce à ses parures de gitane, à ses yeux félins ou à son odeur d'épice. Ce "pouvoir" était aussi la raison de son plus grand malheur. Les hommes ne voyaient en elle qu'un bout de viande, la plupart du temps. Aucun ne s'était jamais vraiment posé la question de savoir ce qu'elle ressentait vraiment, au fond de son cœur. Peut être ne l'avait-elle pas permis aussi. 

La gitane n'insista pas, et son regard brumeux se glissa vers la petite boule sablée qui accompagnait la dite "Kali". Un petit sourire étira ses lèvres. Elle aurait eu envie de la caresser, mais vu les crocs de la bestiole, elle se résigna à un simple regard rempli d'affection.

- Quelle étrange créature, souffla-t-elle. Comment vous vous êtes rencontrées ? 

Une gorgée de nectar brûlant plus tard, Dolorès déglutit, et senti une présence à ses côtés. Gringo, qui devait certainement en avoir marre de rester debout, se coucha avec lenteur et lourdeur près de sa gitane, les pattes repliés sous son énorme ventre. Il agita une oreille, décontracté, tendis que Dolorès passa une main presque tremblante à travers ses petits crins. 

- C'est Gringo. Mon compagnon...

Les yeux remplis d'amour, certainement à cause de l'alcool, la belle fixa le canasson pendant quelques secondes, avant de se retourner de nouveau vers la sauvage, qui l'intriguait beaucoup, mine de rien. D'où venait-elle ? Pourquoi elle ne l'avait pas rencontré plus tôt ? Toutes ces questions se bousculaient dans sa tête, et la gitane comptait bien avoir des réponses. 

Dolorès fixait la petite boule sablée, assez insistante - certainement à cause de l'alcool. Mais lorsque Kali lui annonça qu'elle pouvait la caresser, la gitane eut un sourire gêné, ce qui est assez rare. Non vraiment, la petite bestiole l'intimidait trop pour s'y frotter. Au lieu de ça, elle écouta calmement l'histoire de sa "camarade", la tête lourde, et les yeux dans le vide. Dans la montagne ? Au vu de sa taille et de son pelage, la gitane aurait parié que la bestiole venait du désert, ou un truc comme ça. Un léger sourire vint déformer ses joues, tendis que la bouteille revint près de ses lèvres. Au plus elle se vidait, au plus la gitane se sentait... Comment dire... Légère.

- Elle est rigolote, parece que un huevo, souffla-t-elle en un rire.

Le passage un peu triste sur l'abandon, Dolorès l'avait complètement occulté. Il fallait dire que son état d'esprit était un peu flou, et que toutes les informations n'étaient pas captées. Gringo s'avançait encore un peu, histoire de se rapprocher de sa gitane adorée. Il tendit l'oreille, comme s'il savait que Kali parlait de lui.
La brune eut un sourire, et hocha la tête à l'entente du mot "majestueux". Mais lorsqu'elle se rendit compte qu'elle devait expliquer leur rencontre, la gitane eut un moment de flottement, comme si ses neurones ne voulaient pas se connecter pour parler. Au bout de quelques longues secondes, Dolorès fronça les sourcils, tentant de se remémorer ce moment important de sa vie. Comment pouvait-elle l'oublier après tout ?

- Je l'ai rencontré... En quittant ma famille. Il était tan pequeño, un vrai bébé. Je crois qu'il avait perdu ses parents.

La gitane haussa les épaules. Au final, Gringo et Meika avaient tout les deux été abandonnés. A la question de la sauvage, la belle haussa de nouveau les épaules, avec un grand sourire.

- Je ne sais pas ! s'écria-t-elle en rigolant. Je suis une gitane, mi amiga, je suis née sur une route, et j'ai vécu sur les routes. Et je vis encore sur la route, yo creo...

Dolorès fixa la sauvage, l'espace d'un instant. Kali était une femme rebelle, cela se voyait. Et pour cela, elle lui plaisait.

- Et toi, d'où viens tu mi bella ?

La bouteille d'eau de vie revint de nouveau vers les lèvres de la gitane. Mais cette fois ci, rien n'en sorti. La belle regarda à travers le goulot: vide ? Déjà ?

- Maldita mierda que apesta, pesta-elle rapidement, en reposant la bouteille.

Mais au final, boire encore était-ce vraiment raisonnable ?