La grandeur de la future reine | Euridice

Si maintenant ce n'est plus pareil, la vie fût si douce au début. Tu es née une cuillère de diamant dans la bouche, tant tu avais tout ce que tu voulais, tout ce que tu pouvais imaginer avoir. Si ce n'était pas tes parents qui te gâtaient, c'était tes grands frères, Nathanaël et Kleitos. Tu ne comprenais pas tellement ce qu'ils faisaient de leur temps d'adultes, tu étais trop jeune, mais tu les adorais. Ton autre frère de deux ans ton ainée, tu en étais très proche. Vous vous amusiez comme des fous tous les jours, tout le temps. Tu ne voyais pas ta vie sans lui en grandissant, c'était ton meilleur ami, ton protecteur. Avec le temps avait même grandi une profonde admiration pour lui, qui à tes yeux pouvait tout réussir. Il était un peu comme ton héros, ton exemple. Quand lui avait quelque chose, tu voulais pareil. C'est comme ça que tu reçus ton tout premier pokemon, celui qui t'accompagnerait partout, tout le temps. Un Medhyèna mâle, que tu nommas affectueusement Ryūsei.

Mais la vie ne peut pas être que rires et douceurs. Et si la famille appréhendaient des pleurs à n'en plus finir, au final s'en suivi un long moment de désillusion. Les mots ne faisaient pas sens, ils ne pouvaient pas être vrais. Ils parlaient de lui comme s'il n'allait jamais revenir, ils répétaient qu'il avait été courageux, qu'il te regarderait grandir peu importe où il se trouve. Toi, tu avais l'impression qu'on te servait un charabia sans nom simplement pour te tenir hors contexte. Où était Nathanaël ? Comment ça, parti ? Comment ça, il ne pourra pas revenir ? Le temps passait et même si tu comprenais au fond, dans un coin de ta tête, tu ne voulais pas comprendre. Tu ne voulais pas y croire.
Simplement, le temps est froid. Il n'a ni sentiment ni remords. Et c'est en le regardant prendre ce qui constituaient ta famille, ton sang, tout l'or du monde et plus encore, que tu finis par être obligée d'accepter les évènements. Aussi triste soient-ils. Nathanaël était mort, non il ne reviendra pas. Kleitos subit le même sort. Suivi de ton père. Et les yeux de ta mère ne furent plus jamais aussi lumineux après tant de deuil dans l'horizon.
Le dernier vilain tour du temps, c'était de te prendre ton héros. Il devait se préparer, être prêt pour recevoir la couronne dignement. Tu étais jeune, tu n'avais que neuve ans, et tu n'avais que faire du prochain roi. Tu voulais que l'on te rende ton frère, ton dernier soutien, ton exemple. Mais tu as bien compris que colère et ressentiments ne le ramèneraient pas. Le monde est ce qu'il est. Glacial.

Six ans plus tard, la douce Euridice avait bien changé. Pas dans le fond, mais dans la forme. Il n'était plus question de douceur à proprement parler, le temps lui avait fait comprendre qu'on ne pouvait ni survivre ni être heureux en étant simplement bon. Il était question de colère toujours, mais surplombé d'une sorte d'amour tacite. Car elle n'agit pas avec colère, comme elle n'agit pas avec douceur, elle a trouvé son chemin dans les choix cruels de l'amour. L'amour lui avait donné la force, le courage, la détermination. L'amour lui avait donné la solution aux maux. Si la vie était prête à tout lui prendre, soit. Elle prendrait tout d'elle-même. Car s'il y avait une chose moins pire que de voir les autres partir sans un au revoir, c'était de les faire partir soi-même. Tu allais devenir la meilleure et tu serais l'auteure des crimes. Avec tendresse en tête pourtant, tu serais celle qui donnerait une mort douce à ceux qui la regarde arriver au loin. Car tu sais que la fin qu'ils voient se rapprocher peut être des plus abjectes, des plus glaciales et sans détour. Milles excuses se confondaient pour tes frères partis au combat, ton père qui allait devoir voir ça. Mais tu n'avais pas le choix. Tu feras ça pour lui. Tu feras ça pour toi. Il n'y aura plus de Roi, il y aura une Reine.