Wild life hunt [PV Tim Pear]

Nathanaël souleva les bâches une par une, passant en revue les différentes caisses entassées sous chacune d'elle, se référant à une longue liste qu'il portait de son autre main. Un des voyageurs voulut l'aider et apporta une torche pour éclairer les caisses, mais Nathanaël le repoussa sans ménagement. Chacun des chariots contenait bien la marchandise prévue, ainsi qu'assez de vivres pour que les marchands puissent atteindre Scémède sans encombre. Il abandonna la revue de la cargaison et se tourna vers les marchands eux-même. Chacun des hommes de la compagnie, pas un de plus et pas un de moins, tous avec les pokémons enregistrés sur le manifeste. En résumé, tout était en ordre. Depuis qu'un de ses capitaines avait tenté de l'escroquer, quelques temps plus tôt, le borgne tenait à vérifier lui-même chacun des chargements qu'il finançait avant leur départ. Une précaution qui s'était avérée futile jusqu'ici puisqu'aucun autre de ses marchands n'avait tenté de le rouler, à moins que sa prudence n'ait justement évité les trahisons.

Il donna sa bénédiction habituelle aux marchands avant de les laisser partir et de se préparer à rentrer. Le jour ne tarderait pas à poindre à l'horizon, les caravaniers préférant voyager de jour, et Nathanaël avait déjà travaillé toute la nuit. La porte de la ville n'était pas à côté de chez lui, et il n'aimait pas rester hors des murs d'enceinte, hors de question qu'il s'attarde plus que de raison. Du raffut attira cependant son attention, des bruits de lutte plus loin sur sa gauche. Les caravaniers aussi semblaient l'avoir entendu, leurs regards scrutant les alentours pour tenter d'en trouver la source. Nathanaël fut le premier à s'avancer d'un pas prudent, bientôt suivi par deux autres des marchands.

Pendant de longues secondes, ils ne virent rien. Seul leur parvenaient des bruits de lutte, de plus en plus proches et distincts. Puis une forme déboula soudainement d'un fourré, une petite créature jaune et rouge qui préféra se cacher parmi les humains qu'attendre ce qui la suivait. Comme le pokémon s'immobilisait, collé à sa jambe et tremblotant, Nathanaël se pencha pour l'observer. C'était un pikachu, un jeune à juger par sa taille, dont la fourrure était tâchée de sang. Le borgne eut juste le temps de voir un collier à son cou, signe que ce pikachu avait un jour été domestiqué, avant qu'une autre silhouette ne surgisse face à lui.

L'homme, si c'en était bien un, prit Nathanaël de court. Surpris, effrayé, il eut un mouvement de recul et referma instinctivement sa prise sur le petit pokemon blessé. Celui-ci, sans doute trop fatigué pour continuer à fuir, ne résista pas. Il se blottit même contre la poitrine du borgne, couvrant de tâches rouges son gilet. En temps normal, il aurait repoussé le petit animal sale, d'autant plus que le sang était très voyant et très difficile à faire partir. La situation n'avait rien de normal cependant, et la silhouette tordue et sauvage qui venait de surgir des buissons faisait des apparences un problème secondaire.

Courbé, tordu, le visage lacéré et ensanglanté, Nathanaël aurait pu croire que c'était un pokemon face à lui s'il ne portait pas des vêtements, des gants, un sac même. Et du rouge plein ses mains. C'était donc bien lui qui avait attaqué un pokemon domestiqué, qui faisait ça à part les truands et les sadiques ? Pas quelqu'un de très courageux en tout cas. Lui et le marchand se dévisagèrent pendant de longues secondes avant que le blond se décide à reculer. Un pas, deux pas, puis il se retourna et le charme fut rompu.

Nathanaël s'élança à sa suite par instinct, ne se reprenant qu'après quelques pas. Et qu'est-ce qu'il espérait faire ? Il était frêle, il était fatigué et Nautilus n'était pas là pour le protéger. Seul, il ne parviendrait qu'à s'attirer des ennuis idiots. Par chance, les autres caravaniers avaient aussi assisté à la scène et rassemblaient déjà leurs pokemons. Ils se préparaient plus à se défendre, craignant que l'étrange individu soit le premier d'une bande de voleurs, mais Nathanaël avait d'autres plans. Il désigna du doigt trois des mercenaires qui accompagnaient le convoi, leur ordonnant de l'accompagner pendant que les autres gardaient le chariot. De son autre main, il tenait le pikachu blessé et le berçait lentement, le rassurant comme il pouvait.

Ainsi escorté de trois guerriers aguerris et de trois pokemons – un malosse, un mangriff et un nidorina – le borgne se sentit plus confiant pour pourchasser l'agresseur. Il ne savait pas bien pourquoi il voulait tant le retrouver, mais s'il devait formuler une excuse, ce serait par civisme. L'inconnu avait agressé un pokemon dressé, peut-être aussi son dresseur justement, il était donc dangereux. Nathanaël se souciait assez peu de la loi mais plus de l'ordre, et surtout il abhorrait ce genre de violence. C'était vulgaire et inélégant.

Aucun d'eux ne savait réellement ce qu'il fallait faire dans cette situation. Même le Malosse était plus entraîné à aboyer et mordre pour défendre son maître qu'à suivre une piste et retrouver un fuyard. Leur poursuite était lente, précautionneuse, et pas forcément efficace. Par chance le truand n'était pas plus prudent qu'eux, bousculant bruyamment branches et buissons. Le son était facile à repérer et facile à suivre. Aucun des mercenaires ne voulait vraiment être là cependant, et si Nathanaël n'avait pas été avec eux pour les pousser à avancer, ils auraient vite fait demi-tour.

C'est ce qui faillit arriver, d'ailleurs, quand les bruits se turent. Le fuyard avait-il disparu, s'était-il caché, avait-il quitté la forêt ou simplement trouvé un moyen de se faire silencieux ? Dans tous les cas, il ne restait plus rien pour le retrouver. Le groupe de poursuivants finit par s'immobiliser, les pokemons furetant aux alentours sans trop s'éloigner pendant que les mercenaires se refermaient autour de leur employeur.

Nathanaël soupira, ses doigts glissant lentement dans la fourrure du pikachu blessé pour le rassurer. Ses hommes avaient raison, cette traque ne menait nulle part. Il n'aimait pas l'idée de laisser filer la brute responsable de cette agression mais que pouvait-il faire de plus ? Il n'était ni formé ni équipé pour retrouver un vagabond, pas plus que les mercenaires. Il poussa donc un soupire mais, alors qu'il allait céder et ordonner la retraite, un nouveau mouvement se fit entendre. Quelque chose se déplaçait dans les fourrés, moins bruyamment que le truand mais très proche. Peut-être s'était-il vraiment caché, espérant se faire oublier, et tentait désormais de filer.

Quelle que soit la source réelle des bruits, elle mit les hommes et les pokemons sur le qui-vive. En un instant ils se rassemblèrent et reprirent la poursuite, faisant cette fois attention à leurs propres bruits. Si le fuyard se déplaçait avec prudence, en essayant de masquer ses traces, autant lui donner raison et ne pas l'effrayer. Plus il se forçait à être lent, plus il serait facile à rattraper.