Tout est blanc, tes yeux m'éclairent.

La neige. Cela faisait plusieurs jours que la neige tombait comme une pluie sans fin, épaisse et tenace. Les rues d'Aros étaient toutes recouverte de ce manteau hivernal, froid et paralysant. Les commerçants passaient le trois-quart de leur journée à déblayer la neige qui tombait devant leur boutique, tendis que les enfants ne jouaient même plus dans la poudreuse, tant ce jeu semblait démodé désormais. L'hiver qui s'était installé à Aros, semblait avoir plongé le territoire entier dans une sorte de déprime globale, sans aucune vraie raison. Le manque de soleil et de chaleur, rendait la plupart des gens aigris et solitaire, et l'autre partie encore plus alcoolique.

Dolorès ne faisait parti d'aucune de ces catégories. Elle qui vivait son premier hiver depuis bien longtemps, redécouvrait les sensations agréables, et désagréable du froid et de la neige. Elle avait oublié, par exemple, du bruit que faisait la poudreuse lorsque l'on posait son pied dessus. Elle avait oublié que lorsque les températures tombaient trop, un épais nuage de brume sortait de sa bouche et de ses narines. Elle avait oublié à quel point sa calèche était douillette et accueillante, lorsque le froid mordait sa chair et son être tout entier.

Mais la gitane ne savait pas que la mer pouvait être aussi belle, en hiver. Plus personne ne venait visiter la plage, parce qu'il faisait trop froid, et que ce paysage était peut être trop vu et revu, avec le temps. Mais Dolorès, elle, ne l'avait jamais vu sous cet angle là.
Assise sur le dos de son destrier, perchée à plus de deux mètres, la gitane gardait son regard tourné vers l'horizon, admirative. La mer reflétait le fin soleil vers le ciel, comme dans un jeu où chacun se renvoyait la balle. Malgré le vent qui était beaucoup plus présent ici qu'en ville, la belle n'en souffrait pas: emmitouflée dans une épaisse couverture, seul son visage était visible. Gringo, quant à lui, n'avait aucune difficulté à marcher dans le sable de la plage. Après tout, ses sabots épais ne s'enfonçaient pas dans le sol, et son corps robuste supportait le froid avec aisance. Le grand percheron voyait ce moment comme un instant de complicité silencieux avec sa gitane. De temps à autre, il sentait son pouce caresser doucement l'une de ses épaules, et il aimait ça. A vrai dire, il aimait tout, chez son humaine.

Si les yeux de la belle étaient perdus dans l'horizon, ses pensées, elles, se perdaient dans son esprit. Beaucoup de choses tracassaient la gitane. Maintenant qu'Hannibal vivait avec eux, il y avait plus de bouches à nourrir, et donc, plus de pièces à dépenser. Son cœur de nomade l’appelait aussi à partir de cet endroit, mais la vie d'Aros, malgré le froid, lui convenait. Il y avait certaines rencontres, qu'elle ne voulait pas quitter...